Agnès Buzyn
Grèves, pétitions, Ehpad pointés du doigt par les médias… L’année 2018 aura été marquée par une gronde continue dans le monde médico-social. Elle s’achève, pour le gouvernement, par l’étude des propositions de la « grande concertation nationale » lancée le 1er octobre dernier. Objectif annoncé pour janvier 2019 : identifier des solutions concrètes pour mener une « réforme ambitieuse ». Effet d’annonce ? Coup de communication ? Ou enfin une réelle prise en main des problématiques liées au grand âge ? Les réponses d’Agnès Buzyn, ministre des Solidarités et de la Santé.
Il existe pléthore de rapports sur les problématiques du grand âge. Que va apporter de plus cette consultation ?
Agnès Buzyn : Nous capitalisons bien sûr sur les rapports existants mais beaucoup de productions récentes sont trop circonscrites.
La concertation que j’ai lancée le 1er octobre dernier s’inscrit dans un champ plus large, pour traiter le sujet dans sa globalité. J’entends redonner un nouveau souffle à la politique du grand âge et de l’autonomie et moderniser notre système de prise en charge de la dépendance.
Il nous faut repenser tout à la fois : l’accompagne- ment, le parcours de soins, le financement et la considération que nous devons à nos aînés ainsi qu’aux professionnels et aux aidants.
L’utilisation de la plateforme Make.org peut faire craindre à un « coup de communication », la limite d’expression sur 140 signes ne permettant pas d’aborder pleinement une problématique…
}A. B. : La limitation du nombre de caractères sur make.org est une vraie garantie pour assurer une participation massive des Français, notamment celle des plus jeunes. Son efficacité a été prouvée lors des tests utilisateurs.
Les propositions sont donc courtes mais elles doivent aussi débuter par « il faut », ce qui permet de limiter le nombre d’idées multiples et d’en faire une proposition concrète.
Comment ces messages courts vont-ils être exploités ?
}A. B. : Une fois recueillies, ces propositions seront analysées et regroupées par sous-thèmes pour identifier celles à consensus fort, dans lesquelles l’action a toutes les chances de réussir. Nous identifierons les sujets de controverse et les idées à repousser. La hiérarchisation de ces propositions nourrira à terme notre réflexion sur la future ré- forme.
La concertation porte sur 10 sujets et implique un grand nombre d’acteurs, y compris les citoyens. Comment éviter de déboucher sur une liste à la Prévert ?
A. B. : La priorisation est au cœur des feuilles de route fixées à l’ensemble des instances de la concertation, qu’il s’agisse des forums dans les régions, des focus groupes ou encore sur make. org… La plateforme a été conçue pour identifier les propositions recueillant le plus de votes et d’engagements. Au-delà, ce travail de priorisation est réalisé par les spécialistes qui composent les 10 ateliers thématiques et dans un second temps par le conseil d’orientation.
Le terme « ambitieux » revient souvent quand vous évoquez le plan Grand âge et autonomie à venir. A ce jour, quels sont les scénarios de répartition financière qui vous semblent à la fois ambitieux et réalistes pour un 5e risque pérenne ?
}A. B. : Il est très prématuré de répondre à cette question. Nous venons de lancer nos travaux. Nous pouvons et nous devons aujourd’hui être ambitieux pour transformer en profondeur la reconnaissance et la prise en charge de la perte d’autonomie. Cette réforme nous permettra d’accompagner demain les personnes âgées dans une société plus inclusive et plus solidaire.
Dans le numéro 49 d’Ehpad Mag, vous annonciez saisir le Haut Conseil de la Famille, de l’Enfance et de l’Âge et le Haut Conseil pour l’Avenir de l’Assurance Maladie. Objectif : dé- terminer les besoins de prise en charge médico-sociale et sanitaire des personnes âgées jusqu’en 2030. Quelles sont les conclusions de ces travaux ?
A. B. : Le Haut Conseil de la Famille, de l’Enfance et de l’Âge et le Haut Conseil pour l’Avenir de l’Assurance Maladie ont été saisis le 13 octobre 2017 et ont mené leurs travaux d’analyse et de synthèse. Leur rapport conjoint sera remis très prochaine- ment afin de contribuer aux réflexions de la concertation nationale sur le grand âge et l’autonomie.
Quid de la réforme de la tarification ?
A. B. : Les effets de la réforme des tarifs Soins et Dépendance des EHPAD seront neutralisés afin que tous les établissements puissent maintenir leur niveau de dotations grâce à l’ajout, en 2019, de 18 millions d’euros supplémentaires au 29 millions d’euros déjà dégagés en 2018. Le nombre de soignants auprès des résidents sera également renforcé grâce à l’accélération de la convergence tarifaire des forfaits soins des EHPAD, réalisée sur 5 ans au lieu de 7 ans, comme le prévoyait initialement la réforme.
Quels sont les efforts financiers consentis par le gouvernement à très court terme ?
}A. B. : En 2018, nous avons déjà consacré 10 millions d’euros au déploiement des astreintes infirmières de nuit mutualisées en Ehpad. Nous continuerons cet effort en 2019 afin de généraliser progressivement ce dispositif.
Le contexte économique et les finances sociales offrent des perspectives nouvelles qui permettent d’envisager ce qui ne l’était pas, il y a quelques années.
Interview réalisée par Laura K