L’Association européenne de musique à l’hôpital (AEMH) développe depuis dix ans des projets musicaux en établissement de soins mais aussi en Ehpad. L’occasion de rencontres riches en émotions entre résidents et artistes titulaires du Diplôme universitaire de musicien intervenant en milieu de la santé.
Depuis un an, deux artistes comédiennes et musiciennes interviennent deux fois par mois pendant deux heures au sein de l’Ehpad Notre Dame-Saint Joseph, dont les locaux sont situés à Oberbronn et à Niederbronn (Alsace). « Elles arrivent avec un sac à dos rempli d’instruments de musique – pipeau, flûte, ukulélé etc. – ou d’objets hétéroclites qu’elles ont transformés en instruments de musique, explique Eric Becker, Directeur de l’Ehpad. Elles toquent doucement à la porte des chambres des résidents alités que nous leur avons indiquées, s’installent puis commencent à chanter et à jouer de leurs instruments dans la subtilité et la délicatesse. Elles s’adaptent à leur public : si la personne âgée est une ancienne religieuse, elles se lancent dans un Ave Maria, par exemple. Récemment, une résidente ukrainienne qui ne peut plus s’exprimer depuis son AVC, a été émue jusqu’aux larmes en les entendant chanter en russe, sa langue d’origine. » Les deux artistes sont en effet capables de chanter en plusieurs langues, afin de procurer aux personnes âgées des moments d’émotion et de nostalgie. « Et le charme opère, les émotions ressortent, constate Eric Becker. Même les soignants parfois présents dans la chambre en ont la chair de poule »
Musiciens intervenants en santé
Les deux jeunes femmes ont été recommandées à l’Ehpad par l’Association européenne de musique à l’hôpital (AEMH) qui, actuellement, regroupe une quinzaine d’artistes, qu’ils soient musiciens (violonistes, guitaristes, contrebassistes, violoncellistes, accordéonistes etc.), chanteurs, voire marionnettistes. Depuis 2004, ils interviennent en établissement de soins mais aussi en Ehpad, essentiellement en Alsace où l’association a été créée. Chacun a un univers (jazz, blues, folk, contemporain etc.), une créativité et une sensibilité qui lui sont propres. « Souvent diplômés du Conservatoire, ils ont tous un niveau musical de qualité, souligne Stéphanie Duhoux, administratrice de l’association. Ils ont par ailleurs la spécificité d’être formés et titulaires du Diplôme universitaire de musicien intervenant en milieu de la santé (DUMIMS). Ils ont donc une formation spécifique dans le cadre de laquelle on leur a appris à communiquer avec les résidents, à prendre en compte les règles de fonctionnement de l’établissement sanitaire ou médico-social ainsi que les règles de sécurité, d’hygiène, de confidentialité qui s’y appliquent. Ils ont par ailleurs un répertoire très divers en matière de musique classique ou d’opéra, de chansons anciennes, de Georges Brassens ou d’Edith Piaf par exemple, de comptines… mais aussi de musiques de monde, pour les résidents de nationalité étrangère. Dans les unités Alzheimer, les chansons fredonnées dans la langue maternelle des personnes ont un impact beaucoup plus puissant. Certains résidents sont très touchés, d’autres prennent même l’initiative de fredonner avec les artistes. »
Par ailleurs, ces derniers disposent d’instruments adaptés aux différents profils de résidents. Ainsi, des instruments aux sons très aigus permettent aux personnes âgées atteintes de surdité sévère de stimuler leur ouïe et de se reconnecter quelque peu à leur environnement. « Nous vérifions régulièrement auprès des familles, des résidents et des soignants quel est l’impact de nos artistes en Ehpad, précise Stéphanie Duhoux. Résultat : les soignants constatent que, même si les musiciens ne sont pas musicothérapeutes et n’interviennent pas dans un but thérapeutique, leur venue permet d’améliorer la qualité du soin. Les résidents sont beaucoup plus ouverts et détendus lorsqu’il s’agit de prendre leurs médicaments. Ils se laissent porter plus facilement et ont un contact plus facile avec les soignants. Les familles, elles, apprécient de pouvoir profiter d’un moment de partage avec leur proche au-delà du soin, de la maladie et de la fragilité de la personne âgée. »
Financements publics-privés
« Le coût d’une heure d’intervention musicale est de 65 euros TTC », précise Stéphanie Duhoux. Un budget conséquent pour des structures telles que des Ehpad. De fait, pour la venue de deux artistes, l’Ehpad Notre Dame-Saint Joseph a déboursé 12 500 euros en 2014 : une partie a été financée sur ses fonds propres, l’autre grâce à une aide d’une association locale de bénévoles qui subventionne diverses activités. Pour 2015, l’Ehpad cherche de nouveaux financements pour ce projet qui « fait ressortir la joie de vivre auprès des résidents », explique Eric Becker.
Afin de soutenir les établissements dans ce type de démarche, l’AEMH propose un accompagnement personnalisé et gratuit. « Nous essayons, dans la mesure du possible, de nous caler sur leurs possibilités en termes de financement et de recherche de financement, souligne l’administratrice de l’association. Nous analysons avec eux leur situation financière et ce qu’il est possible de faire au sein de leurs locaux. Nous leur conseillons également de fonctionner au maximum en réseau, c’est-à-dire avec d’autres établissements médico-sociaux, et de mutualiser leurs demandes d’aides financières. » Auprès de qui ? « Cela dépend des régions, détaille Stéphanie Duhoux. En général, les Agences régionales de santé (ARS) ne financent pas ce type de projet en Ehpad. En revanche, les Direction régionales des affaires culturelles (Drac), en tout cas celle d’Alsace, oui. Les Conseils généraux, malgré les difficultés qui sont les leurs, soutiennent également certains projets. » Aux côtés des pouvoirs publics, restent les mécènes qui, via des appels à projets ou des enveloppes spécifiques, participent au financement de telles animations. L’AEMH possède d’ailleurs une liste de partenaires potentiels. Et une expertise. « Si des établissements, situés en Alsace ou dans une autre région de France, nous contactent, nous sommes à mêmes de les accompagner et de les aider à concevoir leur projet de musique en Ehpad, même s’ils ne font pas appel à nos artistes, assure l’administratrice. Nous sommes une association et notre intérêt est que le maximum de personnes bénéficient de ce type d’animation. »
Nathalie Ratel
Association européenne pour la musique à l’hôpital (AEMH)
68 Faubourg National – 67000 Strasbourg
Tél. : 06.03.15.99.60 (Stéphanie Duhoux, administratrice de l’association).
Site Internet : www.aemh.eu
Page Facebook : Association européenne pour la musique à l’hôpital.