La formalisation d’une politique de prévention des chutes et de leur récidive repose sur trois piliers : la diffusion de l’information, la pluridisciplinarité et une logistique dédiée. Des axes complémentaires qui requièrent une stratégie globale de la part des établissements afin de les éviter et de les anticiper autant que faire se peut. L’attitude à adopter en cas de chute, elle, fera l’objet d’un article dans le prochain numéro d’Ehpad Mag. Il faut dire que le phénomène concerne chaque année 50 % des résidents en Ehpad.
1 -La prise en charge médicale
“A l’entrée de tout résident il convient de repérer le risque de chute. Et plus le risque est avéré, plus les test et les investigations sont poussés”, prévient le Dr Priscilla Clot-Faybesse Malfuson, médecin coordonnateur au sein du groupe Korian.
Tout d’abord, le médecin coordonnateur, l’ergothérapeute ou le kinésithérapeute procèdent à une évaluation fonctionnelle du résident. Et ce, en lui faisant effectuer des tests simples (test Tinetti, réactions posturales au Pull test, Up and go test etc.). En cas de trouble avéré, il convient de prescrire des séances de kinésithérapie incluant un travail de l’équilibre postural statique et dynamique ainsi qu’un renforcement de la force et de la puissance musculaires des membres inférieurs. Objectif : permettre, à terme, la pratique d’une activité physique régulière (marche…).
Puis, il s’agit de déceler et d’inventorier l’ensemble des facteurs potentiellement susceptibles de provoquer des chutes et d’y remédier :
– Maladies chroniques : neurologiques, neuromusculaires ostéo-articulaires etc. apport calcique alimentaire, correction d’une éventuelle carence en vitamine D etc.
– Troubles et déficiences visuels examens ophtalmologiques, angiométrie etc.
– Utilisation d’une aide technique inadaptée modification de l’aide technique et éducation à son bon usage.
– Port d’un chaussant inadapté choix de chaussures adaptées et soins podologiques.
– Traitements médicamenteux entraînant des troubles de la vigilance (psychotropes, antihypertenseurs etc.), des troubles moteurs, de l’hypotension orthostatique etc. modification de l’ordonnance de prescription, en particulier pour réduire le nombre de médicaments et promouvoir leur bon usage, à chaque fois au regard du rapport bénéfice/risque.
2 – La prise en charge organisationnelle
a) Désigner des référents
Il s’agit de personnes ressources qui ont suivi une formation à la gestion des chutes. En effet, leurs missions sont multiples. Tout d’abord, relayer auprès des personnels concernés les mesures et les orientations prises lors des groupes de travail consacrés aux chutes mais aussi s’assurer que les protocoles de prise en charge individualisée des résidents sont bien respectés. Ils sont les garants de la continuité du travail effectué lors des séances de psychomotricité ou des ateliers de gymnastique. Ils confortent ainsi, par un accompagnement renforcé, les progrès réalisés par les pensionnaires et concourent au processus de réassurance pour que ces derniers aient de nouveau confiance en eux.
Inversement, les référents informent le médecin coordonnateur de la survenance de difficultés (motrices, techniques, pharmacologiques etc.) susceptibles de provoquer des chutes. Soit que le résident leur en a fait part, soit que les référents les ont eux-mêmes décelées. En somme, ils ont un rôle de vigilance et de dépistage. Ils s’assurent que les chambres sont suffisamment rangées pour ne pas entraver la circulation, que le résident n’a pas oublié ses lunettes ou son appareil auditif… Dans le cas contraire, ils rappellent les consignes à leurs collègues et les avertissent de l’existence de facteurs pouvant engendrer des accidents.
Plus largement, ils relayent les suggestions des équipes pour optimiser la prévention des chutes (poser des barrières sur les lits des résidents problématiques, installer les résidents les plus à risque au rez-de-chaussée de l’établissement…). Ils avertissent également le responsable de la qualité ou la direction d’éventuels défaut matériels ou structurels (barres de seuils gênantes, tapis non fixés, usés ou aux coins retournés, parquet top ciré, dallage trop marqué etc.).
Si les référents ont un rôle moteur, il est indispensable que l’ensemble des personnels soignants suive une formation spécifique afin d’être en capacité de détecter les signes de fragilité de la personne mais aussi de maîtriser la conduite à tenir en cas d’urgence ou encore de concourir à la réadaptation du résident qui a chuté, le tout sans abuser de la contention.
b) Associer les médecins traitants
Le risque de chute peut être amplifié suite à des interactions médicamenteuses. Lorsque leurs patients sont sujets à des chutes, les médecins traitants doivent donc être sollicités pour limiter autant que possible les prescriptions médicamenteuses en cause. De même peuvent-ils prescrire certains examens complémentaires (examens de biologie médicale, scanner, IRM) afin de déterminer les causes des chutes répétées de leurs patients.
Ils doivent être pleinement impliqués dans la prévention des chutes. Le médecin coordonnateur peut ainsi les encourager à prescrire des séances de psychomotricité ou de kinésithérapie afin de que les résidents effectuent des exercices physiques destinés à maintenir ou à retrouver leur stabilité et leur équilibre.
c) Effectuer un recensement mensuel des chutes au sein de l’établissement
Et ce, par service et par résident en mentionnant ceux qui font déjà l’objet d’une prise en charge particulière en la matière. Ce document est communiqué à l’ensemble des personnels soignants. Il est établi sur la base de la déclaration systématique de chaque chute par les équipes soignantes. Pour que celles-ci se plient à cette démarche, il importe que la fiche de déclaration de chute soit aisée à remplir, aille à l’essentiel et que la compléter ne soit pas trop chronophage. A cette fin, elle doit se cantonner aux critères principaux définis par la Haute autorité de santé (temps passé au sol, traumatismes légers ou sévères etc.) et comporter des Questions à choix multiples (QCM).
d) Évaluer périodiquement le dispositif
Il est essentiel de constituer un groupe de travail pluridisciplinaire qui se consacre uniquement à la problématique des chutes. Il se réunit trimestriellement afin d’analyser les types de chutes qui se sont produites au cours des derniers mais aussi d’évaluer et de moduler le dispositif en vigueur pour les anticiper, les gérer et surtout les éviter en mettant en place des actions correctives ! C’est là l’occasion de procéder à un partage d’expériences, de mutualiser entre les services les bonnes pratiques qui ont fait leur preuve mais aussi d’en instaurer de nouvelles (aménagements horaires pour l’administration des neuroleptiques etc.)
3 – La prise en charge structurelle
La chose est connue mais il est bon de la rappeler : l’Ehpad doit être conçu pour faciliter les déplacements des résidents. Ainsi, les espaces de déambulation doivent-ils être sécurisés et comporter des barres d’appui (rampes) tout comme les toilettes et les douches. De même est-il nécessaire que la configuration de l’ensemble inclue des zones de repos avec des sièges adaptés.
Un sol d’une parfaite planéité est également un prérequis de même qu’un éclairage approprié selon les pièces avec, par exemple, un système de veilleuse nocturne dans les chambres pour favoriser les déplacements nocturnes.
Alexandre Terrini
L’indispensable individualisation
Dans les trois mois qui suivent l’admission de la personne âgée, on définit le projet de vie personnalisé. Tous les intervenants auprès du résident (le médecin coordonnateur, le médecin traitant, les aides-soignants) mais aussi sa famille participent à cette réunion de synthèse. C’est à ce moment-là et si cela le nécessite, que la prise en charge en matière de chute est individualisée et formalisée. Les objectifs et les modalités de ce projet sont ensuite communiqués aux équipes.