Qui peut valablement procéder au licenciement d’un salarié dans un Ehpad ?
Si le Directeur est souvent chargé de cette mission, il ne va pas de soi que la procédure soit pour autant régulière. Éclairage sur quelques généralités en la matière et illustrations avec les cas d’une structure associative et d’une société commerciale.
Me Bruno Malvaud, avocat associé Barthélémy-avocats
Quelques RAPPELS GÉNÉRAUXOutre le fait que la lettre de licenciement doit nécessairement être signée, faute de quoi le salarié peut prétendre à des dommages-intérêts pour procédure irrégulière mais non pour licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse1, se pose la question de la qualité du signataire. Premier réflexe, valable quelle que soit la nature de la structure, l’employeur ne peut jamais donner mandat à une personne étrangère à l’entreprise (expert-comptable, avocat, etc.) pour notifier le licenciement. À défaut, le licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse2 ; le cas du DRH, salarié d’une holding, licenciant un salarié d’une filiale du groupe faisant exception. Si l’employeur peut être amené à déléguer la gestion du personnel et des licenciements, aucune disposition légale n’exige que la délégation du pouvoir de licencier soit donnée par écrit. Ainsi, dès lors qu’il est constaté que le représentant de l’employeur (Directeur financier, DRH) agit au nom de l’entreprise, il doit être considéré comme ayant le pouvoir de notifier le licenciement3, y compris s’il n’a qu’un statut d’intérimaire4. De même, la lettre de licenciement signée pour ordre (PO) au nom du DRH est valable dès lors que la procédure a bien été menée à son terme, peu important que l’identité de la personne signataire ne soit pas connue5. D’ailleurs, le pouvoir reconnu à un Directeur salarié de représenter l’employeur dans toutes les actions liées à la gestion des ressources humaines, inscrit dans la fiche de définition des fonctions de ce Directeur, emporte pouvoir de licencier au nom de l’employeur6. Dans une structure ASSOCIATIVESelon la rédaction des statuts adoptés par les membres associatifs, le pouvoir de licencier pourra être attribué à l’assemblée générale, à l’organe dirigeant (conseil d’administration) ou encore au bureau ou au Président. En l’absence de disposition statutaire contraire attribuant cette compétence à un autre organe, il entre dans les attributions du Président d’une association de mettre en œuvre la procédure de licenciement, y compris en l’absence de délibération spécifique du conseil d’administration, une position confirmée par la Cour de cassation7. Comme tout dirigeant, le Président peut décider de déléguer une partie de ses prérogatives, notamment à son Directeur. Néanmoins, lorsque selon les statuts de l’association, le Président recrute, nomme, licencie, assure la gestion et le pouvoir disciplinaire du personnel salarié de l’association mais peut déléguer ses pouvoirs à un administrateur ou à un Directeur général avec l’accord du conseil d’administration, la délégation de pouvoir consentie par le Président de l’association au Directeur général mentionnant exclusivement la possibilité de recruter et de signer les contrats de travail, ne lui donne pas qualité à agir pour licencier du personnel. Le licenciement prononcé par celui-ci est dès lors dépourvu de cause réelle et sérieuse8. Le respect des règles statutaires est donc primordial et lorsque le règlement intérieur d’une association impose que les Directeurs doivent être embauchés et licenciés par le conseil d’administration de l’association, le Président dudit conseil n’est pas habilité à signer une lettre de licenciement. Le manquement à cette règle, insusceptible de régularisation ultérieure, rend le licenciement sans cause réelle et sérieuse9. Dernière subtilité, le licenciement sera dénué de cause réelle et sérieuse lorsqu’il est prononcé par le Directeur d’une association ayant reçu délégation par le Président d’embaucher et de licencier mais lorsqu’il n’est pas démontré que le Président était autorisé par le conseil d’administration à déléguer ses pouvoirs conformément aux statuts de l’association10. Enfin, sans parler de groupe, il peut arriver que la lettre de licenciement soir signée par le Président de l’association gestionnaire d’une autre association, véritable employeur du salarié licencié ; celui-ci étant reconnu comme parfaitement valable11. Pour terminer ce tour d’horizon, rappelons qu’au visa de l’article L. 114-19 du Code de la mutualité, les directeurs salariés de mutuelles ne peuvent être licenciés que par décision du conseil d’administration, ce qui constitue une garantie de fond, et non simplement par le Président seul12. Dans une structure COMMERCIALELe schéma est assez similaire et sauf à ce que le dirigeant (gérant d’une SARL, Président ou Directeur général d’une SA, Président d’une SAS) mène lui-même la procédure, il lui est possible de déléguer ce pouvoir à un Directeur, à un cadre de la société ou même à un associé majoritaire agissant pour le compte de l’employeur13. Une difficulté a pu être soulevée concernant les SAS puisque certains tribunaux refusaient le droit de licencier à des DRH en invoquant l’article L.227-6 du Code de commerce selon lequel la SAS est représentée à l’égard des tiers par son Président et, si ses statuts le prévoient, par un Directeur général ou un Directeur général délégué dont la nomination est soumise à publicité. Certains juges en avaient tiré comme conséquence que pour pouvoir licencier, le DRH devait disposer d’une délégation de pouvoir écrite et publiée. La Cour de cassation est venue interpréter le loi en considérant qu’il ne fallait pas commettre de confusion entre le pouvoir général de représentation de la SAS à l’égard des tiers, soumis à l’article L.227-6, et la délégation de pouvoir fonctionnelle qui permet aux représentants de toute société, y compris des SAS, de déléguer, conformément au droit commun, une partie de leurs pouvoirs afin d’assurer le fonctionnement interne de l’entreprise ; délégation qui n’a pas à être obligatoirement donnée par écrit, qui peut ainsi être tacite et découler des fonctions du salarié qui a conduit la procédure de licenciement (DRH par exemple)14. Ainsi et sans pour autant dire que l’habit fait le moine, sous réserve de dispositions statutaires contraires, tout Directeur ou DRH pourra a priori conduire valablement la procédure de licenciement s’il a de fait autorité pour assurer une telle opération, y compris en l’absence de délégation écrite.
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Références
1 – Cass. soc., 14 juin 1990, no 88-43.268, Roldan c/ Bartocetti : Bull. civ. V, no 284.
2 – Cass. soc., 26 avr. 2006, no 04-42.860, Sté Akdev c/ Didierjean.
3 – Cass. soc., 18 nov. 2003, no 01-43.608, no 2415 FS – P + B, Sté Air Littoral c/ Bediée.
4 – Cass. soc., 2 mars 2011, no 09-67.237, no 588 FP – P + B, Sté Cerep c/ Dizier et a.
5 – Cass. soc., 10 nov. 2009, no 08-41.076, no 2097 FS – P + B, Sté Argos c/ Serot.
6 – Cass. soc., 29 sept. 2010, no 09-42.296, no 1802 FS – P + B, Comité d’Et. des cheminots de la région PACA c/ Aiglin.
7 – Cass. soc., 25 nov. 2003, no 01-42.111, no 2421 FS – P + B + I, Assoc. Centre européen d’entreprise et d’innovation multipolaire des Bouches-du-Rhône (CEEI) c/ Longhi.
8 – Cass. soc., 2 mars 2011, no 08-45.422, no 591 FP – P + B, AREPA c/ Lenne.
9 – Cass. soc., 4 avr. 2006, no 04-47.677, no 946 F – P + B, Mauxion ès qual. c/ Menon.
10 – Cass. soc., 8 juill. 2010, no 08-45.592, Association AREPA c/ Ngom.
11 – Cass. soc., 29 nov. 2006, no 04-47.818, Bureau c/ association Immobilière école Ozanam.
12 – Cass. soc., 12 juill. 2010, no 08-45.633, no 1541 FS – P + B, Petit c/ Assoc. mutuelle SMI.
13 – Cass. soc., 6 juill. 2004, no 02-43.322, Sté Aspirotechnique c/ Gomez.
14 – Cass. ch. mixte, 19 nov. 2010, no 10-10.095, no 268 P + B + R + I, Sté Whirlpool France c/ Jessaume.