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Michèle Delaunay : « Il faut repenser le modèle des Ehpad » Non classé

M Delaunay

M DelaunayAvec le recul, êtes-vous confortée dans votre choix d’avoir étendu le champ de la loi non pas à la seule autonomie mais à l’adaptation de l’ensemble de la société au vieillissement ?

Michèle Delaunay : Oui même si je pense que vieillissement n’est pas un terme assez positif au regard de la loi qui, elle, l’est pleinement. J’avais donc proposé de l’appeler loi de transition démographique en référence à la loi de transition énergétique mais cela aurait sans doute été moins parlant. Il faut se rappeler que lors du quinquennat de Nicolas Sarkozy, ce n’était même pas sous le biais de l’autonomie que l’on envisageait la réforme mais sous celui de la dépendance. Or, nous avons voulu montrer que nous en avions fini avec la dépendance et qu’il fallait mettre l’autonomie sur le devant de la scène, si je puis dire. Aujourd’hui, cette loi comporte trois volets1 et couvre tout le champ de l’avancée en âge, de la prévention au grand âge et à la perte d’autonomie. C’est une loi de transition sociétale dans la mesure où, lors de cette première moitié de XXIe siècle, la transition démographique est d’une importance égale à celle de la transition énergétique.

 

Est-ce une fierté personnelle d’avoir porté un texte aussi important ?

M. D. :  Oui, j’en suis plutôt fière et je souhaite continuer à le porter autant que je le pourrai tant comme député que comme citoyenne. C’est un texte à la fois raisonnable et ambitieux. Même si je pense que ce ne sera pas le cas, j’aurais souhaité qu’il soit voté à l’unanimité. J’ai d’ailleurs travaillé en ce sens, en privilégiant le consensus au détriment de la discorde.

 

Vous semble-t-il cohérent que cette loi soit aujourd’hui défendue par la secrétaire d’Etat à la famille ?

M. D. :  Oui car la famille est concernée dans la mesure où il y a 14 millions de grands-parents en France. Mais cette transversalité déborde encore plus largement. En effet, lors de la préparation de la loi, nous avons travaillé de manière très positive avec Cécile Duflot pour ce qui concerne le logement, avec Frédéric Cuvillier pour le transport et surtout avec Arnaud Montebourg pour ce qui est de la silver économie, laquelle est une véritable révolution. Nous avons inversé le regard que l’on peut porter sur l’âge. Alors qu’auparavant, on présentait la longévité comme un coût et une charge, en somme comme une démographie punitive, nous avons induit l’idée que la silver économie peut rapporter à notre pays plus que ce que coûte le grand âge. On change de paradigme pour faire de la longévité un atout positif sur le plan économique, de l’urbanisme, du numérique etc.

 

Avec le recul, qu’aimeriez-vous modifier dans ce texte de loi ?

M. D. :  Il s’agit d’une loi globale et transversale mais j’aurais voulu, si les conditions budgétaires l’avaient permis, qu’elle le soit encore plus et qu’elle soit complète. Autrement dit, qu’elle englobe dès à présent le champ de l’accueil en établissement. Mais nous avons préféré opter pour des avancées significatives concernant le domicile et se pencher sur les Ehpad dans un second temps législatif. Cela nous permettra d’ailleurs de réfléchir au modèle de l’accueil en établissement. Il faut repenser le modèle des Ehpad sachant qu’il est difficile d’exiger d’un Ehpad un niveau de sécurité qui soit celui d’un hôpital. Veut-on vraiment que l’Ehpad soit un hôpital ou, au contraire, d’abord un lieu de vie ? Mon souhait est que des habitats regroupés du type résidences services puissent être proposés à beaucoup de gens qui ont encore un certain degré d’autonomie. Il faut améliorer ce concept afin qu’ils soient vraiment des lieux de vie quitte à prolonger la médicalisation en toute sécurité. Nous devons faire en sorte qu’avant l’Ehpad, il existe des modèles de vie qui soient plus aboutis et accessibles qu’ils ne le sont aujourd’hui. Quitte à ce que les Ehpad soient des lieux où la médicalisation est renforcée.

 

Certes mais les problèmes auxquels sont aujourd’hui confrontés les établissements ne justifiaient-ils pas d’en faire une priorité législative ?

M. D. : La priorité des Français, en particulier des baby-boomers, est de vieillir à leur domicile en étant le plus autonome possible. Nous sommes à un moment-clef, celui de l’anticipation de cette tendance. Si nous avions inversé le déroulé législatif de la loi, nous aurions retardé cette anticipation, laquelle est une nécessité impérieuse.

 

Néanmoins, la situation actuelle des Ehpad vous inquiète-t-elle ?

M. D. : En ce qui concerne leur médicalisation, j’ai apporté, pendant les deux ans durant lesquels j’ai été ministre déléguée, 162 puis 147 millions d’euros. Mais ce qui m’inquiète en premier lieu, c’est le reste à charge pour les familles ainsi que les personnels en nombre insuffisant. Néanmoins, beaucoup de communes, d’associations et de groupements privés font de très gros efforts pour améliorer le fonctionnement et la qualité de leurs établissements mais aussi pour les réhabiliter. 

 

Au regard de ce constat, quelles devront être, selon vous, les grandes lignes du second volet de la loi qui portera précisément sur les Ehpad ?

M. D. : A l’image de ce que nous faisons pour le secteur de l’aide à domicile avec l’augmentation de l’Apa, il faudra très certainement trouver une source de financement nouvelle pour diminuer notablement le reste à charge et développer la médicalisation des établissements. Le recrutement de personnels sera le fruit de la poursuite de l’effort du Gouvernement. Pour ce qui est de la diminution du reste à charge, je pense à des ressources supplémentaires, soit sous la forme d’une hausse minime de prélèvements touchant déjà un très large panel de contribuables, soit en instaurant une ressource dédiée qu’il faudra expliquer et faire accepter aux Français. Ce sont là des pistes sur lesquelles je vais travailler en tant que députée pour ensuite formuler des propositions.

 

Croyez-vous encore à la mise en œuvre de la seconde partie de la loi avant la fin du quinquennat de François Hollande au risque que les Ehpad soient les oubliés de la réforme ?

M. D. : Mon problème n’est pas d’y croire mais de tout faire en tant que député pour que ce soit le cas même si ce n’est pas de mon seul pouvoir. Bien sûr que le risque existe et c’est pour cela que nous serons d’autant plus dynamiques sur ce sujet. Je ne suis pas désespérée (sourire).

 

La réforme des collectivités territoriales et la surpression programmée des départements risquent-elles, à terme, d’entraver la mise en œuvre de la loi ?

M. D. : Non. Pour ce qui est des communes importantes, les intercommunalités remplaceront les départements, lesquels pourront, en revanche, perdurer sous une forme plus ou moins comparable dans les zones rurales. Mais, pour l’instant, rien n’est fait d’autant que la suppression des départements n’est annoncée que pour 2021. 

Propos recueillis par Alexandre Terrini

 

 


La fin de vie : mieux accompagner sans rien outrepasser

A l’heure où François Hollande a fait part de son souhait de faire voter une loi permettant “une assistance médicalisée pour terminer sa vie en dignité”, Michèle Delaunay, qui fut responsable de l’unité de dermatologie-cancérologie au CHU de Bordeaux, prône “une immense modération et une extrême prudence”.

L’ancienne ministre déléguée en charge de l’Autonomie et des Personnes âgées travaille actuellement à l’élaboration d’une proposition de loi faisant de l’accompagnement de la fin de vie un droit aussi bien au domicile qu’en Ehpad. “C’est d’ailleurs l’une des réformes et des évolutions auxquelles il faut songer pour les établissements, suggère Michèle Delaunay. Ils doivent être des lieux où l’on peut être accompagné de la même manière qu’en CHU en lien avec des équipes mobiles de soins palliatifs. Or, à ce jour, c’est là un manque majeur pour beaucoup d’Ehpad, lesquels sont certes des lieux de vie mais aussi de fin de vie. Or, ils sont bien souvent insuffisamment adaptés à ce niveau-là.”

En filigrane, se pose la question de l’euthanasie, laquelle requiert évidemment une réponse nuancée tant “ce terme brutal regroupe des réalités très différentes, à savoir, le suicide assisté, les directives anticipées et la sédation terminale”. “Je suis favorable à un meilleur recueil des directives anticipées même si je m’en méfie car elles sont en général le fait de gens qui sont encore en bonne santé, affirme le député de Gironde. En ce qui concerne la sédation terminale, globalement, ce problème se pose très rarement lorsque le patient est en soins palliatifs. Et si c’est malgré tout le cas, par exemple lors d’étouffements terminaux provoqués par un cancer du poumon, là, je pense qu’il faut savoir prendre des risques en matière de sédation terminale, c’est-à-dire soulager quitte à risquer de provoquer la mort du patient. Cela existe déjà et c’est légitime. Cela figure d’ailleurs dans la loi Leonetti, laquelle est encore top méconnue et mal comprise. Quant au suicide assisté, il doit être de l’ordre de l’exception.”


 

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