Marie-Odile Desana, présidente de l’association France Alzheimer
« Le Plan n’a pas avancé à la vitesse espérée par les usagers ». |
Prise en charge des patients en Ehpad
France Alzheimer
« très moyennement satisfaite »
Marie-Odile Desana, présidente de l’association France Alzheimer, revient sur les acquis et les carences de la mise en place du Plan Alzheimer 2008-2012, lesquels ne sont pas sans conséquences sur la prise en charge des patients atteints de cette maladie au sein des Ehpad.
EHPAD Magazine : Quel premier bilan faites-vous
du Plan Alzheimer 2008-2012 ?
Marie-Odile Desana : Globalement, avec ses quarante-quatre mesures concrètes, ce plan est extrêmement complet dans son élaboration. Concernant sa mise en œuvre, les mesures relatives à la recherche et au changement du regard porté sur la maladie ont été pratiquement appliquées. La Fondation de coopération scientifique pour stimuler et coordonner la recherche a, par exemple, été créée et les colloques sur les nouvelles technologies disponibles ou sur le vocabulaire à utiliser ont eu lieu. En revanche, en matière d’offre de soins et de structures adaptées ainsi que d’accompagnement des patients et de leur famille, le Plan n’a pas avancé à la vitesse espérée par les usagers.
E. M. : Quelles mesures restent-elles
à mettre en place au sein des Ehpad ?
M-O. D. : Pendant la durée du Plan, 12 000 places d’Accueil de jour (AJ) ou équivalentes devaient notamment être créées en Ehpad ou au sein d’autres structures d’accueil. Or, il y a beaucoup de retard dans ce domaine. Entre 2008 et 2010, seules 3 000 places d’AJ ont été mises en service. En outre, il n’y a même pas eu d’appel à projets en 2011. La création de nouvelles structures d’accueil d’urgence est également à l’arrêt. Elles n’existent que dans quelques établissements.
Qu’ils soient publics ou privés, les Ehpad sont confrontés à des difficultés budgétaires pour traiter ce qui est propre à la maladie d’Alzheimer. |
E. M. : Etes-vous satisfaite de la prise en charge de la maladie d’Alzheimer en Ehpad ?
M-O. D. : Globalement, nous ne sommes que très moyennement satisfaits. Les Ehpad manquent de moyens humains et financiers. Grâce au Plan Alzheimer, chaque Ehpad doit aujourd’hui disposer d’un minimum de six places d’accueil de jour avec des locaux et du personnel dédiés. Certains Ehpad ont déjà ce nombre de places et parfois un peu plus. Ils ont également des places d’hébergement temporaire pour les patients dont les parents aidant ont besoin d’un peu de temps pour eux. Le problème, c’est que ces lits ne sont pas toujours occupés et que la tentation est grande de les attribuer à l’année à d’autres patients, non atteints de la maladie d’Alzheimer. La création de ces places ne devrait pas dépendre du budget global des établissements mais d’un budget spécifique prévu à cet effet. Enfin, ce qui pose problème, c’est que les établissements sont souvent chers. Chaque mois, il reste environ 1 000 euros à la charge des familles. Une réforme du financement de la dépendance est donc réellement nécessaire.
E. M. : Que préconisez-vous d’autre ?
M-O. D. : Nous relayons les demandes des Ehpad en terme de moyens financiers. Qu’ils soient publics ou privés, ils sont confrontés à des difficultés budgétaires pour traiter ce qui est propre à la maladie d’Alzheimer. Des lits doivent être réservés aux personnes qui en sont atteintes. Le personnel des Ehpad doit également recevoir une formation spécifique pour accueillir ces malades car 70 à 80 % des personnes lourdement dépendantes sont atteintes de maladies neuro-dégénératives, notamment de la maladie d’Alzheimer. Certaines présentent des troubles du comportement qui, en dehors des cas de démence fronto-temporale, peuvent souvent être atténués, par exemple grâce à des traitements psychosociaux. Nous souhaiterions aussi que, en fonction des projets de vie des résidents en unités Alzheimer et du cahier des charges des établissements, les Ehpad proposent plus d’activités communes à tous les résidents. En effet, l’importance des activités est grande puisqu’elles peuvent conduire à réduire significativement les troubles du comportement ainsi qu’à diminuer l’utilisation de psychotropes sédatifs et de la contention.
E. M. : Et quid des malades jeunes ? Le Plan insiste sur la nécessité de sensibiliser les professionnels médico-sociaux à la spécificité de leur situation et de faciliter leur hébergement en Ehpad ou en Maison d’accueil spécialisée (MAS). Qu’en pensez-vous ?
M-O. D. : La question de la prise en charge des malades jeunes, qui développent la maladie avant 60 ans, est extrêmement importante. Ils sont entre 5 et 8 000 en France. Ils ont des problèmes spécifiques et souvent plus aigus : ils ont un emploi voire des enfants encore jeunes. Jusqu’à présent, ils bénéficient de dérogations pour entrer en Ehpad. Or, ils se retrouvent avec des personnes très âgées et dépendantes. Ce n’est pas adapté pour eux. La sensibilisation des personnels est indispensable. Mais la solution pourrait être de créer des Centres mémoire de ressources et de recherche (CMRR) en Ehpad. Une partie des lits pourraient être réservés à ces malades jeunes mais à ma connaissance, il n’y en a aucun. La création de trois CMRR est prévue par le Plan mais ce volet est seulement en train d’être activé. En outre, les CMRR sont en principe créés dans les Centres hospitalo-universitaires (CHU).