Notre proximité nous confère notre crédibilité
Joëlle Robillard préside aux destinées de l’Ehpad associatif Audelin Lejeune situé dans la localité du Sap, dans l’Orne. À l’entame de sa carrière, rien ne la conduisait à occuper de telles fonctions. Mais elle a su en apprivoiser les exigences.
Il y a des héritages familiaux auxquels il est difficile de se soustraire. Un père et une sœur infirmiers, une mère agent de service hospitalier : pareil environnement a évidement déteint sur Joëlle Robillard très tôt mue par l’envie de « soigner les gens et de se rapprocher d’eux au niveau du soin ». Une fois son bac en poche, son rêve est de faire médecine et de devenir pédiatre. La sélection à l’entrée de ce cursus la contraint finalement à opter pour la kinésithérapie. Aussitôt diplômée de l’école de Saint-Sébastien-sur-Loire (44), elle suit son époux en Normandie et ouvre son cabinet, en 1988, à Saint-Pierre-sur-Dives (14). La Maison d’accueil rurale pour personnes âges (Marpa) que la commune abrite cherche alors un kinésithérapeute à temps partiel. Joëlle Robillard fait acte de candidature pour s’assurer un revenu régulier mais aussi parce qu’elle est naturellement sensibilisée par le Troisième âge.
L’occasion de se forger une première expérience riche d’enseignements pas toujours flatteurs : « J’ai découvert que dans ces établissements, les liens avec les résidents étaient parfois uniquement formels. Beaucoup de gestes sont un peu effectués de manière automatique. On lève les gens, on les assied, on les recouche. Tout est très cadré avec des horaires, des règlements intérieurs etc. L’essentiel de ma fonction consistait à faire marcher les résidents et, parfois, à assurer leur rééducation quand on leur avait posé une prothèse. Les personnels n’étaient pas non plus toujours formés en amont. Ils apprenaient sur le tas. En fait, à l’époque, c’était surtout de l’hébergement. L’essentiel était d’être gentil et respectueux avec les personnes âgées mais il était fréquent qu’aucune animation ne leur soit proposée. »
« Toujours dialoguer avec les salariés »
En 1989, nouvelle opportunité : Joëlle Robillard est sollicitée par la pharmacienne du Sap qui préside bénévolement l’association en charge de l’Ehpad de cette petite ville de l’Orne. Celle-ci souhaite en effet créer un poste à mi-temps de gouvernante, c’est alors la terminologie usitée. Joëlle Robillard relève le défi et franchit le pas. La voilà en charge de la gestion de l’établissement et priée d’en maîtriser rapidement toutes les facettes : les ressources humaines, la comptabilité et, bien sûr, la dimension médicale. « Au départ, des gens m’ont épaulée comme le trésorier, qui avait dirigé une PME, ou mon mari qui est maire-adjoint et qui maîtrise le volet administratif ainsi que ce qui concerne les relations avec les collectivités locales. Et puis j’ai beaucoup lu et je me suis documentée sur Internet. J’ai récemment validé mes acquis en passant, en 2012, un Master de management des organisations sociales. Et quand on ne savait pas comment faire, on demandait. Nous nous sommes par exemple rapprochés du Conseil général. Surtout, nous avons toujours été complètement transparents. »
Au bout de quatre ans et après avoir pris ses marques, Joëlle Robillard met un terme à ses activités de libérale et prend la direction de l’Ehpad à plein temps. La grave crise d’hémiplégie de son père achève de la convaincre que ce choix est le bon : « Il m’a demandé de l’aider à le refaire marcher. C’était un objectif extrêmement difficile à atteindre. J’ai senti que j’avais peut-être atteint mes limites. Je suis assez humble de nature. En tout cas, j’ai compris que j’avais autre chose à donner aux autres mais de manière différente. » Aux résidents bien sûr mais aussi au personnel : « Je m’efforce de faire preuve de compréhension et de toujours dialoguer avec les salariés, de tenir compte des préoccupations et des motivations de chacun. C’est aussi parce qu’ils se sentent bien chez nous qu’ils sont extrêmement attentifs aux besoins de nos pensionnaires. » Un objectif qui semble atteint, si l’on en croit deux indicateurs qui ne trompent pas : un très faible nombre d’arrêts de travail et un turn-over réduit, certains employés ayant près de trente ans d’ancienneté.
« Au début, je remplissais les piluliers »
Aujourd’hui, Joëlle Robillard mesure tout le chemin parcouru depuis que l’association a racheté, en 1999, les murs de l’Ehpad pour en devenir propriétaire avant de procéder, en 2007, à son extension avec le concours financier de l’ARS et du Conseil général. Un essor qui s’est également concrétisé par la signature d’une première convention tripartite en 2003. « En fait, on est passé au fil des années du placement d’un proche en établissement à l’accompagnement avec un projet à la clef. L’une des premières choses que j’ai faites, c’est de développer les soins en recrutant des infirmiers, des aides-soignants et des aides médico-psychologiques. Nous faisons également appel à une psychologue. Au total, nous avons dix Equivalents temps plein (ETP). Je me souviens qu’au début, il était fréquent que j’aille moi-même chercher des médicaments à la pharmacie quand nous en avions besoin. Je remplissais également les piluliers. »
Des temps heureusement révolus mais qui n’ont pas altéré l’essentiel : l’Ehpad demeure l’une des institutions du village. Il en est au cœur et non pas à la marge : « Beaucoup de nos résidents étaient commerçants au Sap ou sont d’anciens exploitants et ouvriers agricoles. Ici, tout le monde se connaît. Je ne pourrais pas m’occuper des gens sans savoir ce qu’ils sont et ce qu’ils ont été. Quand je vais au marché, le dimanche, on me demande des nouvelles d’eux. Je me dois de pouvoir répondre car je tiens à maintenir un tissu et un réseau au sein de notre commune. C’est justement notre proximité qui nous confère notre crédibilité. »
Au bout de plus deux décennies de bons et loyaux services, la flamme est aussi vivace : « J’ai envie de faire fructifier cet outil qui est un peu notre bébé à tous. J’éprouve toujours autant de plaisir en poussant la porte d’entrée chaque matin. »
Alexandre Terrini
Le souci du meilleur rapport qualité-prixÉtablissement associatif privé à but non lucratif comportant 45 places, plus une d’hébergement temporaire, l’Ehpad Audelin Lejeune* entend « offrir une prestation correcte pour des tarifs corrects dans une ambiance familiale », dixit sa directrice. Le tarif journalier s’élève en effet à 42,29 euros en chambre simple et à 39,48 euros en chambre double. L’Ehpad comprend une Unité pour personnes handicapées vieillissantes, laquelle accueille les résidents du foyer occupationnel pour adultes handicapés sis au Sap. En revanche, il ne propose pas d’unité Alzheimer car Le Sap compte déjà une maison de retraite exclusivement destinée aux personnes souffrant de la maladie Alzheimer. * 38 rue du Bois Besnard, 61470 Le Sap ; tél. : 02.33.39.46.16 |