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En cas d’impayés, quelles solutions pour les Ehpad ? Non classé

La récente expulsion d’une résidente d’Ehpad dans les Hauts-de-Seine a relancé le débat sur la marche à suivre lorsque la personne âgée et sa famille ne paient pas l’hébergement et l’accompagnement proposés par l’établissement. L’occasion de faire le point sur le sujet.

Est-il utile de rappeler le fait d’actualité ? Le 4 janvier, une femme de 94 ans a été contrainte de quitter la Villa Beausoleil, sise à Chaville (Hauts-de-Seine), puis conduite avec ses effets personnels au domicile de l’un de ses enfants, à Brou (Eure-et-Loir). Trouvant porte close, la direction de l’établissement a décidé de confier la nonagénaire aux urgences de l’hôpital le plus proche. Selon l’établissement, la résidente et sa famille n’avaient pas acquitté des frais d’hébergement depuis plusieurs mois et le montant de la facture s’élevait à près de 40 000 euros. Interrogé par le quotidien

Le Berry, le directeur de la résidence privée, Laurent Boughaba, a admis « une décision maladroite ».
« Nous sommes sincèrement mortifiés par cette situation mais nous n’avions pas d’autre choix »,
s’est-il justifié, tout en précisant qu’un juge avait ordonné, dès le 31 octobre, le paiement des arriérés, que plusieurs lettres recommandées avaient été envoyées au fils de la résidente et que ce dernier avait été alerté de la situation par téléphone à plusieurs reprises, en vain.

Toujours est-il que pour la ministre chargée des Personnes âgées, Michèle Delaunay, « une personne vulnérable a été expulsée sur décision du directeur à la veille d’un week-end, en période hivernale. » Arguant que la chambre d’un résident « est son domicile sur le plan légal », elle a estimé que la maison de retraite avait agi « en violation du droit et de la dignité humaine ».

L’émoi suscité par cette affaire « peut se comprendre sur le plan moral », reconnaît Olivier Poinsot, avocat spécialiste des activités du secteur sanitaire, social et médico-social. La décision du directeur de l’Ehpad est toutefois fondée sur le plan juridique « dès lors que le ou la résidente ne respecte pas durablement ses obligations ». Celles-ci sont claires : payer le prix des prestations hôtelières (hébergement et restauration), sociales (accueil, animation) et médicales fournies par la maison de retraite. Leur non-respect constitue « une faute justifiant la fin du contrat de séjour conclu entre l’Ehpad et le résident ».

Pas de trêve hivernale

« En cas de non-paiement, le directeur de l’Ehpad est en droit de saisir un juge pour demander le versement des sommes dues », souligne Olivier Poinsot. Même si la situation est délicate, il est également en droit de cesser d’exécuter ses propres obligations en matière d’hébergement et d’accompagnement, selon les modalités prévues par le règlement de fonctionnement de l’établissement et le contrat de séjour signé avec le résident, puis de demander au senior concerné de quitter les lieux.

Y compris en hiver puisque la notion de trêve hivernale, propre au droit locatif, n’entre pas ici en ligne de compte : le contrat de séjour n’est pas un contrat de bail ainsi que l’a précisé la Cour de cassation en juillet 1998. C’est un contrat d’entreprise, c’est-à-dire un contrat de prestation de services, a complété la Cour administrative d’appel de Nantes en octobre 2011.

La décision du directeur de l’établissement ne dédouane cependant pas le personnel soignant de certaines obligations. « Selon leur code de déontologie, les professionnels de santé ont pour obligation d’assurer la continuité et la permanence des soins en cas d’urgence, dans les cas où le pronostic vital du résident est engagé, sous peine de non-assistance à personne en danger, rappelle l’avocat. Les médecins coordonnateurs ou encore les aides-soignants et les infirmiers de l’Ehpad doivent en outre s’assurer qu’un autre professionnel de santé prend le relais en matière de soins. »

Vide juridique

« Le cas d’une famille refusant de payer un établissement pendant près d’un an et demi malgré une décision de justice, comme cela a été le cas à Chaville, est très rare », souligne Pascal Champvert, président de l’AD-PA. Selon lui, il faut toutefois « régler la difficulté qu’ont les établissements avec 3 à 4 % de familles indélicates. » L’AD-PA a ainsi demandé à Michèle Delaunay d’organiser une table ronde sur le sujet à laquelle seraient conviés les représentants de l’État, des établissements et des familles. « Le directeur de l’Ehpad de Chaville a commis une maladresse mais l’État doit aussi prendre ses responsabilités car il existe un vide juridique, déplore Pascal Champvert. Que faire lorsque le prix d’une journée en Ehpad est supérieur aux revenus de la personne âgée et que les proches refusent de payer ? Il est difficile de les contraindre. D’ailleurs, que je sache, dans le cas de Chaville, le tribunal a ordonné le paiement des arriérés à la résidente, pas à la famille. »

Quelles solutions sont envisageables dans l’immédiat ? Sans demander à la personne âgée de quitter les lieux, « l’Ehpad doit se tourner vers la justice assez rapidement, au bout de trois ou quatre mois d’impayés, conseille Pascal Champvert. Pour réagir au mieux, il peut aussi éventuellement demander des conseils auprès des associations de directeurs, d’un bon avocat, de l’Agence régionale de santé (ARS) voire du Département s’il s’agit d’un établissement habilité à l’aide sociale. »

Nathalie Ratel

 

Public et privé sur un pied d’égalité

En cas d’impayés, établissements publics et privés ont les mêmes droits et obligations. En effet, la loi du 2 janvier 2002-2 rénovant l’action sociale et médico-sociale leur a imposé un modèle identique de contrat de séjour, détaille Olivier Poinsot, avocat spécialisé dans les activités du secteur sanitaire, social et médico-social  : «  L’objectif était de garantir à tous les résidents d’Ehpad le respect de leurs droits fondamentaux et ainsi la possibilité de faire valoir ces droits devant un juge lorsqu’ils ne sont pas respectés. » Seule différence : s’ils se sentent lésés, les établissements publics saisiront le juge administratif, les autres le juge civil.                          

 

À retenir

• Le contrat de séjour n’est pas un contrat de bail, c’est un contrat de prestation de services. En conséquence, il peut être rompu à tout moment, y compris en hiver, sous réserve du respect d’un délai de préavis.

• En cas d’impayés, les directeurs d’Ehpad doivent rapidement saisir un juge pour exiger le versement des sommes dues et ce, au bout de trois à quatre mois.

• Face à une situation critique, le directeur ne doit pas rester isolé. Les avocats spécialisés dans le domaine médico-social, les associations de directeurs, les Agences régionales de santé et les Conseils généraux peuvent dispenser des conseils sur les démarches à accomplir.

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