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Geneviève Darrieussecq : « Les communes doivent être plus décisionnaires. » Non classé

G. Darrieussecq

G. DarrieussecqLa Coprésidente de la commission Santé de l’Association des maires de France (AMF), également Maire (MoDem) de Mont-de-Marsan (40), détaille, à la veille des prochaines élections municipales, les attentes des communes en matière de prise en charge des personnes âgées.

 

Qu’attendent les maires de France de la loi sur l’adaptation de la société au vieillissement ?

Geneviève Darrieussecq : Surtout de connaître le mode de financement qui sera mis en place au regard des besoins. Or, les choses ne sont pas très claires. Il y a vraiment une politique globale à mettre en place sachant qu’il manque des structures d’hébergement pour les personnes âgées. Dans ma région par exemple, nous sommes confrontés à des blocages de la part de l’ARS qui limite le nombre d’établissements pouvant être créés faute de pouvoir assurer l’accompagnement financier nécessaire. C’est pourquoi la coordination de réseaux en faveur du maintien au domicile est la solution que nous sommes obligés de mettre en place parce que nous n’avons plus de solutions d’hébergement.

 

 

En tant qu’élue, qu’aimeriez-vous voir fait pour adapter les villes au vieillissement ?

G. D. : Il y a d’importantes mesures à prendre portant sur l’adaptation des logements aux personnes âgées, par exemple dans le cadre de réhabilitation des logements anciens qu’elles occupent. Nous devons les réadapter à leur situation. Il faut que ce genre de mesure soit généralisé et que les aides au financement pour inciter les propriétaires à faire ces travaux soient importantes et fassent partie d’un grand plan national. En effet, cela facilite le maintien à domicile. Outre la création de structures d’hébergement et la poursuite des politiques de maintien à domicile, il faut également que nous ayons des structures d’accueil de jour et temporaires, lesquelles sont indispensables pour les familles, les aidants et les personnes âgées elles-mêmes.

 

Les maires et les communes ont-ils été suffisamment sollicités lors des consultations préparatoires à la loi ?

G. D. : Non, pas du tout. Nous n’avons pas été suffisamment consultés voire pas consultés du tout. C’est un peu surprenant. On peut avoir l’impression que les élus locaux sont juste là pour mettre en place des choses décidées plus haut. Or, c’est quand même nous qui avons la meilleure vision des problèmes et de ce qu’il faut mettre en oeuvre sur les territoires.

 

L’investissement des mairies en matière d’Ehpad via les CCAS (Centres communaux d’action sociale) correspond-il plus que jamais à leurs missions ?

G. D. : Je pense que c’est plus au niveau intercommunal et des CIAS (Centres intercommunaux d’action sociale) qu’il faut envisager le problème. Reste que la limite de ce schéma, c’est que nous sommes tributaires des attributions des ARS et des financements des Conseil généraux alors que par ailleurs, les villes financent de plus en plus, par le biais des CIAS ou des CCAS, des politiques de maintien à domicile.

Cela rend les choses complexes à l’heure où les collectivités territoriales ont des dotations qui diminuent et des charges qui augmentent. Si les ARS et les Conseils généraux ne sont pas partie prenante de ces dépenses nouvelles, cela deviendra de plus en plus compliqué pour les communes. Pour le reste, je crois que les CCAS et les CIAS sont tout à fait adaptés pour assurer le développement des structures requises sur nos territoires.

 

Que préconise l’AMF concrètement ?

G. D. : Nous sommes soumis aux appels à projets des ARS. Tant que nous n’en avons pas pour créer de nouvelles structures d’hébergement, nous ne pouvons pas avancer. Nous sommes suspendus à leurs décisions et à l’accréditation des structures par les Conseil généraux. Il faut donc que nous travaillions en collaboration les uns les autres. Or, à l’heure actuelle, ce n’est pas le cas. Une telle organisation partenariale peut avoir du sens dans la mesure où ce sont les mairies et les intercommunalités qui connaissent les besoins des territoires. Mais le problème reste le financement. Dans la future loi sur le vieillissement, ce sera l’élément le plus prégnant pour faire évoluer les structures.

 

Dans ce triumvirat, les municipalités sont-elles écoutées ?

G. D. : Nous sommes ceux qui sont au contact de la population et qui connaissons parfaitement ses besoins mais aussi ceux qui, en définitive, ne sont pas les décisionnaires. La difficulté est là. Nous sommes suspendus aux décisions d’autres instances. Nous ne pouvons donc pas mettre en place les politiques que nous souhaiterions parce que les choses bloquent à des étages supérieurs, eux-mêmes très centralisés. C’est un frein au développement des structures adéquates. Nous pouvons certes développer des services à domicile, lesquels représentent d’ailleurs une part croissante de nos budgets, mais pour ce qui est des Ehpad, nous ne sommes pas en capacité de décider de leur mise en place.

 

L’AMF souhaite-t-elle une redistribution des rôles et un rééquilibrage en amont des dotations en faveur des communes afin que ce ne soient plus forcément les ARS et Conseil généraux qui soient les décideurs et les bailleurs de fonds mais davantage les municipalités qui tiennent le manche ?

G. D. : Nous aimerons que, dans un schéma cohérent, l’on nous laisse la responsabilité de pouvoir développer des structures. Une collectivité peut toujours investir et créer un Ehpad. Le problème, c’est ensuite le fonctionnement de l’établissement puisque tout ce qui est soin est du ressort et du financement de l’ARS tandis que tout ce qui est dépendance est financé par le Conseil général. Ce sont précisément ces financements croisés qui génèrent pour nous des situations de blocage. En somme, nous n’avons pas la possibilité de réaliser ces investissements car ensuite, on ne nous donne pas les moyens de les faire fonctionner. Que nous tenions le manche pour certaines décisions oui mais il faut qu’il y ait une cohérence dans le développement des structures sur chaque territoire. Et cela nécessite que les ARS puissent assurer cette cohésion. Les collectivités locales ont en effet tendance à être en mode concurrentiel, chacune voulant avoir sa propre structure alors que l’argent public est rare. Or, les ARS ont cette capacité de dire quels sont les besoins et de répartir les équipes de façon harmonieuse sur un territoire. Cependant, au niveau local, nous souhaiterions effectivement avoir un peu plus de liberté d’action pour développer des actions et des services complémentaires. Les communes doivent être plus décisionnaires dans certains secteurs et être davantage entendues.

 

Êtes-vous favorable à ce que les communes bénéficient des dotations dédiées pour le médico-social en général et les Ehpad en particulier ?

G. D. : Oui, absolument. Il faut qu’il y ait des budgets dédiés et qu’ils soient en forte augmentation.

 

Quelle place accorder au secteur privé ?

G. D. : Il faut des liens forts entre ce qui peut ressortir de l’action publique et de l’action privée. Il doit y avoir un partage entre ces deux secteurs et ce de manière coordonnée et cohérente sur un territoire. Les pouvoirs publics doivent à la fois accepter et contrôler l’installation de structures privées qui sont complémentaires. Or, dans les Landes par exemple, le Conseil général ne délivre d’accréditation à aucun établissement privé. Il y a donc des orientations politiques qui entrent en ligne de compte. C’est une erreur d’autant que la puissance publique ne peut pas tout assumer et qu’il y a aussi dans le secteur privé des projets qui tiennent la route. Néanmoins, tous les acteurs, qu’ils soient publics ou privés, doivent bien sûr être soumis aux mêmes critères de qualité et être l’objet d’une surveillance identique.

Propos recueillis par Alexandre Terrini

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