Donner une véritable place
aux bénévoles
Ouvrir les portes de l’établissement aux bénévoles n’est pas sans incidences sur le fonctionnement de la structure. Pour établir un véritable partenariat, il est nécessaire d’intégrer, d’accompagner et de former ces intervenants extérieurs. Explications de Victoria Sedeno, consultante en charge du secteur Seniors au sein du cabinet AgyRem Conseil.
Ehpad Magazine : Quelles sont les étapes-clés de l’accompagnement des bénévoles ?
Victoria Sedeno : L’intervention de bénévoles au sein de l’établissement doit être contractualisée par la signature d’une convention entre l’organisme gestionnaire de l’établissement et le président de l’association des bénévoles. Ce document énonce les grandes lignes des modalités d’intervention des bénévoles. Il est également important pour l’établissement d’établir une charte des bénévoles. Afin de favoriser l’intégration des bénévoles et d’éviter les difficultés, ces derniers doivent connaître le projet, les moyens et les missions de l’établissement, le projet de vie, le projet social et le profil des résidents. Enfin, le chef d’établissement doit organiser, de façon collective ou individuelle, la présentation des bénévoles aux salariés de l’établissement et aux résidents.
E. M. : Comment établir une coopération entre les bénévoles et le personnel auprès des résidents ?
V. S. : Le bénévole ne se substitue ni aux familles ni au personnel de l’établissement. Il intervient en complément et contribue avec eux aux besoins de confort et de bien-être des résidents. Le bénévole n’effectue pas de gestes techniques, il apporte une aide pour les sorties, les animations, les moments de lecture…
Toutefois, la coopération avec le personnel peut parfois être « sur le fil du rasoir ». Les salariés peuvent se sentir menacés dans leur emploi ou en concurrence avec ces intervenants extérieurs. Il est donc nécessaire que le directeur d’établissement œuvre pour instaurer une relation de confiance et favoriser la communication entre les deux parties en précisant le rôle et les responsabilités des uns et des autres. Les membres du personnel doivent être des traits d’union entre les bénévoles et les personnes âgées. Ainsi, les premières visites auprès des résidents peuvent être encadrées par le personnel qui connaît les spécificités de chaque personne âgée. Cet accompagnement peut également être fait par un ancien bénévole ou un référent de l’association.
E. M. : Quelles formations sont-elle nécessaires pour ces bénévoles ?
V. S. : La formation des bénévoles facilite leur insertion dans l’établissement et s’inscrit dans un processus de reconnaissance de leur engagement en tant que partenaires. Pour protéger le bénévole, il faut poser des limites relatives à la distanciation avec la personne âgée, au savoir-être et au savoir-faire. Former le bénévole, c’est poser les limites de ce qu’il doit faire, ne doit pas faire et peut faire. Les bénévoles doivent être sensibilisés aux bonnes pratiques de l’Agence nationale de l’évaluation et de la qualité des établissements et services sociaux et médico-sociaux (Anesm), à la bientraitance et à une meilleure connaissance de la maladie d’Alzheimer et des pathologies apparentées.
Propos recueillis par Alice Dumont
Témoignage« Accepter de travailler ensemble »Depuis 2006, l’association Vivat (Vivre ici, vivre avec tous) organise des animations, des sorties et des activités pour les résidents de l’Ehpad du Moulin d’Ascq à Villeneuve-d’Ascq (59). La relation de confiance entre bénévoles et salariés a nécessité des efforts partagés de part et d’autre.Du lundi au vendredi, les vingt-et-un bénévoles de l’association Vivat contribuent au maintien du lien social des résidents de l’Ehpad du Moulin d’Ascq. « 75 % des résidents reçoivent des visites régulières. On organise également des ateliers mémoire, des ateliers revue de presse, des animations de chant et des sorties culturelles, explique Arlette Mauroy, présidente de l’association Vivat. Nous accompagnons les résidents aux manifestations organisées par la Ville pour les aînés afin qu’ils se sentent citoyens à part entière. Nous parvenons même à impliquer les familles dans les sorties ». « Au départ, nous étions un groupe de sept personnes sollicitées par des familles qui avaient des parents dans l’établissement. Il n’y avait pas d’animations au sein de la structure. Les besoins étaient donc importants. En 2006, nous avons créé l’association Vivat pour pouvoir agir. À partir de ce moment-là, le groupe de bénévoles a toujours travaillé avec le service animation du Centre communal d’action sociale (CCAS). Chaque année, les bénévoles de l’association Vivat suivent des formations. Les thèmes portent sur les maladies neurodégénératives, les groupes de parole ou encore l’informatique », précise Arlette Mauroy. Rassurer les professionnelsSi, aujourd’hui, l’action de ces bénévoles jouit de la reconnaissance de la Municipalité, des familles des résidents et des équipes de l’Ehpad, tout n’était pas gagné d’avance. « Il y avait une méfiance de la part du personnel, la peur d’une concurrence. Les salariés craignaient que les bénévoles soient des perturbateurs, qu’ils jugent ou critiquent leur travail auprès des résidents. On peut comprendre ces réticences car lorsque l’on organise des sorties et des animations, c’est un surplus de travail pour les salariés de l’établissement. Voir arriver des bénévoles alors que les salariés réclament sans cesse la création de nouveaux emplois, cela peut générer des tensions. Mais progressivement, les professionnels se sont rendu compte que l’on pouvait travailler en collaboration. Nombre d’entre eux admettent que les résidents sont plus calmes et plus faciles à prendre en charge quand ils ont participé à une activité, une animation ou reçu une visite. On a connu cinq changements de direction à la tête de l’établissement. Avec Pascale Decobert, la nouvelle directrice depuis quelques mois, les relations sont excellentes. Quand le personnel voit que la direction adhère aux projets des bénévoles, cela facilite les choses. L’association Vivat est considérée comme un partenaire dans le projet de vie de l’établissement et dans le projet d’animation », se félicite Arlette Mauroy. « Il est essentiel de travailler à la relation entre les bénévoles et le personnel soignant. Il faut du temps pour établir un partenariat étroit et pour accepter de travailler ensemble et autrement », confirme, de son côté, la directrice de l’établissement Pascale Decobert. A. D. |