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La convention officine-EHPAD : c’est dans la boîte Coeur de métier

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Les conventions conclues entre les pharmaciens d’officine et les établissements d’hébergement de personnes âgées dépendantes (EHPAD) ayant pour objet la préparation des doses à administrer (PDA) sont de plus en plus usitées et ce n’est pas sans poser un certain nombre de questions.

Il s’agit d’un contrat par lequel l’EHPAD (non doté de pharmacie intérieure) confie au pharmacien la mission de reconditionner à l’avance les médicaments prescrits aux résidents dans des piluliers nominatifs. Le pharmacien livre à l’EHPAD des piluliers individualisés pour chaque résident en fonction des prescriptions médicales.

L’objectif est de palier notamment la non-identification des patients sur les boîtes de médicaments et d’assurer un meilleur suivi de leur administration par le personnel soignant.

La PDA constitue un enjeu économique important pour les pharmaciens. Face à cet enjeu, certaines officines se sont dotées d’équipements de dernière génération pour augmenter l’efficacité de la mise en boîte des médicaments dans les piluliers et sécuriser davantage leur traçabilité.

Le Tribunal administratif de Bordeaux a été saisi de la question de la licéité de ces conventions au regard d’une part, des prérogatives des pharmaciens et d’autre part, au regard des dispositions relatives aux autorisations de mise sur le marché des médicaments (AMM).

  1. La licéité des conventions PDA au regard des prérogatives des pharmaciens.

Plusieurs réponses ministérielles avaient exclu la PDA pour les pharmaciens au regard des prérogatives dévolues par la loi :

« la réglementation interdit, pour des raisons de sécurité sanitaire, aux pharmaciens d’officine de ” déconditionner ” les présentations » [1].

« La mise en piluliers journaliers ou hebdomadaires des médicaments est destinée à faciliter la prise de médicaments par les personnes âgées. Elle nécessite de déconditionner les spécialités pharmaceutiques et de les reconditionner dans un pilulier ou un semainier. Cette activité ne fait pas partie des activités de la pharmacie d’officine, telles que définies par le code de la santé publique » [2].

Le Tribunal administratif de Bordeaux n’exclut pas une telle mission en jugeant que :

« La préparation des médicaments en piluliers ou ‘’blisters‘’ nominatifs selon les schémas posologiques afin de sécuriser la distribution et faciliter l’administration du soin, qui implique seulement le changement de conditionnement du médicament dans le respect des règles sanitaires et non le déconditionnement du médicament pour l’incorporer à une préparation magistrale, entre dans le champ des activités que les pharmaciens d’officine peuvent exercer en application des articles L.4211-1 et L.5231-8 précités du code de la santé publique » [3].

En conclusion, un pharmacien d’officine est autorisé à mettre en œuvre la PDA.

  1.  La PDA ne nécessite pas de nouvelle autorisation de mise sur le marché.

La question de la licéité de la PDA se trouvait également poser au regard des autorisations de mise sur le marché.

La Cour d’appel de Rouen avait en effet jugé que le déconditionnement des médicaments et le reconditionnement – soit le principe même de la PDA – nécessitait une nouvelle autorisation de mise sur le marché :

« Le conditionnement primaire fait donc partie intégrante de l’autorisation de mise sur le marché et le maintien de son intégrité jusqu’à l’administration au patient a vocation à donner des garanties tant sur l’identité du produit et sur l’absence de falsification que sur la bonne conservation des substances thérapeutiques. Le caractère indissociable du médicament et de son conditionnement est encore affirmé par l’article L.5111-2 du code de la santé publique qui définit la spécialité pharmaceutique notamment par sa présentation sous un conditionnement particulier. Si le déconditionnement du produit peut ne pas suffire à modifier le statut de la spécialité, son reconditionnement a nécessairement cette conséquence totalement incompatible avec l’exigence d’autorisation de mise sur le marché préalable à toute distribution ou commercialisation » [4].

Pour le Tribunal administratif de Bordeaux, il n’en est rien. A la lumière de la directive du 6 novembre 2001, la PDA ne nécessite pas de nouvelle autorisation de mise sur le marché dès lors qu’elle implique uniquement un changement de conditionnement :

« La préparation de médicaments en piluliers par un pharmacien d’officine à destination de pensionnaires de maisons de retraite, dans le respect des prescriptions médicales et des règles sanitaires, qui implique seulement le changement de conditionnement des médicaments, n’est contraire à aucune règle de droit ou principe juridique. Par suite, le contrat par lequel un établissement d’hébergement pour personnes âgées et dépendantes confie une telle mission à une pharmacie d’officine ne présente pas un caractère illicite » [5].

Et le Conseil National de l’Ordre des Pharmaciens de rappeler que la PDA ne doit pas remettre en cause la garantie du libre choix du pharmacien par le patient, le bon suivi des traitements et la traçabilité des médicaments délivrés : « que le respect du libre choix du pharmacien par le malade, principe fondamental de notre législation sanitaire inscrit à l’article L 1110-8 du code de la santé publique, nécessite la manifestation expresse du consentement du patient et s’impose aux pharmaciens eux-mêmes » [6].

La mise en œuvre de la PDA ne doit pas faire obstacle à ce droit.

En pratique, il appartient à l’EPHAD de remettre à chaque résident et membres de leur entourage, une fiche d’information sur la préparation et la distribution des médicaments dans laquelle est expliquée la PDA. Il appartient alors au patient de donner son accord sur la PDA ou d’y renoncer, auquel cas, il devra se charger lui-même de la fourniture des médicaments. Néanmoins, les médicaments sont remis au personnel de soin qui se chargera de leur administration.

Il appartient également aux pharmaciens de mettre à disposition toutes les notices des médicaments distribués dans un classeur qu’ils transmettent à l’EHPAD dans un souci de clarté et de sécurité.

Le Conseil National de l’Ordre des Pharmaciens, estime que l’ouverture de cette pratique aux pharmaciens d’officine ne peut être qu’« éventuelle, non systématique et non généralisée » [7].

Si la question du choix du patient semble en pratique facilement mise en œuvre, il n’en reste pas moins que la jurisprudence ne s’est pas encore prononcée sur la question de la généralisation et du recours systématique à la PDA.

Mais compte tenu des forts enjeux économiques, une réponse pourrait être espérée rapidement.

 

Mathilde PERALDI, Avocat au Barreau de Clermont-Ferrand

 

Notes :

[1] Question écrite n° 1683 publiée au JO du Sénat le 1er août 2002, Réponse ministérielle publiée au JO du Sénat le 24 octobre 2002.

[2] Questions écrites n° 112522 et n° 1146949, publiées au JOAN du 12 décembre 2006, Réponse ministérielle publiée au JOAN, le 19 juin 2007.

[3] TA Bordeaux, 5 novembre 2014, n°1201353.

[4] Cour d’appel de Rouen, 29 mai 2008, n° 07/00580.

[5] TA Bordeaux, 5 novembre 2014, n°1201353.

[6] Décision CNOP Bertin, 30 juin 2008.

[7] Décision CNOP, 6 mars 2006.

 

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