Le 21 septembre prochain coïncidera avec la 21e édition de la Journée mondiale de lutte contre la maladie d’Alzheimer, laquelle touche près de 800 000 personnes en France et plus de 35 millions de personnes dans le monde, selon l’Organisation mondiale de la santé (OMS).
À cette occasion, Ehpad Mag fait le point sur les différents types de prise en charge en établissement, exemples français et étrangers à l’appui. Dossier réalisé par Nathalie Ratel
À l’heure actuelle, la maladie d’Alzheimer est une pathologie dont on ne guérit pas. Pour autant, cela ne signifie pas qu’il ne faille rien faire, bien au contraire. C’est pourquoi, en complément des modes de prise en charge médicale, se sont développés des modes de prise en charge non médicamenteuse visant à préserver le plus longtemps possible les capacités restantes et, ainsi, à améliorer la qualité de vie des personnes malades. De fait, plusieurs démarches d’accompagnement existent aujourd’hui, applicables en Ehpad. Certaines, comme l’approche Montessori, visent à encourager la personne à puiser dans ses ressources pour s’adapter et résoudre les difficultés auxquelles elle est à confronter et ainsi, à considérer la personne dans son ensemble pour appréhender la totalité de ses besoins, qu’ils soient physiques, spirituels, esthétiques, cognitifs, émotionnels ou sociaux. Certaines, plus humanistes, visent à réhabiliter la personne dans sa dignité et dans ce qu’elle a de typiquement humain mais aussi à améliorer ses relations avec les soignants : c’est le cas de l’approche Humanitude. D’autres encore sont plus expérientielles, comme l’approche Snoezelen, l’art-thérapie (musicothérapie, dramathérapie, etc), la zoothérapie ou l’aromathérapie.
Aucune recette miracle
« Il n’y a pas de bonne ou de mauvaise approche : il y a seulement des approches qui diffèrent les unes des autres mais aucune d’entre elles n’est efficacement applicable à l’ensemble des personnes atteintes de la maladie d’Alzheimer, souligne Kevin Charras, responsable du pôle Interventions psychosociales au sein de la Fondation Médéric Alzheimer. Il n’existe aucune recette grâce à laquelle toutes les personnes malades pourraient être accompagnées au mieux. A titre d’exemple, on peut recourir à la stimulation cognitive, à la thérapie par réminiscence et aux groupes de parole. » La raison est simple : il n’y a pas de progression modélisable et uniforme de la maladie d’Alzheimer, laquelle évolue de manière différente d’une personne à l’autre. En outre, chacun a un vécu et des goûts différents, ce qui implique par exemple qu’une personne n’ayant jamais eu d’appétence pour la musique sera peut-être peu réceptive à la musicothérapie, mais pourra l’être au dessin, à la lecture ou encore aux activités de la vie quotidienne comme le ménage et la cuisine. D’où la nécessité, pour les équipes des Ehpad, d’individualiser, de personnaliser l’accompagnement de chaque résident en fonction de la progression de sa maladie, de sa personnalité, de ses particularités.
Une approche personnalisée
« De nombreux professionnels, y compris en maison de retraite médicalisée, se fondent sur l’identité, l’histoire de vie, l’attachement à l’environnement physique et social, les évolutions des préférences tout au long de sa vie de la personne, note ainsi Kevin Charras. C’est important car c’est la personne avant tout et non la maladie qui doit être prise en considération, la maladie n’étant que l’une des caractéristiques de la personne, un incident de la vie. » Cet état des lieux de la personne, si on peut le nommer ainsi, permet ensuite aux professionnels d’adopter les modes d’accompagnement adéquats en fonction des indices qu’ils ont récolté, de ce qu’ils ont perçu de la personne ou de ce qu’ils ont appris de sa famille par exemple. Et ce, sans oublier de prendre compte ce que la personne est encore capable de faire ou non, soit à cause de la maladie, soit à cause de l’accompagnement qui lui a été proposé auparavant.
En effet, « les proches comme les professionnels ont parfois tendance à tout faire à la place de la personne, au risque d’induire un certain nombre de troubles et de déficiences en ne la laissant plus faire les choses elle-même », alerte le responsable de la Fondation Médéric Alzheimer. Cela peut donc aussi être le cas en Ehpad. « Certes, l’Ehpad dispose d’un cadre institutionnel et organisationnel qui fixe un certain nombre de règles destinées à assurer les repas, les toilettes, les soins, la sécurité des résidents, souligne Kevin Charras. Du fait de ces règles, les résidents atteints de la maladie d’Alzheimer sont parfois incités à s’asseoir ou s’allonger pour éviter les déambulations, les accidents ou les chutes. Mais du même coup, ces résidents risquent de perdre peu à peu leur capacité de marche. »
Recréer un domicile
Reste ensuite à travailler sur l’environnement de la personne et le cadre dans lequel les personnes pourront exprimer au mieux leur potentiel. Le cadre idéal étant celui – familier et rassurant – du domicile. « Pour une personne désorientée, le domicile constitue le repère principal pour l’orienter dans sa vie quotidienne, rappelle l’expert du pôle Interventions psychosociales de Médéric Alzheimer. Il est évidemment impossible de reproduire le lieu de vie de chaque personne dans chaque institution. Cela implique donc une certaine réflexion à la fois organisationnelle et architecturale sur la façon d’en reproduire les conditions en Ehpad, pour savoir comment utiliser au mieux les ressources et les espaces disponibles. » Certains établissements ont ainsi créé des unités spécifiques de prise en charge décorées et aménagées avec ou sans l’aide des résidents et des familles, dans le but de recréer un coin cuisine et un coin salon-salle à manger. Les résidents malades y disposent en outre d’une certaine autonomie leur permettant de conserver ou de reprendre leurs habitudes, comme mettre la table ou se servir un café le matin sans attendre qu’un membre du personnel de l’établissement vienne le leur porter.
« Cela ne convient pas, bien entendu, à toutes les personnes : cela dépend aussi du degré de sévérité de leur pathologie. Cela peut toutefois permettre à certaines personnes de voir un certain nombre de réflexes revenir assez rapidement », détaille Kevin Charras. Et de déterminer plus finement les réels besoins des personnes en terme d’accompagnement : la stimulation cognitive pour les personnes ayant besoin d’aide pour raisonner au quotidien ou encore la mise en place de petits aides-mémoires pour celles ayant besoin d’aide aux tâches quotidiennes comme s’habiller (en ce cas, une petite affichette de couleur placée à côté de la penderie, par exemple, peut leur rappeler de commencer par choisir des sous-vêtements puis des vêtements en fonction de la météo).
La Fondation Médéric Alzheimer reconnue d’utilité publique
La Fondation Médéric Alzheimer est une fondation reconnue d’utilité publique entièrement consacrée à la maladie d’Alzheimer. Elle a été créée en 1999 par le groupe Médéric, devenu Malakoff-Médéric, l’un des principaux groupes français de protection sociale.
Son but principal est de promouvoir toute étude, initiative ou réalisation destinée à améliorer l’accompagnement et la qualité de vie des personnes atteintes de la maladie d’Alzheimer comme de leurs aidants familiaux et professionnels. Dans cette perspective, la Fondation encourage la recherche, soutient les initiatives pertinentes et innovantes en proposant une aide financière et un accompagnement aux acteurs de terrain, intervient dans les structures pour observer et proposer des solutions de prise en charge (via le programme Eval’zheimer©), réalise ou commande des études permettant d’améliorer la connaissance et l’évaluation des dispositifs et pratiques d’accompagnement existants ainsi que leurs évolutions potentielles. Elle s’est également dotée d’un observatoire national et international de la maladie d’Alzheimer et des maladies apparentées – un centre ressource d’expertise et de prospective – et coopère avec tout organisme ou administration menant en France ou à l’étranger des actions similaires ou complémentaires aux siennes.
Quelques idées pour s’autoévaluer et s’adapter
– S’assurer que les équipes sont sensibilisées aux troubles propres à la maladie d’Alzheimer et aux maladies apparentées (troubles affectifs, émotionnels, cognitifs, neurologiques etc.), à la différence entre ces troubles et ceux liés à un environnement ou une situation pouvant apparaître comme anxiogène, aux bonnes manières d’interagir avec les personnes malades.
– Veiller à ce que le personnel de chaque service (soin, restauration, comptabilité etc.) comprenne les enjeux liés à la maladie, l’accompagnement mais aussi les besoins qu’elle implique (recrutement de professionnels spécifiques, organisation de repas partagés entre les professionnels et les résidents malades etc.).
– Faire le point sur l’organisation du travail des équipes, détailler aux membres de ces équipes les tenants et les aboutissants de la démarche de changement dans laquelle l’établissement se situe.
À quand le futur Plan maladies neurodégénératives ?
Après trois Plans Alzheimer successifs, le dernier s’étant achevé en 2012, la ministre de la Santé Marisol Touraine avait annoncé, le 21 septembre 2013, le lancement de travaux en vue de l’élaboration d’un Plan maladies neurodégénératives incluant la maladie d’Alzheimer. Celui-ci est censé voir le jour dans le courant de l’année 2014. Son objectif : améliorer le diagnostic, la prise en charge précoce des affections et l’entrée dans la maladie ; répondre aux besoins des personnes à chaque étape de la maladie et sur tous les territoires ; adapter la société et accompagner l’évolution des pratiques dans une démarche respectueuse d’éthique, de qualité et de bientraitance ; enfin, développer et structurer la recherche.
Pour mémoire, le dernier Plan Alzheimer (2008-2012) avait, à l’époque, été jugé ambitieux par les professionnels et les associations de familles de malades. 1,6 milliard d’euros sur cinq ans avaient été alloués au financement de 47 mesures portant sur trois grandes priorités : approfondir les connaissances sur la maladie, améliorer la qualité de vie des personnes atteintes d’Alzheimer en France ainsi que celle de leurs proches aidants. Seul bémol : sur les 1,2 milliards d’euros prévus pour le volet médico-social du Plan, seule la moitié a été dépensée.
Egalement au sommaire du dossier
– Interview de Marie-Odile Desana, présidente de France Alzheimer
– Un œil sur l’étranger : l’exemple de la Belgique