Individuelle ou collective, nécessitant plus ou moins de ressources (humaines, financières, matérielles etc.), récurrente ou exceptionnelle, dans l’établissement ou en sortie, avec ou sans les familles, créative, intellectuelle, physique… : le panel des animations possibles en Ehpad est vaste. Chaque établissement a d’ailleurs sa propre culture en la matière. À chacun de trouver son identité dans ce domaine.
Trouver sa propre identité dans le domaine de l’animation nécessite de bien connaître son établissement et ses équipes mais surtout ses résidents. L’animation remplit un certain nombre de fonctions auprès d’eux. En Ehpad, elle a pour but de contenir le vieillissement mais aussi le déracinement de la personne. En effet, celle-ci a quitté son domicile et son environnement familier. Elle ressent donc souvent un sentiment d’abandon. C’est pourquoi il est primordial qu’elle retrouve des repères et un intérêt à la vie dans ce nouveau lieu : à cet égard, l’animation peut en être un outil fort. Plus encore, celle-ci peut permettre de contenir l’inévitable vieillissement des rôles sociaux de la personne, voire leur disparition comme l’explique Geneviève Zehnder, éducatrice de formation et formatrice, dans l’ouvrage « L’animation avec des personnes âgées dépendantes – Activités, culture et lien social » (éditions ERES) : « Il convient de proposer des activités qui aient un sens. Elles peuvent permettre une réhabilitation des rôles sociaux. » Et de rappeler les trois objectifs principaux vers lesquels doit tendre l’animation : « Le maintien de l’exercice de rôles traditionnels (…) ; la découverte de nouveaux rôles par le biais d’activités créatives (…) qui favorisent de nouveaux contacts, de nouveaux échanges et qui permettent à la personne âgée d’exprimer sa personnalité (…) ; la transmission de leur culture par les personnes âgées (…) qui redonne de la valeur à l’individu et du sens à son histoire. »
Porter un vrai projet d’animation
Pour autant, il convient de veiller à ne pas faire de l’animation une sorte de catalogue d’activités diverses, certes à première vue alléchantes pour les futurs résidents et leur famille mais qui n’ont pour unique but que d’occuper les temps morts de la vie des résidents. L’animation doit au contraire s’inscrire dans une véritable démarche et s’accompagner d’un projet construit. Ainsi, dans un dossier Solidarité et Santé de la Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (Drees), intitulé « L’animation dans les établissements d’hébergement de personnes âgées », l’auteur, Martine Eenschooten, rappelle que « les activités pratiquées par les résidents dans les établissements ont longtemps été occupationnelles. Dans la période actuelle, les établissements font évoluer ces activités vers un but à la fois récréatif et thérapeutique (…). Offrir un meilleur cadre de vie à la personne, favoriser son insertion dans le groupe par la communication, maintenir la participation de la personne à des activités qu’elle souhaite et prévenir la perte de capacités, tels sont de plus en plus les objectifs d’une animation destinée à des résidents dont le périmètre d’action se réduit en raison de l’augmentation de leur dépendance. »
Soin ou animation : une frontière ténue
Ce point de vue, qui introduit la notion de thérapeutique, est nuancé par le sociologue Richard Vercauteren pour qui soin et animation répondent l’un et l’autre à des besoins bien spécifiques de la personne accueillie en établissement : « On parle d’animation sociale, ce qui est totalement différent du soin médical et paramédical. Certes, celui-ci apporte du bien-être à la personne mais il relève plus de protocoles, d’obligations, de nécessités quand l’animation sociale relève des attentes des résidents. Il y a eu une grande confusion dans les années quatre-vingt et quatre-vingt-dix à travers la redéfinition de ce qu’est le soin. Or, l’animation, ce n’est pas seulement prendre soin de la personne, c’est bien plus complexe : c’est l’accompagner dans ses demandes sociales. »
Ainsi donc le soin et l’animation, s’ils se complètent, ne doivent en aucun cas se substituer l’un à l’autre : « Que les soignants et les médecins s’intéressent à l’animation – de la même manière, d’ailleurs, que les animateurs devraient s’intéresser au soin – est une évidence. Mais s’intéresser à ne signifie pas faire à la place de, avertit Richard Vercauteren. C’est en terme de coopération que le soin doit se rendre complémentaire de l’animation sociale, chacun contribuant, avec des finalités différentes, à réintégrer la personne dans la société. »
Une autre fonction de l’animation : la transmission de souvenirs
Depuis 2012, la compagnie de théâtre Atelier Marcadet, emmenée par sa Directrice artistique Emilie Leconte, propose aux établissements accueillant des personnes âgées la mise en place d’un projet d’animation pour le moins innovant : sur la base exclusive du volontariat, Emilie Leconte part à la rencontre d’une douzaine de résidents et recueille, au cours d’un entretien d’une heure environ, leurs souvenirs d’antan : « Mon but est vraiment d’écrire un théâtre témoignage, explique-t-elle. Les volontaires que j’ai rencontrés ont été très spontanés et ont aimé se confier. Tout s’est passé de manière très libre. On sent une envie et même un besoin de parler très forts chez ces personnes : il y a une avidité de parole. J’ai entendu des histoires très belles mais aussi très douloureuses que certains n’avaient même parfois jamais racontées à quiconque. » Leconte retranscrit ensuite ces confidences pour en faire des « Murmures amoureux » avant qu’ils ne soient joués par des comédiens au sein de l’établissement, devant les résidents, de manière anonyme mais authentique : « J’ai tenu à retranscrire de manière exacte leurs propos pour rester dans leur parole d’origine : rien n’a été inventé et j’ai mis un point d’honneur à faire preuve de fidélité à l’égard de leur histoire ». Un spectacle sur mesure, chaque fois nouveau et différent et qui a d’ores et déjà rencontré un beau succès comme le confirme l’intéressée : « Je pense que, pour les résidents, cette expérience est très valorisante. Quand leur histoire est jouée sur scène par les comédiens, il y a un effet de miroir qui est très intéressant. Nous n’avons eu que des retours positifs de cette expérience. Et puis je leur remets le manuscrit à la fin de la représentation : c’est quelque chose de fort, qu’ils pourront transmettre à leurs proches s’ils le désirent. Je pense que les résidents en tirent une certaine fierté et même que cela peut avoir un effet libérateur pour certains. »
Pour plus de renseignements : www.ateliermarcadet.com