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Gestion des risques en Ehpad : quel niveau de responsabilité juridique pour l’établissement et son personnel ? Non classé

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Soins, sécurité des résidents et de leurs effets personnels, conditions d’hébergement… : l’accueil et la prise en charge de personnes âgées en établissement social et médicosocial peuvent engendrer des réclamations et des plaintes impliquant diverses responsabilités juridiques tant pour l’établissement que pour les personnels participant à son fonctionnement.

 

De multiples situations à risque

Si les situations à risque sont multiples, elles peuvent cependant être classées en deux grandes catégories : la délivrance d’actes de soins et la sécurité des résidents et de leurs biens.

Les actes de soins : en pratique, en Ehpad, les risques sont généralement liés à une erreur de prescription ou d’administration de médicaments ou à une mauvaise organisation du service (exemple : absence d’organisation de la permanence des soins).

La sécurité des résidents : les résidents en Ehpad peuvent être confrontés à des risques de chute (événement le plus récurrent dans le secteur de l’hébergement), de sortie à l’insu du service, d’agression ou encore de fausse route consécutifs à une erreur d’appréciation de la vulnérabilité du résident ou à un défaut d’organisation du service en raison, notamment, de l’absence de mise en place des consignes de sécurité ou de surveillance prescrites.

Autres sources potentielles de risque, un défaut de sécurité des installations ou un manquement à l’obligation d’assurer la sécurité alimentaire des résidents1.

Enfin, la loi a défini un régime spécifique de responsabilité en cas de perte, de disparition ou de vol des biens des résidents. Ainsi, les établissements sont responsables de plein droit (en l’absence de toute faute) en cas de perte, de vol ou de détérioration des objets déposés par les résidents ; mais la responsabilité de l’établissement ne peut être engagée qu’en cas de faute si les biens considérés n’ont pas fait l’objet des modalités de dépôt2.

La gestion des plaintes et des réclamations en Ehpad

 

Selon qu’elles sont ou non assorties d’une demande indemnitaire, la gestion des plaintes formulées par les résidents ou leur famille suivra deux voies distinctes :

– plaintes sans demande indemnitaire : il peut s’agir, ici, de l’expression de simples mécontentements relatifs à l’accueil et à la prise en charge (exemples : manque d’amabilité des personnels, qualité des repas, demande d’explications sur les soins délivrés,..).

Selon leur nature, ces demandes peuvent être soumises à la personne qualifiée3 ou traitées au sein de la Commission des relations avec les usagers et de la qualité de la prise en charge (Cruq) pour les établissements qui en sont dotés4. Elles peuvent également être directement gérées par le médecin en charge du résident ou le médecin coordonnateur (demandes d’ordre médical). Enfin, selon l’organisation de chaque structure, la direction de l’Ehpad peut être amenée à répondre directement au plaignant.

Ces dispositifs pourront en outre être complétés par le recours aux médiateurs de la consommation prévus par l’article L152-1 du Code de la consommation5.

En tout état de cause, il paraît essentiel qu’une réponse claire soit apportée à chaque demande de manière notamment à éviter la cristallisation des tensions et la dérive vers une issue contentieuse.

– réclamations indemnitaires : ce type de demande implique la mise en jeu
de la responsabilité civile de l’établissement et, par là même, l’intervention de l’assureur de responsabilité civile. Celui-ci, au terme d’une étude approfondie des circonstances de survenue de l’incident, pourra, le cas échéant, formuler une proposition amiable d’indemnisation. A défaut de proposition indemnitaire par l’assureur ou en cas de refus de la proposition par le plaignant, un tiers pourra être saisi en vue de trancher le litige : il s’agira, selon le choix du plaignant, de la Commission de conciliation et d’indemnisation (CCI)6 et/ou du juge (judiciaire ou administratif selon la nature de l’établissement de santé).

 

Responsabilité civile ou pénale : ce que dit la loi

 

En cas d’accident dommageable (erreur médicale, défaut de surveillance…), le résident (son représentant légal s’il est sous tutelle ou ses ayants droit en cas de décès) peut rechercher deux types de responsabilités (l’une, l’autre ou les deux).
La victime peut rechercher la responsabilité pénale des personnes dont le comportement fautif est à l’origine du dommage et ce, afin d’obtenir des sanctions.

Tout professionnel de santé ou de l’action sociale, quel que soit son statut (agent public, salarié ou libéral), peut voir sa responsabilité pénale engagée dès lors qu’il est reconnu comme étant l’auteur de faits constitutifs d’une infraction et ce, quand bien même il aurait agi dans le cadre de ses fonctions pour le compte de l’Ehpad.

Si une faute simple (négligence, maladresse, manquement à une règle particulière de prudence ou de sécurité) suffit à engager la responsabilité pénale de l’auteur direct de l’infraction, la mise en cause de l’auteur indirect (celui qui créé ou contribue à créer la situation qui a permis de réaliser le dommage ou qui n’a pas pris les mesures permettant d’éviter le dommage) nécessite la reconnaissance d’une faute délibérée7 ou caractérisée8.

Notons, enfin, que l’Ehpad, en tant que personne morale, peut également être condamné pénalement pour des infractions commises à l’occasion de la prise en charge des résidents, étant entendu que la responsabilité pénale de l’établissement n’est pas exclusive de celle des personnes physiques concernées9.

 
La victime peut également rechercher la responsabilité civile de l’institution afin d’obtenir une indemnisation.

Sur le plan indemnitaire, il appartient à l’Ehpad de répondre des fautes commises par ses agents ou personnels salariés.

Une seule exception à cette règle : en cas de faute personnelle (Ehpad public) ou d’abus de fonction (Ehpad privé), l’agent public ou le personnel salarié peuvent voir leur responsabilité civile personnelle engagée.

Ces fautes, d’une particulière gravité, demeurent toutefois exceptionnelles.

Enfin, les professionnels intervenant à titre libéral au sein de la structure engagent leur responsabilité civile personnelle.

Rappelons que pour limiter ces situations et leurs conséquences qui peuvent être importantes, les Ehpad doivent régulièrement actualiser leurs plans de gestion des risques pour s’assurer de mettre en œuvre les bonnes pratiques.

 

Anne-Sophie Mazeiratjuriste, Direction juridique de Sham

 

 

1
Exemple : TA Orléans 26/02/2003 : la survenue d’une intoxication alimentaire révèle, alors même qu’il n’est pas possible d’en définir les circonstances exactes, un fonctionnement défectueux du service public.

2
Art. L1113-1 et R1113-1 et suivants du Code de la santé publique.

3
Le recours à la personne qualifiée tel que prévu aux articles L 311-3 à L311-9 du Code de l’action sociale et des familles reste dans les faits assez rare. N.B. : en principe, le demandeur doit pouvoir choisir la personne qualifiée sur une liste départementale. Cet interlocuteur doit assurer une médiation et informer le demandeur sur les suites données à sa demande. Elle n’a pas de pouvoir d’injonction vis-à-vis de l’établissement d’accueil ni de l’administration. Elle rend compte de ses constats et démarches à l’autorité chargée du contrôle de l’établissement, du service ou du lieu de vie et d’accueil et, en tant que de besoin, à l’autorité judiciaire. Elle peut également informer la personne ou l’organisme gestionnaire.

4
Les Ehpad autonomes ne sont pas concernés par la mise en place des Cruq. En revanche, lorsque l’Ehpad est rattaché à un établissement de santé, les compétences de la Cruq de l’établissement auquel il est rattaché s’exercent sur la structure d’hébergement, comme sur n’importe quel autre service.

5
Article issu de l’ordonnance n°2015-1033 du 20 août 2015 relative au règlement extrajudiciaire des litiges de consommation dont l’entrée en vigueur est soumise à la parution d’un décret d’application non paru au jour de la rédaction de l’article.

6
La CCI est exclusivement compétente pour les dommages résultant d’actes de prévention, de diagnostic et de soins répondant à certains critères de gravité fixés par décret.

7
Violation manifestement délibérée d’une obligation particulière de prudence ou de sécurité prévue par la loi ou le règlement.

8
Faute caractérisée exposant autrui à un risque d’une particulière gravité que l’auteur des faits ne pouvait ignorer.

9
Article 121-2 al3 du Code pénal.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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