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L’alimentation étant l’un des vecteurs du maintien métabolique des résidents, il est essentiel de trouver des solutions pour permettre à un maximum d’entre eux de continuer à se sustenter correctement. Le manger-mains est l’une d’entre elles.
Comme le rappelle le Dr François Sigwald, président du Clan Régies-95 (Réseau gérontologique inter-établissements et services du Val-d’Oise), « le manger-mains s’adresse surtout à des gens déments et qui sont le plus souvent déambulants. Cette population très ciblée est composée de personnes qui ne peuvent pas prendre le temps de s’asseoir pour manger et qui ont tendance à grignoter en étant debout. Elles n’arrivent pas à rester en place. L’intérêt du manger-mains est donc de pouvoir leur donner à manger sans qu’elles aient à s’arrêter plus de dix minutes à table. Ainsi est-on sûr que ces résidents s’alimentent normalement, de manière équilibrée avec les apports énergétiques nécessaires. »
Pour ceux qui, outre une maladie neuro-dégénérative, sont atteints de troubles de la déglutition et/ou de la mastication, il est également possible de leur proposer du mixé à texture lisse, c’est-à-dire un plat homogène, ni trop liquide ni trop trop épais mais surtout sans grumeaux, sous forme de manger-mains avec les doigts voire avec un bâtonnet comme une glace. Quelle est la recette miracle ? « Il n’y a pas de secret, assure Jean-Marie Quelven, responsable production au Centre hospitalier du Vexin. Tout s’y prête même si c’est évidemment plus facile à faire avec de la viande ou de la pâtisserie qu’avec des légumes qui contiennent énormément d’eau. Il faut simplement incorporer dans la préparation un liant comme de la gélatine ou de l’agar-agar. On utilise également des moules en silicone. L’important est que le résident sache ce qu’il mange. »
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Une dose de bonne volonté mâtinée de créativité
Toujours est-il que cette prouesse est justifiée par un impératif que nul n’ignore en établissement : continuer à s’alimenter le plus longtemps possible par la voie normale est crucial. Sur le plan physiologique d’abord puisque cela contribue, par exemple, à maintenir une musculature correcte mais aussi la texture de la peau afin d’éviter les escarres. Au niveau psychologique ensuite dans la mesure où demeurer capable de manger est valorisant et source de plaisir, « une notion essentielle », insiste le Dr Sigwald. Une manière de ralentir la dégradation de l’état de santé des personnes âgées et de ne pas tomber dans la spirale de la dénutrition d’autant que l’alimentation par perfusion ne fait pas partie de la culture des Ehpad.
Des bienfaits qui soulagent les personnels sachant que le manger-mains ne nécessite pas une présence accrue des aidants. « Cela ne change rien, assure François Sigwald. La surveillance est la même » mais demeure bien sûr indispensable « sinon, tout tombe à l’eau quelle que soit la qualité du plat », précise Jean-Marie Quelven. Et en cuisine, à écouter ses promoteurs, concocter du manger-mains n’est pas une tâche insurmontable. Cela ne génère pas de surcoût notable en dépit de l’achat du matériel adéquat. Autres conditions requises : une dose de bonne volonté mâtinée de créativité et que l’un des cuisiniers ait suivi une formation pour apprendre à préparer du manger-mains, en particulier lorsqu’il s’agit de mixé. Des connaissances qu’il peut ensuite transmettre à ses collègues aux fourneaux afin de généraliser cette pratique culinaire.
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Ignorance et manque de temps
En la matière, la communication est un élément essentiel, en particulier entre les différents personnels concernés afin de créer une synergie. Le manger-mains est en effet une dynamique à instaurer, un projet commun et l’affaire de tous. Y compris des prestataires qu’il est possible de mettre au diapason lorsque la préparation des plats est externalisée. « Si on leur dit que l’on veut du manger-mains, ils sont tout à fait aptes dà le faire puisqu’ils arrivent même à fournir de l’eau gélifiée, affirme le Dr Sigwald. Il suffit de le leur demander et que cela soit prescrit au sein de l’Ehpad par le médecin coordonnateur. »
Alors pourquoi, à l’aune de tous ces avantages, cette pratique est-elle si peu répandue dans les Ehpad, en particulier ceux qui accueillent une proportion importante de résidents atteints de la maladie d’Alzheimer ? D’abord parce qu’aussi surprenant que cela paraisse, un certain nombre de directions d’établissements ne
savent pas que cela existe ou ignorent l’étendue des possibilités qu’offre le manger-mains.
Deuxième raison, probablement la plus importante, qui explique que cette généralisation soit difficile à instaurer : le manque de temps. Confectionner du manger-mains n’est certes pas compliqué techniquement mais prend en revanche un peu plus de temps que des présentations classiques. Or, bien souvent, les personnels en cuisine sont au chronomètre et n’ont pas forcément la possibilité de se livrer à cet exercice. Dommage car le jeu en vaut sans aucun doute la chandelle.
Alexandre Terrini
Des Olympiades savoureusesLe Réseau gérontologique inter-établissements et services du Val-d’Oise (Régies-95) a été créé en 1997 et a adopté le statut d’association en 2001. Il regroupe aujourd’hui plus de soixante-dix établissements privés et publics du département ainsi qu’un Clic (Centre local d’information et de coordination). Il ambitionne « de développer la réflexion, la coordination des pratiques professionnelles au bénéfice des personnes âgées sur le territoire, de promouvoir des actions de partenariat entre les adhérents, des actions de formation et d’information, enfin de favoriser la mise en place de réseaux locaux. » |