Le contrôle Urssaf, vous n’y échapperez pas! Tous les directeurs d’Ehpad reçoivent régulièrement la visite d’un contrôleur afin de s’assurer que toutes les cotisations sociales dues sont bien payées. Comment bien s’y préparer? Quelle est la bonne attitude à adopter?
La procédure
Avant chaque contrôle Urssaf, le directeur de l’Ehpad reçoit une lettre indiquant une prise de contact. Bien qu’il soit conseillé d’accepter la date de rendez-vous proposée, il est possible de la reporter une seule fois. Dans le courrier, sont également être listés les documents que le directeur doit préparer pour la visite et les années qui vont être contrôlées. Généralement, ce sont les trois dernières. Un détail encore, mais qui n’est pas sans incidence sur la qualité des rapports avec le contrôleur : n’hésitez pas à lui mettre à disposition un lieu où il pourra travailler dans de bonnes conditions.
Lors du contrôle, le directeur de l’Ehpad peut être accompagné de son expert-comptable ou, s’il fait partie d’une association gestionnaire, il peut solliciter la présence du responsable des ressources humaines. « Les directeurs d’Ehpad ne doivent pas hésiter à s’appuyer sur le commissaire au compte ou même sur les fédérations », assure Sylvie Amzaleg, Directrice des relations du travail, à la Fédération des établissements hospitaliers et d’aide à la personne privés non lucratif (Fehap), en précisant que la Fehap, sans être présente physiquement, peut être en lien avec les directeurs d’Ehpad qui le demandent lors d’un contrôle Urssaf.
Les documents à préparer
« Il y a une superposition d’obligations qui s’imposent aux Ehpad et les directeurs doivent être particulièrement vigilants car si ces obligations ne sont pas respectées, cela peut avoir une incidence importante, notamment au moment du redressement », met en garde Sylvie Amzaleg. Outre les documents comptables, le directeur d’Ehpad doit être à jour concernant les dossiers de ses salariés. « Dans chaque dossier, il doit y avoir la déclaration préalable à l’embauche, la photocopie des cartes d’identité et, éventuellement, le casier judiciaire même si cela entre davantage dans le cadre de la bonne pratique », explique Halima Bensalah, expert-comptable, commissaire aux comptes et associée référent médico-social chez Sofideec Baker Tilly. Il faut aussi détenir les justificatifs pour le versement des avantages en nature aux salariés. A titre d’exemple, si un employeur rembourse des frais à un salarié pour l’utilisation de sa voiture personnelle, il doit avoir, dans le dossier, la photocopie de la carte grise et l’attestation d’assurance prouvant que le salarié est couvert dans le cadre de déplacements professionnels.
Par ailleurs, « il y a des déclarations pour lesquelles les directeurs ne sont pas forcément sensibilisés comme la Déclaration des honoraires (DAS2), qui fait partie des documents demandés systématiquement par le contrôleur », prévient Halima Bensalah. Même chose pour la Déclaration annuelle de données sociales (DADS). « Il y a beaucoup de technicité dans la gestion du personnel, insiste Halima Bensalah. Les Ehpad ont une gestion des congés et des variables de paie qui leur est propre. Il s’agit d’un point technique très important sur lequel les directeurs d’Ehpad doivent vraiment faire attention. » Le temps de travail doit être clairement justifié tout comme les budgets prévisionnels, les heures supplémentaires ou encore les heures complémentaires. Halima Bensalah conseille d’avoir une procédure formalisée permettant au contrôleur de comprendre facilement l’organisation au sein de l’établissement.
Enfin, ces derniers temps, les contrôleurs Urssaf s’intéressent particulièrement aux attestations
de vigilance. Dans le cadre d’un contrat d’au
moins 3 000 euros TTC avec un prestataire quel qu’il soit, le directeur de l’Ehpad doit s’assurer que son cocontractant s’acquitte de ses obligations déclaratives et du paiement des cotisations et des contributions sociales. Ce dernier doit donc lui présenter une attestation de vigilance. Si le prestataire n’est pas à jour, en cas de contrôle, l’Ehpad est solidaire.
La discussion et le recours
Après avoir terminé ses travaux et avant de notifier le redressement, le contrôleur fait un point d’étape avec le responsable. « C’est à ce moment-là que le directeur peut apporter des précisions et débattre avec le contrôleur, explique l’expert-comptable. Si ce dernier est convaincu, il pourra modifier le redressement. »
Par la suite, le contrôleur envoie une lettre d’observation avec tous les redressements relevés au sein de l’établissement. Généralement, s’ajoute à la somme à payer, une majoration de 10 % de retard calculée sur le montant du redressement. « Le directeur d’Ehpad peut tout à fait demander un dégrèvement des 10 %. C’est d’ailleurs souvent accepté », précise Salima Bensalah.
Le redressement peut être contesté dans les 45 jours mais cela reste rare car généralement, le premier dialogue a permis de régler de nombreux points de désaccord. Néanmoins, si aucune entente n’est trouvée, le directeur d’Ehpad peut adresser un recours devant le tribunal administratif. « Mais les contrôleurs sont sûrs de leur sujet et lorsqu’ils font des redressements par rapport à des bases et des taux, il est difficile de contester », prévient l’expert comptable.
Enfin, il faut savoir que des directeurs peuvent déclencher eux-mêmes un contrôle Urssaf lorsqu’ils ont un doute sur un point en particulier.
Laure Martin
« Ce qui est compliqué, c’est la mise en œuvre de la législation car elle change régulièrement »
Grégoire Bellut, correspondant régional IDF de l’Association des directeurs au service des personnes âgées (AD-PA) et Directeur de la maison de retraite Africa à Nogent-sur-Marne (Val-de-Marne).
« Mon établissement a déjà fait l’objet de trois contrôles Urssaf. En raison de sa taille et du nombre de salariés, je suis en effet contrôlé tous les trois ans ! En amont de chaque contrôle, il est impératif de vérifier les prélèvements des salariés de l’Ehpad. Avoir un service comptabilité peut vraiment être un atout. Ce qui est compliqué, c’est la mise en œuvre de la législation car elle change régulièrement et il est facile de commettre des erreurs de paramètres. Par exemple, j’avais commis une faute de constante. Je l’ai corrigée mais cela a déclenché un contrôle ! Le jour du contrôle, il est important d’avoir une certaine disponibilité. Il ne faut pas hésiter à mettre un bureau à disposition du contrôleur et à lui offrir un café.
Il peut également y avoir de bonnes surprises lors d’un contrôle. Pour la réduction Fillon concernant les charges patronales sur les bas salaires, le contrôleur m’a ainsi fait savoir que je n’avais pas assez déduit, ce qui m’a fait gagner de l’argent. En revanche, j’ai déjà eu avec lui un débat portant sur les avantages et les prestations en nature au regard de notre convention collective. Je n’ai pas hésité à dire que le différend allait se régler au tribunal et finalement nous avons trouvé un compromis. Quand on n’est pas d’accord, il faut en faire état. Il ne faut pas s’exciter mais il ne faut pas s’écraser non plus. Il peut aussi être opportun, lorsque l’on constate que l’on a commis une erreur, de contacter directement l’Urssaf. Il vaut mieux anticiper. Mais il faut savoir qu’il n’y a pas de recherche perverse de la faute de la part des contrôleurs. Il ne faut pas les craindre outre mesure. »