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Isabelle Dévé : « Il y a une prise en compte réelle du thème du vieillissement actif au niveau de la Commission européenne.  » Non classé

Isabelle Deve

Isabelle DeveÀ l’occasion des élections européennes, Isabelle Dévé, chargée de communication pour le Partenariat européen d’innovation pour un vieillissement actif et en bonne santé (EIPonAHA), au sein de l’unité Innovation de la Direction générale Santé et Consommateurs de la Commission européenne, explique quelles sont les priorités de la politique de l’UE en la matière.

 

  

Comment la Commission européenne aborde-t-elle la question de la prise en charge des personnes âgées dépendantes au sein de l’Union européenne (UE) ?

Isabelle Dévé : La Commission a reconnu le thème du vieillissement de la population comme étant prioritaire et a décidé de s’investir dans ce domaine il y a plus de trois ans déjà. Nous avons lancé un projet pilote sous forme de partenariats avec l’objectif d’augmenter de deux ans la vie en bonne santé des citoyens dans l’Union européenne. Il s’agit d’anticiper les besoins de demain face à une population croissante et de mettre en évidence, sinon des solutions, des débuts de solution. Cela consiste à fédérer différents acteurs publics et privés (hôpitaux, CHU, collectivités territoriales, industries…) des États membres afin qu’ils confrontent leurs expertises et leurs expériences. Ces partenaires participent à ce projet sur la base du volontariat. Il n’y a donc pas de financement de la part la Commission. En fait, il s’agit de mettre en évidence les priorités sur lesquelles nous devons agir collectivement (aux niveaux européen, national et régional) et les solutions de développement déjà en cours.

 

Sur quoi travaillez-vous particulièrement?

I. D. : À l’heure actuelle, nous travaillons sur des actions innovantes dans les domaines de la prescription et de l’adhésion aux soins médicaux ; de la prévention des chutes des personnes âgées ; de la prévention de la fragilité et du déclin fonctionnel, en particulier à travers des actions sur la nutrition ou sur la promotion de l’exercice physique. Nous travaillons également sur les modèles intégrés de soins pour les maladies chroniques en utilisant notamment la télésurveillance. Par ailleurs, nous nous penchons sur le recours aux nouvelles technologies et sur la manière dont elles peuvent améliorer l’autonomie des personnes âgées, leur maintien à domicile et le suivi des soins en le rendant plus facile et rapide. Enfin, nous travaillons sur un thème un peu moins médical mais extrêmement important qui concerne l’environnement dans lequel les personnes âgées évoluent (logement, domotique, accès aux services publics, transports…) et leur intégration en général dans la société. Bien sûr, cette liste n’est pas exhaustive et de nouvelles priorités peuvent émerger en cours de route.

 

Comment fonctionne ce projet pilote et quel rôle la Commission y joue-t-elle ?

I. D. : Les acteurs intéressés ont répondu aux appels à engagement que nous avons publié. Nous en avons sélectionné 3 000 dont 300 chefs de file pour l’ensemble des six priorités précédemment énoncées qui correspondent aux six groupes d’action thématiques. Nous avons aussi identifié 32 territoires européens comme étant des sites d’excellence pour avoir déjà été le théâtre d’actions innovantes dans ces domaines. Ils servent d’ailleurs de points de référence à partir desquels on essaie de susciter des échanges de bonnes pratiques. On en compte quatre en France : le Languedoc-Roussillon, le département du Bas-Rhin, la région Pays-de-la-Loire et le dernier en Île-de-France (lire encadré ci-après). Les 28 États membres sont représentés soit en temps que chef de file, soit en temps que partenaire. Au milieu de tous ces acteurs, la Commission est une sorte de catalyseur pour essayer de sensibiliser les acteurs à tous les niveaux et faire circuler le maximum d’informations. Nous effectuons un travail d’information et de sensibilisation pour que le thème du vieillissement actif soit inclus dans les programmes de financement gérés par d’autres directions générales de la Commission : c’est le cas, par exemple, du programme de recherche “Horizon 2020” ou du Programme de santé publique. Cela permet à nos partenaires d’être informés des possibilités de financement auxquelles ils peuvent accéder. Il y a aujourd’hui une prise en compte réelle de ce thème au niveau des financements globaux de la Commission européenne alors qu’il était pratiquement absent il y a encore deux ans.

 

Les besoins en matière de prise en charge des personnes âgées dépendantes sont-ils les mêmes dans toutes les régions de l’Union ?

I. D. : Les besoins sont effectivement très semblables d’un pays à l’autre : autonomie, prévention des chutes, fragilité, insertion sociale des personnes âgées… Les thèmes évoqués sont vraiment transversaux, d’où l’intérêt de travailler sur ce thème au niveau européen. Mais certaines régions sont un peu plus en avance que d’autres dans la mise en œuvre de solutions. Là encore, c’est l’intérêt de travailler ensemble : on crée des synergies, des échanges de bonne pratique et on permet à certains pays d’aller plus vite dans la mise en œuvre de solutions déjà développées ailleurs. C’est le cas, par exemple, dans le domaine de la e-prescription où certains États sont très avancés quand d’autres développent à peine le système. C’est aussi le cas pour la silver économie où quelques pays, dont la France et la Grande-Bretagne, sont vraiment à la pointe.

 

Quelles sont les prochaines échéances?

I. D. : Nous avons récemment publié un rapport d’évaluation sur le partenariat réalisé par un comité d’experts externe à la commission. L’évaluation offre un regard croisé et nous permet de faire un premier bilan. Avec le renouvellement de la Commission, nous souhaitions vraiment ce bilan pour pouvoir sensibiliser les prochains commissaires dont celui en charge de la Santé. L’important est de permettre, d’une part, de faire circuler les bonnes pratiques et de les faire remonter au niveau des États membres et, d’autre part, de pouvoir inscrire les priorités identifiées à l’agenda politique. Par exemple, les thèmes de la prévention de la fragilité des personnes âgées, de la nutrition et de la gestion des maladies chroniques nécessitent une sensibilisation particulière et une action de la part de la Commission.

 

Comment travaillez-vous avec les États sur cette problématique ?

I. D. : Nous menons des actions de sensibilisation et de collaboration avec les représentants des différents gouvernements. Nous transmettons les informations et les recommandations qui proviennent de nos groupes de travail avec les acteurs locaux. La compétence en matière de santé relève des États membres mais la Commission a un rôle de coordination : elle peut effectuer des recommandations, donner des conseils et un cadre ou encore inciter mais elle n’a pas vocation à légiférer dans ce domaine-là. C’est l’une des limites imposées par les traités. Certains actes législatifs peuvent être décidés, comme récemment l’acte instaurant une meilleure coordination au niveau des soins transfrontaliers : là où elle peut s’avérer plus efficace que les États membres, la Commission peut intervenir.  

 

 


Union européenne, États membres : qui fait quoi ?

La répartition des compétences entre l’Union européenne et les États membres a été redéfinie par le Traité de Lisbonne signé en 2007 et entré en vigueur en 2009.
Relève exclusivement de l’Union, l’adoption d’actes juridiquement contraignants dans des domaines tels que l’union douanière, la concurrence, la politique monétaire des États de la zone euro ou encore la conservation des ressources biologiques de la mer dans le cadre de la politique commune de la pêche et la politique commerciale commune. 
Les compétences partagées concernent des domaines comme le marché intérieur ; la politique sociale ; la cohésion économique, sociale et territoriale ; l’agriculture et la pêche ; l’environnement ; la protection des consommateurs ; les transports ; les réseaux transeuropéens ; l’énergie ; l’espace de liberté, de sécurité et de justice ; les enjeux communs de sécurité en matière de santé publique ; la recherche, le développement technologique et l’espace ; la coopération au développement et l’aide humanitaire. C’est dans ces domaines que s’applique le principe de subsidiarité selon lequel l’Union ne peut intervenir que si elle est en mesure d’agir plus efficacement que les États membres.
Enfin, les États membres conservent  la primauté en matière de protection et d’amélioration de la santé humaine, d’industrie, de culture, de tourisme, d’éducation, de formation professionnelle, de jeunesse, de sport, de protection civile et de coopération administrative. 


 

 


Les quatre sites de référence français

> L’Île-de-France avec un dossier présenté par l’AP-HP mettant en avant deux bonnes pratiques : “le contrat de territoire pour l’amélioration du parcours de santé des personnes âgées sur le territoire nord parisien” et le projet baptisé “T4H” (Technology and Human Help at Home after Hospitalisation) qui propose des solutions antichute pour les personnes âgées de retour à leur domicile après une hospitalisation.

> La région Languedoc-Roussillon pour son action dans la lutte “contre les maladies chroniques pour un vieillissement actif et en bonne santé en Languedoc-Roussillon”.

> La région Pays-de-la-Loire pour son Centre d’expertise national des technologies de l’information et de la communication pour l’autonomie (CENTICH) dans le cadre du projet Lena (Logement évolutif pour une nouvelle autonomie).

> Le département du Bas-Rhin et plus particulièrement le Conseil régional pour sa démarche intitulée “Innovation pour l’autonomie : TIC et santé” qui vise à favoriser l’autonomie et le maintien à domicile des personnes âgées.


 

 

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