« Le rôle des établissements d’hébergement va devoir évoluer »
Roselyne Bachelot-Narquin, ministre des Solidarités et de la Cohésion sociale, revient, pour Ehpad Magazine, sur les moyens consacrés aux établissements d’hébergement en 2012 et sur l’évolution de leur rôle.
Ehpad Magazine : Madame la Ministre, quels sont, en 2012, les moyens affectés à l’hébergement des personnes âgées dépendantes ?
Roselyne Bachelot-Narquin : Notre pays est caractérisé par une politique sociale de très haut niveau, tant en termes financiers que de qualité. Depuis 1997, les crédits consacrés aux structures d’hébergement pour personnes âgées dépendantes ont augmenté de 260 %. Certains auraient pu penser qu’avec la crise que nous traversons, nous allions ralentir le pas dans ce domaine. Ce n’est pas le cas. L’effort va continuer en 2012. L’Ondam médico-social continue d’augmenter fortement et l’Objectif national de dépenses d’Assurance maladie consacrées aux personnes âgées va augmenter de 6 %. C’est considérable.
Ces moyens supplémentaires vont nous permettre de mettre en œuvre un plan d’aide à l’investissement de 50 millions d’euros, ce qui correspond à des crédits pour des places nouvelles. Je rappelle que le rythme de création de places nouvelles est de 7 500 par an depuis 2007. Nous allons aussi consacrer 140 millions d’euros à la médicalisation. Enfin, nous continuons la politique de développement des maisons pour l’autonomie et l’intégration des malades d’Alzheimer (Maia, N.D.L.R.).
Je tiens à signaler que les efforts considérables que nous consentons en faveur des services à domicile ne se font pas au détriment des places d’hébergement. Les 50 millions d’euros que nous leur affectons proviennent du budget de l’État et non de celui de la Sécurité sociale. Comme vous le voyez, nous faisons un effort continu et marqué à destination du secteur des structures d’hébergement et ce, malgré la période de crise que nous traversons.
I. M. : Toutefois, avec l’abandon de la réforme de la dépendance, les acteurs de la prise en charge des personnes âgées ont-ils vraiment les moyens de répondre aux besoins croissants de la population ?
R. B-N. : La réforme de la dépendance a démarré. Elle n’est pas arrêtée. Même si, en raison des circonstances que nous vivons, nous avons renoncé aux mesures financières les plus lourdes, l’augmentation substantielle des crédits nous permet de lancer cette réforme de la dépendance sur le plan budgétaire mais aussi sur celui de la recherche de marges d’efficience. Chaque année, 2 milliards d’euros sont ainsi dépensés pour des hospitalisations indues liées à la mauvaise organisation entre les services à domicile et les structures d’hébergement. Pour améliorer cette situation, je crois beaucoup à la démarche qualité pour les Établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad). Nous pourrons d’ailleurs octroyer un bonus aux établissements qui s’y engageront.
I. M. : Vous évoquez ici la modulation du forfait jour…
R. B-N. : Absolument.
I. M. : Alors que le « marché » de l’hébergement des personnes âgées connaît un essor très important, pensez-vous que l’État et les collectivités locales aient les moyens d’éviter les dérives ?
R. B-N. : Il faut être très vigilant sur ce sujet mais il convient aussi de rappeler un certain nombre de faits. Dans notre pays, le privé lucratif représente 18 % des places d’hébergement des personnes âgées dépendantes. Les secteurs public et privé non lucratif y sont donc éminemment majoritaires. En outre, les sécurités sont connues et bien en place. Quel que soit le promoteur, privé lucratif ou autre, l’ouverture d’un établissement passe par le respect d’un cahier des charges et par l’obtention d’une autorisation délivrée par le président du Conseil général et par l’ARS. Tous les établissements sont ensuite soumis aux mêmes contrôles. Comme les autres, les établissements privés lucratifs sont encadrés par tout un système de vérifications et de contrôles, avant, pendant et après leur installation.
Il faut aussi casser un certain nombre de lieux communs dont celui qui voudrait que les établissements privés lucratifs n’accueillent que les cas les plus légers. Or, le taux de dépendance est plutôt plus élevé dans le secteur privé lucratif que dans le reste des structures d’accueil. Ce secteur apporte donc sa pierre à la prise en charge des personnes les plus lourdement atteintes.
I. M. : Il n’y a donc pas de dérives à craindre ?
R. B-N. : Des dérives peuvent exister dans tous les secteurs. Dans le privé lucratif comme dans les autres. Encore une fois, il faut être extrêmement vigilant. C’est pour cela que les Agences régionales de santé effectuent des visites inopinées dans tous les établissements. Mais il faut surtout s’appuyer sur les bons élèves. C’est exactement la démarche que je souhaite développer avec le bonus attaché à la démarche qualité.
Je crois que cette démarche doit aussi être envisagée de manière beaucoup plus globale. Le rôle des établissements d’hébergement va devoir évoluer. De la même façon qu’en créant les Agences régionales de santé, j’ai voulu décloisonner et territorialiser la structuration de l’offre entre le sanitaire, le médico-social et le social, il va falloir amplifier cette démarche pour ce qui est de la prise en charge des personnes âgées dépendantes. Je suis persuadée que les établissements d’hébergement auront à jouer un rôle de plate-forme entre les services à domicile et l’hospitalisation. L’avenir des établissements d’hébergement est d’être beaucoup plus intégrés à la prise en charge citoyenne. Ils auront un véritable rôle d’animation de la prise en charge des personnes âgées à travers la mutualisation d’un certain nombre de services. Nous sommes donc à la veille d’un mouvement d’expansion du rôle de l’établissement d’hébergement, lequel est appelé à être le chef d’orchestre et l’animateur de tout un réseau de services et de personnels.