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Gestion du médicament Comment limiter les risques Pharmacie

Par-delà les obligations et les responsabilités des différents acteurs, aborder la question de la gestion du médicament en établissement requiert de privilégier une approche globale. Ainsi, pour sécuriser le circuit du médicament, l’Ehpad Saint-Thomas de Villeneuve, dans le Finistère, a-t-il choisi d’adopter une démarche exhaustive et cohérente. Étude de cas.

Pour revoir sa politique du médicament, l’Ehpad Saint-Thomas de Villeneuve, à Plougastel-Daoulas (315 places), s’est appuyé sur deux audits réalisés en 2012 : l’un conduit par un cabinet extérieur, l’autre mené en interne par le groupe (Hospitalité Saint-Thomas de Villeneuve) dont il relève. Avant cette démarche, la Pharmacie à usage interne (PUI) se contentait de livrer les boîtes aux sept salles de soins : a charge ensuite pour les infirmières de préparer les piluliers des résidents. « Cela représentait presque une heure trente de travail par jour pour 50 à 60 résidents. Mais, au-delà de la perte de temps, nous cherchions surtout à sécuriser le circuit du médicament car nous soupçonnions des erreurs de préparation et d’administration ainsi qu’une sous-déclaration des accidents », raconte Bertrand Coignec, le Directeur.

Une PUI renforcée en personnel a alors été aménagée. C’est là que sont préparées les doses et les 315 piluliers hebdomadaires des résidents. « Chaque jour, la pharmacie prépare les piluliers de l’un des étages de l’établissement. De cette façon, nous disposons d’un meilleur contrôle du conditionnement unitaire. Nous nous plaçons dans une démarche de gestion du risque », justifie Bertrand Coignec.

S’assurer de l’identité du résident auquel on administre le traitement

D’autre part, les six médecins généralistes libéraux qui sont présents dans l’établissement pour suivre les résidents effectuent directement leurs prescriptions via l’outil informatique : celles-ci apparaissent en effet sur l’écran de la pharmacie, facilitant ainsi les échanges entre les professionnels. Et lorsqu’ils doivent par exemple modifier depuis leur cabinet les prescriptions d’AVK suite à une évolution de l’INR d’un patient, finies les instructions orales données par téléphone à l’infirmière : « Nous demandons aux médecins de confirmer cette modification par fax afin d’en conserver une trace. Par ailleurs, nous réfléchissons à une solution sous forme de plate-forme Internet qui leur permettrait d’avoir accès au dossier depuis leur cabinet mais nous rencontrons une certaine réticence de leur part », regrette le Directeur. Une réticence qui s’explique surtout par le fait que les médecins ne sont pas rémunérés pour mettre en place ce type de dispositif.

L’Ehpad Saint-Thomas de Villeneuve s’est en outre doté de deux outils de prévention des accidents : « Afin d’impulser une culture de la déclaration d’accident et d’éviter ainsi leur répétition, j’ai signé une charte dans laquelle je m’engage à ne pas déclencher de poursuites disciplinaires en cas d’accidents », précise Bertrand Coignec. Il a également adapté à son propre environnement la pratique du comité de retour d’expérience issue du milieu sanitaire : « Nous avons ainsi abordé la vérification de l’identité du résident auquel on administre le traitement. Dans notre commune, deux patronymes sont en effet très fréquents et deux personnes peuvent avoir le même nom et le même prénom. Nous avons donc opté pour un système de photo du résident sur son pilulier afin d’éviter toute confusion. »

L’audit interne au groupe d’Ehpad a quant à lui débouché sur une liste des médicaments qu’il est possible d’écraser ou pas. Et maintenant ? « Nous attendons une clarification réglementaire du rôle et des responsabilités du médecin, du pharmacien et du directeur d’établissement afin que tous puissent apprendre à mieux travailler ensemble », espère Bertrand Coignec qui a représenté la Fnadepa au sein de la mission sur la prise en charge médicamenteuse des résidents en Ehpad conduite par Philippe Verger.

Stéphanie Marseille

 

Quatre étapes-clés à bien maîtriser

Les risques d’erreur médicamenteuse, d’iatrogénie, d’oubli et de confusion existent à toutes les étapes du circuit du médicament dans un Ehpad. Conseils pour réduire le nombre d’accidents.

1. Lors de la prescription :

– réduire le nombre de prescripteurs pour éviter les accidents iatrogènes ;
– doter les prescripteurs d’un système de prescription unique et consultable par la pharmacie et l’infirmière ;
– tenir à disposition des prescripteurs un livret thérapeutique des médicaments adaptés aux personnes âgées.

2. Lors de la dispensation :

– prévoir la traçabilité des modifications de prescription lors de l’analyse de l’ordonnance par le pharmacien ;
– soigner l’ergonomie du poste de travail si c’est une infirmière qui prépare les doses et éviter de l’interrompre ;
– éviter les manipulations et les déconditionnements de médicaments à la main pour remplir les piluliers car il suffit d’un instant d’inattention pour confondre certains comprimés ;
– consulter la liste des médicaments qu’il est possible d’écraser si vous souhaitez pallier les problèmes de déglutition de certains résidents ;
– plus les volumes sont importants et la fréquence de délivrance réduite, plus grands sont les risques.

3. Lors de l’administration :

– instaurer un système de vérification de l’identité des résidents qui reçoivent les traitements ;
– instaurer un système de vérification de la prescription, laquelle peut avoir été modifiée entre-temps.

4. La surveillance thérapeutique :

– se doter d’un système de suivi, pour conserver une trace des médicaments qui ne sont pas bien tolérés, des traitements qui n’ont pas pu être administrés et des raisons de leur non-administration.
– prévoir des rencontres entre tous les acteurs impliqués pour s’assurer que le système de suivi est compris de tous.

Avec le concours de Marie Lefebvre-Caussin pharmacienne à l’Omedit de Haute-Normandie, du Docteur Frédéric Maraval, membre de la FFAMCO et de Christine Papin, cadre infirmier au sein de l’Ehpad L’Hermitage à Saint-Raphaël (83).

 

Vers des solutions informatiques ?

Et si la gestion du risque passait par l’informatisation de la prescription partagée par le médecin et le pharmacien et complétée in fine par l’infirmière, chargée de renseigner les effets indésirables relevés lors de l’administration mais aussi d’indiquer les traitements non administrés ou les défauts d’observance de la part du patient ? C’est en tout cas le credo de Robotik technologies, qui développe l’une des offres actuelles en la matière. La société équipe les Ehpad d’une plate-forme de services comprenant un logiciel de prescription et de suivi de l’ordonnance. Qui plus est, sur demande de l’Ehpad, l’entreprise dote la pharmacie d’un automate qui prépare des rouleaux de sachets-doses pour chaque prise et comportant un code-barres.

En un an, la solution a séduit plus de 1 500 Ehpad. Appréciée par ses utilisateurs, elle nécessite néanmoins deux pré requis loin d’être anodins : l’informatisation des établissements et la formation des prescripteurs à l’utilisation des logiciels.

 

À retenir

– L’Omedit (Observatoire des médicaments, des dispositifs médicaux et de l’innovation thérapeutique) de Haute-Normandie inclut plusieurs groupes de travail sur les Ehpad : http://www.omedit-hautenormandie.fr/accueil_033.htm

– La HAS (Haute autorité de santé) a élaboré un outil de sécurisation et d’autoévalutation de l’administration du médicament : http://www.has-sante.fr/portail/jcms/c_946211/fr/outils-de-securisation-et-d-autoevaluation-de-l-administration-des-medicaments

– L’ARS de Rhône-Alpes a conçu un guide du médicament en Ehpad assorti d’autoquestionnaires : http://www.ars.rhonealpes.sante.fr/Circuit-du-medicament-en-EHPAD.145185.0.html

– L’Anap (Agence nationale d’appui à la performance des établissements de santé et médico-sociaux) a développé l’outil Inter diag médicaments qui a trait à l’autoévaluation et à la gestion des risques liés à la prise en charge médicamenteuse dans les unités de soins : http://www.anap.fr/detail-dune-publication-ou-dun-outil/recherche/evaluer-et-gerer-les-risques-lies-a-la-prise-en-charge-medicamenteuse/

« Gestion des risques et de la sécurité des établissements et réseaux de santé », thèse professionnelle de Nathalie Bourdin, 2011. Ce document comporte une méthode de cartographie des risques.

– La mission, conduite par Philippe Verger, sur la prise en charge médicamenteuse des résidents en Ehpad rendra ses préconisations en septembre.

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