Nous espérons que les Ehpad pourront devenir des pôles de coordination et de compétences gériatriques de proximité
Pour la présidente de la Fédération française des associations de médecins coordonnateurs (FFAMCO) en Ehpad, l’amélioration de la qualité des soins délivrés aux personnes âgées, en établissement comme à domicile, passe notamment par la reconnaissance des Ehpad comme pôles de coordination et de compétences gériatriques de proximité1.
Que vous inspire la mise en place du parcours de soins que les personnes âgées sont d’ailleurs les premières à expérimenter ?
Nathalie Maubourguet : Le principe du parcours de soins est une bonne chose. Tout dépendra des modalités de sa mise en œuvre. Les personnes âgées dépendantes le sont du fait de polypathologies, près de huit en moyenne en Ehpad. Elles sont donc souvent fortement consommatrices de soins. Malgré tout, pour de multiples raisons, de nombreuses personnes âgées échappent au parcours de soins et/ou n’accèdent pas aux soins requis par leur état de santé. La complexité et l’hétérogénéité de l’offre de soins sont ici en cause. Il existe en effet plus d’une dizaine de profils de lieux où elles peuvent séjourner où être hébergées. Dans ce dédale, la personne âgée peut donc être amenée à rencontrer une multitude d’intervenants médicaux, paramédicaux, médico-sociaux et sociaux. Le tout s’effectuant avec un niveau de moyens et de coordination très inégal d’un territoire à l’autre.
Les failles du système peuvent ainsi faire coexister des moyens redondants pour le même objectif et une absence totale de réponse pour un autre objectif. La mise en œuvre du parcours de soins, issue des constats précédents, est donc un levier majeur pour améliorer la qualité des soins dispensés aux personnes âgées et, par conséquent, pour l’économie de la santé en optimisant les dépenses, notamment en limitant les dépenses inutiles.
Quel rôle doit être dévolu au médecin coordonnateur dans le cadre du parcours de soins ?
N. M. : La position proche du terrain du médecin coordonnateur ainsi que ses treize missions, qui lui confèrent une compétence gériatrique et une compétence managériale de coordination, le désignent fort logiquement pour être le référent gériatrique de proximité. Un rôle qu’il peut tenir vis-à-vis des intervenants médicaux et paramédicaux, libéraux ou salariés des services de soins à domicile, mais aussi des intervenants médico-sociaux et sociaux et de toutes les entités de proximité concernées par les personnes âgées. Cependant, pour y parvenir et faire aboutir la logique engagée par l’arrêté de 1999 qui a créé les Ehpad et la fonction de médecin coordonnateur, il sera nécessaire de poursuivre l’évolution du contenu des missions du médecin coordonnateur, de prendre en compte ces temps supplémentaires mutualisés mis à disposition par l’Ehpad, et d’engager une politique volontariste de formation initiale et continue adaptée pour l’ensemble des médecins coordonnateurs d’Ehpad.
Une circulaire du 7 décembre dernier est venue préciser les missions du médecin coordonnateur en Ehpad ? Répond-elle à vos attentes ?
N. M. : Oui, d’autant que nous avons participé à sa rédaction. En effet, le décret du 2 septembre 2011 apportait des réponses sur certains points mais introduisait de nouvelles ambiguïtés qui méritaient un éclaircissement, notamment l’encadrement des prescriptions des médecins généralistes. Ce dernier point était tout aussi inacceptable qu’irréaliste.
« Nous avons la volonté d’obtenir les moyens pour |
Dans quelle mesure la profession de médecin coordinateur évolue-t-elle ?
N. M. : D’une simple fonction, elle est en train de devenir une profession à part entière. En 2007, dans notre première enquête sur le profil du médecin coordonnateur, il ressortait qu’il s’agissait en majorité d’un médecin généraliste, homme, d’environ 50 ans, installé et ayant conservé son activité libérale comme activité principale. Nous sommes actuellement dans une phase de recensement des médecins coordonnateurs. Nous allons ensuite relancer notre enquête pour mieux les connaître. Cependant, nous observons déjà que de plus en plus de médecins coordonnateurs travaillent dans au moins deux établissements et que de plus en plus de médecins en fin de carrière ont un exercice exclusif de coordination.
Par ailleurs, cette fonction se modifie également en fonction de l’évolution demandée aux Ehpad. Ainsi, la compétence gériatrique n’est que le socle de la compétence du médecin coordonnateur. Sur le plan médical, le médecin coordonnateur doit également acquérir un savoir-faire en santé publique, en hygiène etc. qu’il exprimera, pour l’essentiel, à travers sa compétence managériale.
Ces évolutions rendent urgente la nécessité de mettre rapidement à niveau l’ensemble des médecins coordonnateurs actuellement en poste. Leur formation est de qualité très hétérogène et ne les prépare pas tous de façon égale à leurs missions et à leurs responsabilités. Parallèlement, la formation initiale doit également être adaptée à ces besoins.
Toujours est-il que le médecin coordonnateur est devenu une profession à part entière…
N. M. : Oui. Cela me fait plaisir que l’on dise cela car je travaille en ce sens depuis dix ans. Cette profession est née officiellement dans les textes en 1999. J’ai passé l’un des premiers DU de médecin coordonnateur à Bordeaux en 2002 puis la capacité de gériatrie. Cela ne m’a pas empêchée de devoir acquérir de nombreuses compétences complémentaires pour être efficace. Beaucoup de choses m’ont manqué mais c’est normal car, à l’époque, nous n’avions pas le recul nécessaire. C’est pourquoi la FFAMCO a décidé de créer une formation complémentaire pour enseigner la gestion de crise, le management, la conduite de projets etc. Il s’agit de regrouper ce panel de connaissances dans le cadre d’un seul cursus à l’espace de Sentein à Montpellier. Il fera l’objet d’une certification Afnor. La première session aura lieu en fin d’année.
À terme, y a-t-il le risque de voir les médecins coordonnateurs devenir plus des gestionnaires que des praticiens ?
N. M. : Pour combattre une idée reçue, je dirais que le médecin coordonnateur n’est pas un administratif. Il est avant tout un docteur en médecine. Il pratique donc l’art médical au même titre que tout médecin traitant. Non plus uniquement à l’échelle individuelle, ce qu’il fait toujours lors des réunions de synthèse (gestion des troubles du comportement et spécificité gériatrique…), mais également à l’échelle collective. Il est notamment garant de la coordination et de la diffusion des bonnes pratiques de soins qui sont dispensées auprès de la population hébergée. En fait, ici, il soigne l’institution.
Quid des évaluations interne et externe qui seront l’un des thèmes sur lesquels la FFAMCO interviendra, en mai prochain, dans le cadre du salon Géront Expo 2013 ?
N. M. : En ce qui concerne l’évaluation externe, nous sommes vraiment étonnés du nombre incommensurable d’évaluateurs ! La question est de connaître le niveau de chacun d’eux. Mais ce qui me semble surtout essentiel, ce sont les démarches qui ont été effectuées en interne. Pour moi, cette évaluation interne est essentielle. Plus largement, la démarche qualité a permis d’uniformiser le regard porté sur le sujet âgé et de professionnaliser l’ensemble des personnels des Ehpad qui sont devenus des pôles de compétences.
1 Cet entretien a été relu et amendé par la personne interviewée.