Les chutes du sujet âgé et leur cortège de morbi-mortalité constituent une préoccupation majeure des acteurs de santé. De nouvelles recommandations incitent à un dépistage plus systématique du risque de chute, afin de mieux préserver la santé et l’autonomie des plus âgés.
Le risque de chute augmente avec l’âge, et avec le vieillissement de la population un nombre grandissant de personnes âgées y est exposé. Ainsi, un tiers des personnes de plus de 65 ans chute au moins une fois dans l’année, et ce risque concerne une personne sur deux chez les personnes de 80 ans et plus. Selon le Dr Seux, gériatre à l’hôpital Broca, « le risque de chute est particulièrement prégnant en EHPAD puisque 30 à 50% des personnes sont concernées ». Les facteurs de risque sont multiples, présents dans l’environnement du sujet âgé (tapis, revêtement de sol, mauvais éclairage notamment la nuit) ou intrinsèques à la personne. Le risque est en effet augmenté en présence de certaines pathologies comme l’arthrose, les troubles visuels, la maladie de Parkinson, etc. Il est également accru chez les personnes dites « fragiles » atteintes de sarcopénie (fonte musculaire) ou par certains facteurs précipitant comme des troubles cardiaques, une hypoglycémie ou la prise de certains médicaments. Enfin, la chute est en elle-même un facteur de risque de nouvelle chute puisque la moitié des patients ayant chuté récidivent au moins une fois dans l’année.
Des chutes lourdes de conséquences
Les chutes sont loin d’être anodines chez le sujet âgé. Les conséquences physiques sont évidemment variables selon les personnes. Mais elles sont à l’origine de 9.000 décès chaque année, et même lorsque l’issue n’est pas fatale, elles engendrent un nombre important d’hospitalisations, souvent en raison d’une fracture du col du fémur. Les conséquences peuvent alors être sévères en termes de perte d’autonomie, d’isolement social et de mortalité. Le temps d’immobilisation au sol prolongé (>1h) chez les personnes incapables de se relever seules semble être un facteur déterminant de gravité. Il peut occasionner douleurs, déshydratation, hypothermie, rhabdomyolyse liée à l’écrasement musculaire (avec risque d’insuffisance rénale) … L’ensemble de ces causes étant susceptible de compromettre la survie. « Les chuteurs ayant passé plus d’une heure au sol ont un risque de mortalité multiplié par deux à 6 mois, que la chute ait occasionné ou non un traumatisme» explique le Dr Frédéric Bloch, gériatre à l’hôpital Broca.
Cependant les conséquences de la chute ne s’arrêtent pas aux considérations d’ordre physique. Les répercussions psychologiques peuvent également être importantes et occasionner un syndrome post-chute. Celui-ci se traduit par une réduction spontanée de l’activité, une diminution des capacités fonctionnelles, des troubles posturaux (rétropulsion notamment) et des troubles de la marche. Ce syndrome de désadaptation motrice et de peur de chuter nécessite une prise en charge spécifique et urgente pour éviter l’évolution vers une perte d’autonomie fonctionnelle et un état grabataire irréversible.
Parler du risque de chute pour mieux le prévenir
Avec une démographie galopante des personnes âgées exposées au risque de chute, la prévention devient une préoccupation de santé publique majeure. Après la déclaration de consensus de la Société de médecine gériatrique de l’Union Européenne en janvier 2017, appelant à une amélioration du dépistage et de la prise en charge du risque de fragilité (osseuse notamment) et du risque de chute, le NICE (National Institute for Health and Care Excellence) au Royaume-Uni vient d’émettre une recommandation préconisant de demander régulièrement aux personnes de plus de 65 ans s’ils ont fait une chute au cours de l’année écoulée ou s’ils ressentent une instabilité en position debout. Dans l’affirmative, l’Institut recommande une évaluation multifactorielle et souligne l’importance d’une intervention multifactorielle personnalisée chez les personnes présentant un risque de chute accru avéré. L’objectif est de limiter, si ce n’est d’éviter, une évolution vers un plus grand niveau de fragilité, afin de préserver santé et autonomie.
Agnès Lara