Affections cardiovasculaires, arthrose, lombalgies, fractures, escarres, cancers… : les causes de douleur sont nombreuses chez les personnes âgées. D’où l’importance de ne pas en augmenter, même de manière involontaire, le nombre et l’intensité lors des soins. Pour cela, la maîtrise de la technicité de l’acte et le choix du matériel ne suffisent pas toujours. Ce qu’explique Pascale Wanquet-Thibault, infirmière membre de la Société française d’étude et de traitement de la douleur (SFETD).
Douleurs aiguës, douleurs chroniques, douleurs neuropathiques… : les types de douleur sont nombreux. « En matière de douleur liée aux soins, on est en général dans la douleur aiguë, ce que l’on appelle la douleur aiguë par excès de nociception, détaille Pascale Wanquet-Thibault, cadre supérieure de santé, formatrice-consultante et membre de la commission professionnelle infirmière de la Société française d’étude et de traitement de la douleur (SFETD). On parle quelquefois de douleur induite, de douleur iatrogène, de douleur provoquée, de douleur générée etc. mais, en réalité, ces différentes formulations couvrent l’ensemble des douleurs liées aux actes de soins ou aux thérapeutiques ressenties par la personne. » Il s’agit de douleurs qu’un soignant provoque par des actes invasifs (piqûres, prélèvements, sondages, drainages etc.), des actes de la vie quotidienne (lever/coucher, toilette, soins de bouche, habillage/déshabillage, aide alimentaire, transfert etc.) ou des traitements (soins de plaie, radiothérapie etc.) et qui, quelquefois, réveillent d’autres douleurs qui sont des douleurs neuropathiques. « Ce qui est important, ce n’est pas la terminologie de la douleur, c’est la prise conscience, en tant que soignant, que lorsque l’on réalise un acte, quel qu’il soit, auprès d’une personne, on peut potentiellement provoquer de la douleur chez cette personne », explique Pascale Wanquet-Thibault. Qui plus est quand cette personne est âgée et donc fragile.
Mieux communiquer
Comment éviter ou atténuer cette douleur liée aux soins, sachant qu’en vertu de l’article L.1110-5 du Code de la santé publique, la douleur « doit être en toute circonstance prévenue, prise en compte et traitée » ? « Le premier grand moyen antalgique, c’est le comportement et l’intentionnalité du soignant, rappelle la formatrice-consultante. Par les précautions qu’il va prendre, par sa capacité à réaliser le soin, il peut soit accroître la douleur, soit, au contraire, l’atténuer. » Outre la maîtrise technique du soin et le choix du matériel, une communication adéquate est nécessaire. Longtemps, les soignants se sont vus conseiller de prévenir la personne soignée de ce qu’ils faisaient – « je vous pique » – au moment où ils le faisaient. « Or, on sait aujourd’hui, en particulier grâce à l’IRM, qu’au moment même où l’on dit cela, on majore la douleur de la personne : on envoie immédiatement un message au niveau du cerveau qui, en réponse, stimule la zone concernée par la douleur », précise Pascale Wanquet-Thibault.
Il faut donc, selon elle, prévenir différemment et à un autre moment. « Il faut, en amont, informer la personne de ce que l’on va faire et, par ailleurs, lui demander si elle connaît le soin, si elle souhaite savoir comment il va se dérouler et avec quel matériel, précise-t-elle. Cette phase d’information préalable est nécessaire pour diminuer l’anxiété de la personne. Il faut ensuite partir de ce que la personne sait et de ses représentations, de la manière dont elle sait quelquefois se protéger de la douleur. En respirant profondément, en regardant la télé, en jouant à un jeu vidéo, par exemple. Puis, au moment même du soin, l’intérêt est d’être dans une phase de distraction et de relaxation grâce à des techniques d’hypno-analgésie, de respiration, de chant etc. afin de ne pas centrer la personne sur la douleur. »
De manière générale, l’important est de rappeler que l’objectif du soin est que celui-ci se déroule dans les meilleures conditions possibles. Et mieux vaut s’abstenir de prononcer certains termes tels que « douleur » ou certaines phrases telles que « ne vous inquiétez pas, je vais vous faire une petite piqûre, ça ne va pas être long », insiste la formatrice-consultante. En effet, le cerveau n’entend pas la négation : en prononçant ces mots, le cerveau ne retient donc que « piqûre » et « long ».
Mieux anticiper
Si le soin risque d’être très douloureux ou si la personne présente une douleur déjà installée (avant même la réalisation du soin), il est possible de recourir aux traitements médicamenteux (paracétamol, morphiniques etc.).
« Ce qui implique de bien respecter le délai d’action des médicaments antalgiques, insiste Pascale Wanquet-Thibault. En cas de médicaments administrés par voie orale, il faut, de préférence, attendre une heure avant d’effectuer le soin. » Par ailleurs, il existe les traitements locaux, de type EMLA ou Xylocaïne, par exemple. Enfin, le Meopa (Mélange gazeux équimolaire d’oxygène et de protoxyde d’azote) peut également être utilisé à titre préventif, notamment pour les personnes les plus angoissées, agitées, voire agressives.
Nathalie Ratel
Le rôle clé de l’infirmier
La prise en charge de la douleur est intégrée dans l’activité du métier d’infirmier. Ce dernier évalue la douleur dans le cadre de son rôle propre (article R. 4311-2 du Code de la santé publique). Il est habilité à entreprendre et à adapter les traitements antalgiques dans le cadre de protocoles préétablis, écrits, datés et signés par un médecin. Le protocole est intégré dans le dossier de soins infirmiers (article R. 4311-8 du CSP).
Pour aller plus loin
> Le guide « Prévention de la douleur provoquée par les soins chez la personne adulte et/ou âgée : organisation des soins avant/pendant/après », du Centre national de ressources de lutte contre la douleur (CNRD), disponible sur le site Internet http://cnrd.fr
>Les « Recommandations de bonnes pratiques de soins en Ehpad », éditées par la Direction générale de la santé (DGS), 2004.