Le profil des directeurs d’Ehpad a, ces dernières années, évolué de manière assez flagrante : plus de femmes, plus de personnes issues des secteurs pharmaceutique, bancaire ou encore industriel, davantage de directeurs aspirant à évoluer vers des postes à de plus larges responsabilités…
Petit tour d’horizon.
« Il y a, depuis quelques années, une diversification des origines professionnelles des directeurs d’ESMS (Établissements et services sociaux et médico-sociaux, N.D.L.R.) notamment d’Ehpad, note Sylvie Amzaleg, Directrice des relations du travail au sein de la Fédération des établissements hospitaliers et d’aide à la personne privés non lucratifs (Fehap). Ces derniers sont issus de formations et de secteurs différents, aussi variés que l’industrie, le commerce, l’agro-alimentaire, la finance… Ces personnes souhaitent se réorienter vers un travail qui, pour eux, a du sens. » Un travail tourné vers l’humain.
Le constat est identique au sein de l’École supérieure en travail éducatif et social de Strasbourg (Estes) : dans le cadre de son parcours de formation Cafdes (Certificat d’aptitude aux fonctions de directeur d’établissement ou de service d’intervention sociale), l’école accueille de plus en plus d’anciens informaticiens et délégués hospitaliers grands comptes mais aussi des personnes issues de l’industrie pharmaceutique (un secteur en pleine restructuration depuis ces trois dernières années), de la banque etc.
« La réforme de 2007 sur le niveau de diplôme exigé pour être directeur d’ESMS (voir encadré) a facilité l’accès à la formation Cafdes pour les personnes titulaires d’un master et issues de secteurs autres que celui du médico-social, note Michèle Slaoui, Directrice adjointe de l’Estes. Très rapidement, ces personnes ont représenté 25 à 30 % de nos stagiaires. » Et elles trouvent des postes en Ehpad. Il faut dire que le secteur des personnes âgées recrute, dans le privé mais aussi dans le public. « Au cours de ces cinq dernières années, dans le secteur médico-social public, le secteur des personnes âgées a représenté en moyenne 40 % des postes d’encadrement à pourvoir, souligne Fernand Le Deun, responsable de la formation des directeurs d’Établissements sanitaires, sociaux et médico-sociaux (ESSMS) au sein de l’Ecole des hautes études en santé publique (EHESP). Seuls 55 % de ces postes ont été pourvus. »
Certains voient aussi, dans ce secteur, la possibilité d’évoluer dans leur carrière, d’accéder à des postes à responsabilités tout en œuvrant au profit des personnes âgées. Soit à l’issue de leurs études, soit plus tard. Par le biais de la promotion interne ou, dans le secteur public, d’un concours interne, certains infirmiers, infirmiers coordonnateurs ou cadres administratifs exerçant en Ehpad deviennent directeurs. D’où la diversité des profils actuellement constatée à la tête des établissements.
Féminisation
Parmi ces nouveaux directeurs, beaucoup sont des femmes. « En 2007, nous avions, au sein de notre école, 75 à 80 % d’hommes en formation pour accéder à un poste d’encadrement au sein d’un ESMS, qu’il s’agisse d’Ehpad ou de structures dédiées à la petite enfance, aux personnes handicapées etc., confirme Michèle Slaoui. Aujourd’hui, nous avons 50 % d’hommes et 50 % de femmes en formation pour accéder à un tel poste. En 2005, nous avions également une majorité d’hommes en formation pour obtenir le Certificat d’aptitude aux fonctions d’encadrement et de responsable d’unité d’intervention sociale (Caferuis) et exercer une fonction d’encadrement intermédiaire, contre 60 à
70 % de femmes aujourd’hui. » A titre de comparaison, à l’EHESP, qui assure la formation des cadres supérieurs des établissements publics du secteur sanitaire, médico-social et social, on recense environ 70 % de femmes en formation contre 30 % d’hommes.
Professionnalisation
Autre constat : la fonction de directeur d’Ehpad se professionnalise de plus en plus parce qu’un certain niveau d’études a été imposé aux directeurs. Par ailleurs, avec la réforme de 2007, et même de 2002, la formation est devenue très complète. « La formation a toujours été conséquente mais, avant 2002, les stagiaires avaient la possibilité de suivre des spécialités sectorielles, de type “protection de l’enfance“, “gérontologie“ ou “handicap“ afin de diriger des structures spécialisées, souligne Michèle Slaoui. Ce n’est plus le cas depuis. La formation est devenue très globale et très transversale. Elle permet ainsi une bonne compréhension du contexte socio-économico-politique du secteur médico-social dans son ensemble, ce qui permet à une personne qui suit cette formation de devenir directeur d’un Ehpad, d’un Institut médico-éducatif (IME), d’un Établissement et service d’aide par le travail (Ésat) etc. Elle permet d’aborder l’ensemble du secteur avec une certaine hauteur de vue. C’est important car à l’heure actuelle, il est demandé à un directeur d’établissement de mettre en perspective son projet d’établissement. » C’est-à-dire de conduire son établissement dans une démarche prospective, de concevoir de nouveaux services (petites unités de vie, services d’aide à domicile, accueils de jour et de nuit, unités Alzheimer ou encore hébergements temporaires) pour une prise en charge globale des personnes âgées, de s’ouvrir vers l’extérieur, de fonctionner en réseaux etc.
Il appartient ensuite à chaque directeur, en intégrant son poste, de profiter de la formation continue pour mettre à jour ses connaissances sur le droit des personnes, l’évaluation interne et externe, l’élaboration du projet d’établissement, la mise en place du Conseil de la vie sociale (CVS), l’amélioration de la qualité etc. « Les directeurs d’Ehpad sont polyvalents et souvent seuls à diriger. Il leur faut se perfectionner en permanence en ressources humaines, en finance, en gestion de marchés publics…, autant de champs juridiques et managériaux qu’ils doivent maîtriser », rappelle Fernand Le Deun.
Le tournant de 2007
La loi 2002-02 rénovant l’action sociale pose le principe selon lequel tout Établissement et service social ou médico-social (ESMS) doit être dirigé par un professionnel formé et disposant d’un niveau de qualification déterminé par un décret. Le décret 2007-221 du 19 février 2007 précise ce niveau de qualification :
• pour diriger un ESMS de plus de 50 salariés en équivalent temps plein, une certification de niveau I (Bac + 5), quelle que soit la spécialité, est exigée ;
• pour diriger un ESMS de moins de 50 salariés, une certification de niveau II est requise (niveau Bac + 3 ou + 4), quelle que soit la spécialité.