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Double mission, deux fois plus de passion ? Reportage

Si vieillir est une source d’inquiétude, cela l’est d’autant plus pour les parents d’enfants handicapés qui, pour beaucoup, il y a encore vingt ans, ne pensaient pas que leur enfant leur survivrait. Ils craignent que leur avancée en âge les empêche de jouer leur rôle d’aidant. Pour répondre à cette problématique, la Résidence La Poterie à Chartres-de-Bretagne, en Ille-et-Vilaine, comporte un foyer de vie pour personnes déficientes intellectuelles et leurs parents âgés. Malgré les difficultés rencontrées et sa directrice, Fanny Coudray, est extrêmement fière de porter ce projet.

C’est à l’occasion de l’extension de la Résidence La Poterie qu’en 2006, la directrice de l’époque crée un foyer de vie pour accueillir des personnes déficientes mentales et leurs parents âgés. Douze chambres sont alors aménagées dans les combles de l’établissement dont six sont destinées aux « enfants » adultes handicapés. Toutefois, le projet d’accueil conjoint ne rencontre pas vraiment le succès escompté. « Quand je suis arrivée en 2008, il n’y avait pas de liste d’attente et peu de gens étaient au courant de la particularité de la Résidence », raconte l’actuelle directrice, Fanny Coudray, qui a très vite lancé une campagne de communication dans la région. Malgré tout, l’établissement tient à conserver cette spécificité car elle est rare et donc précieuse.

Un temps d’adaptation

Si, aujourd’hui, l’équipe est ravie du projet, les choses n’ont pas toujours été simples au départ. Car certaines personnes âgées ont eu un comportement agressif envers les personnes handicapées, refusant notamment de participer aux activités en commun proposées aux résidents. « Il a fallu travailler en groupe de parole avec la psychologue et évoquer, au quotidien, la notion de respect des différences », se souvient la directrice. 

Quant aux professionnels, eux aussi ont dû apprendre à trouver leur place et redéfinir leur rôle face à l’expérience parfois déroutante de l’accueil conjoint. « L’idée n’est pas que le parent se sente privé de l’accompagnement de son enfant. Il s’agit pour le professionnel, notamment lors de l’arrivée dans l’établissement, de garder la bonne distance dans l’accompagnement quotidien entre ce qui est laissé à la charge du parent (choix des vêtements le matin, rangement du linge etc.) et l’accompagnement assuré par le personnel. La relation souvent fusionnelle entre parent et enfant nécessite un temps d’adaptation et de prise de repères dans l’établissement. Avec le temps, on travaille sur le passage de relais entre le parent et l’équipe. »

De belles aventures

De la particularité de la structure sont en tout cas nées de belles aventures humaines. Ainsi, un père qui avait toujours vécu avec son fils handicapé a, par exemple, gagné en liberté : « Il peut aller faire ce qu’il a à faire l’esprit tranquille car il sait que pendant ce temps-là, son enfant vaque à ses propres activités ». De même, une femme handicapée de 50 ans, qui a perdu sa mère un an après leur arrivée à La Poterie, a réalisé, au contact de la communauté, de véritables progrès en termes de sociabilité et de langage.

Au-delà de tous ces atouts humains, le projet est également viable économiquement grâce à la mutualisation de certains postes comme la garde de nuit ou la restauration. Aujourd’hui encore, malgré les demandes au compte-gouttes, les parents âgés de personnes handicapées restent donc prioritaires. Actuellement, la directrice reçoit de nouveau des demandes d’inscription d’accueil conjoint… et réfléchit même à l’ouverture de nouvelles places.

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