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Droit de prescription du médecin coordonnateur : les rapports de l’IGAS se suivent et se ressemblent Coeur de métier

Au cours des 18 derniers mois, pas moins de 3 rapports de l’IGAS demandent
que le médecin coordonnateur ait une plus grande liberté de prescription médicale.

En lisant le rapport de l’IGAS Évaluation de l’application de la loi du 2 février 2016 sur la fin de vie1, de juin 2018, des directeurs d’EHPAD et des médecins coordonnateurs auront le sentiment de déjà-vu puisque plusieurs recommandations figurent déjà dans deux autres rapports de l’IGAS, notamment sur l’élargissement du droit de prescription du médecin coordonnateur. En effet, comme d’autres inspecteurs généraux de l’IGAS avant eux, les auteurs de ce dernier rapport font les mêmes constats et les mêmes recommandations :

« [453] En EHPAD et à domicile, le suivi médical doit relever en premier lieu des médecins traitants des patients, référents principaux de la prise en charge. Cependant, ceux-ci ne sont pas toujours disponibles et il apparaît que des malades en fin de vie rencontrent des difficultés à être suivis par un médecin traitant dans les déserts médicaux. D’autres médecins sont, par ailleurs, amenés à intervenir auprès des patients : médecins coordonnateurs d’EHPAD, de HAD et d’EMSP. Or, les restrictions en termes de prescription qui leur sont imposées restreignent fortement leur capacité d’intervention.

[454] La mission préconise donc de renforcer la liberté de prescription thérapeutique des médecins coordonnateurs dans les situations de fin de vie, avec l’accord express du médecin traitant du patient, voire de la per- sonne elle-même si elle peut s’exprimer, afin de conserver une cohérence d’ensemble de la prise en charge.

[455] Cette mesure, qui devrait faire l’objet d’une concertation afin d’en définir les modalités précises (circonstances, champ de la prescription, articulation avec le médecin traitant, etc.), figure également dans le rapport de l’IGAS sur « les soins palliatifs et la fin de vie à domicile ».

« Recommandation n° 29 : Autoriser les médecins coordonnateurs d’EHPAD, de services d’hospitalisation à domicile et d’équipes mobiles de soins palliatifs à réaliser des prescriptions pour les patients en fin de vie, sous réserve de l’accord du médecin traitant. »

Les inspecteurs généraux de l’IGAS rappellent que cette recommandation « figure également dans le rapport de l’IGAS sur “les soins palliatifs et la fin de vie à domicile” ». En effet, le rapport de l’IGAS Les soins palliatifs et la fin de vie à domicile2, de janvier 2017, indiquait déjà :

« Faciliter le travail des médecins coordonnateurs Le médecin traitant du patient à domicile ou du résident en EHPAD est le référent principal de sa prise en charge, mais dans certaines situations d’autres médecins coordi- nateurs (HAD, EMSP, EHPAD, réseaux) sont amenés à intervenir auprès des patients. La possibilité limitée de prescription qui leur est imposée restreigne leur capacité d’intervention – par exemple le médecin traitant est indisponible. Cet obstacle doit être levé afin de pouvoir

donner aux médecins coordonnateurs plus de souplesse en matière d’intervention thérapeutique, à la condition que la cohérence de la prise en charge conjointe soit assurée […]. Une concertation devrait intervenir à propos des conditions dans lesquelles une autorisation de prescription pourrait être élargie pour les médecins coordonnateurs des EHPAD, ceux des réseaux de santé et ceux de l’ HAD. »

Les mesures qui permettront de renforcer le rôle du coordonnateur […] sont clairement
de nature à faciliter l’organisation interne des EHPAD et améliorer l’accompagnement des résidents. …

« Recommandation n° 4 : Donner aux médecins coordonnateurs d’HAD ou d’EHPAD plus de liberté en matière de prescription thérapeutique dans les situations de fin de vie. »

D’un rapport à l’autre, c’est presque du copier-coller. À ces deux rapports se rajoute un troisième, d’avril 2018 : le rapport Relevé des échanges et propositions de la mission de médiation sur la mise en place de la réforme de la tarification dans les établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad).3 Ce 3e rapport de l’IGAS indique aussi :

« Les mesures qui permettront de renforcer le rôle du coordonnateur dans la prise en charge médicale des résidents, notamment sa capacité à prescrire, sont clairement de nature à faciliter l’organisation interne des EHPAD et améliorer l’accompagnement des résidents. Ce sont des mesures attendues et importantes. […] Elles peuvent avoir d’autant plus de force si elles sont couplées avec un élargissement des périmètres du tarif soins comme évoqué plus haut. »

« Recommandation n° 12 : Donner un rôle accru au médecin coordonnateur en lui accordant un pouvoir de prescription et faciliter l’exercice de la mission de coordination dans l’ensemble des établissements »

L’IGAS précise le bien-fondé d’élargir le droit de prescription du médecin coordonnateur pour une meilleure prise en charge médicale des résidents des EHPAD :

« C’est par exemple le cas pour les questions liées à l’organisation des soins au sein des EHPAD. Le médecin coordonnateur joue un rôle majeur dans sa mise en place en lien avec l’infirmière coordinatrice. Or un nombre croissant d’établissements ne sont pas en mesure de disposer du temps souhaité de médecin coordonnateur. Lorsqu’il est néanmoins présent celui-ci voit ses capacités d’intervention limitées par la compétence du médecin traitant libéral. […]

Or l’effet combiné de l’augmentation du niveau de besoin de soins des résidents en Ehpad d’un côté et les problèmes de démographie médicale de l’autre, conduit à des situations d’organisation des soins très insatisfai- santes. La capacité à organiser la prise en charge soignante est limitée lorsqu’un grand nombre de médecins libéraux sont attachés à l’établissement par exemple en zone urbaine, ceci même lorsque le médecin coordonnateur peut faire valoir des compétences avancées en matière de gérontologie et que l’établissement est lui- même associé d’une façon ou d’une autre à une filière gérontologique. Mais cette capacité est encore plus compliquée à exercer lorsque les médecins traitants nombreux ou pas suivant les territoires disposent eux même de très peu de temps pour leurs patients, limitent leurs déplacements sur place, ne peuvent coordonner leurs passages avec les temps de présence de l’infirmière coordinatrice, rechignent à utiliser les outils numériques de l’établissement. […] »

Puisque « les mesures qui permettront de renforcer le rôle du coordonnateur dans la prise en charge médicale des résidents, notamment sa capacité à prescrire, sont clairement de nature à faciliter l’organisation interne des EHPAD et améliorer l’accompagnement des résidents », pourquoi ne sont-elles pas déjà prises ? Quels sont les points de blocage ? Les directions d’EHPAD, les médecins coordonnateurs, les résidents et leurs proches sont en droit de se demander pourquoi ces mesures relevant du bon sens ne sont pas encore prises et combien de temps il faudra encore attendre pour que les autorités de santé se décident enfin à les prendre.

Marc Pérez – www.hdoc.fr

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