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Ergothérapeute en Ehpad : incontournable mais trop souvent négligé Non classé

Le recrutement d’un ergothérapeute est souvent effectué dès lors que le budget est attribué par les tutelles mais sans avoir une idée précise de ce que ce professionnel apportera. Quant aux Ehpad qui en comptent déjà un, son rôle reste parfois flou aussi bien pour les dirigeants que pour certains membres des équipes.

 

Un déficit de reconnaissance 

« Ehpad recrute ergothérapeute/psychomotricien CDI. » Ce type d’annonce est monnaie courante et pourtant… Quelle entreprise proposerait une annonce du type « A pourvoir poste de secrétaire/informaticien » ? La comparaison peut surprendre mais les deux métiers sont encore trop souvent l’objet de recrutements indifférenciés dès lors que la dotation en soins est accordée.

Si l’informaticien ou la secrétaire passent souvent une grande partie de leur temps à travailler derrière leur écran d’ordinateur, leur différence de fonction est pourtant claire aux yeux des employeurs. En revanche, ce n’est pas vraiment le cas des ergothérapeutes qui, par exemple, comme les psychomotriciens et les animateurs, peuvent certes utiliser un ballon dans le cadre de la prise en charge du résident mais en déclinant chacun l’activité de manière différente à l’aune d’objectifs précis.

Par ailleurs, sur Internet, les forums de discussions regorgent de problématiques de (re)connaissance professionnelle des ergothérapeutes. « L’ergothérapeute doit gérer la maintenance des lits électriques de l’établissement », peut-on lire. Ou encore : « Ma direction me demande d’effectuer des toilettes tous les matins pour palier le manque de soignants. » Et parfois, c’est la visibilité de la prise en charge qui est privilégiée au détriment des objectifs thérapeutiques. Exemples : « On me demande de travailler tous les après-midi car l’animation ne suffit pas pour occuper tout le monde. » « Je dois assurer des prises en charge de groupes importants pour que les familles voient que l’on occupe leurs parents. » Toutes ces remarques de professionnels illustrent bien les difficultés que les ergothérapeutes peuvent rencontrer dans la définition de leur rôle en établissement.

Selon une étude de l’Association française des ergothérapeutes en gériatrie (AFEG) de 2006, 80 % des ergothérapeutes dont les missions n’ont pas été clairement définies ni avec le directeur ni avec le médecin coordonnateur se sentent mal identifiés dans l’équipe. Inversement, 80 % de ceux dont les missions ont été précisées  avec ces deux personnes se sentent bien identifiés par l’ensemble de l’équipe.

 

Un large champ de compétences

L’ergothérapeute est un professionnel de santé qui fonde sa pratique sur le lien entre l’activité quotidienne de la personne et la santé. Son objectif est de maintenir, de restaurer et de permettre les activités humaines de manière sécurisée, autonome et efficace. Les interventions possibles de l’ergothérapeute en Ehpad peuvent être regroupées autour de cinq thématiques principales :

Œ Installation et positionnement : Afin de limiter les risques d’escarres, de réduire les troubles orthopédiques ou d’avoir recours à des contentions inutiles, l’ergothérapeute recommande des aides-techniques à la posture, des coussins ou des matelas d’installation spécifiques. Il peut préconiser, régler et adapter les fauteuils roulants pour améliorer l’installation du résident et son autonomie de déplacement. L’entretien ou la réparation du matériel relève quant à elle d’un technicien spécialisé.

 Évaluation et maintien de l’autonomie dans les Activités de la vie quotidienne (AVQ) : Lors de l’entrée du résident ou lors d’une modification de son état fonctionnel (par exemple, lors du retour d’hospitalisation) l’ergothérapeute réalise une évaluation dans le cadre d’activités quotidiennes telles que la toilette, l’habillage, les repas, les déplacements… Il  propose une prise en charge rééducative ou réadaptative pour améliorer la récupération motrice, mettre en place des stratégies de compensation ou des aides techniques et assurer l’apprentissage de leur utilisation (brosses à long manche, enfile-bas…). L’ergothérapeute n’a pas vocation à effectuer quotidiennement la toilette des résidents. En revanche, il  fait le lien avec les soignants pour que ce qui a été évalué et mis en place puisse être poursuivi au quotidien. Il intervient également auprès des équipes soignantes afin de les accompagner dans la prise en charge des AVQ chez certains résidents, par exemple pour l’utilisation de techniques de transfert spécifique.

Ž Rééducation et réadaptation des troubles moteurs, sensoriels et cognitifs : Cette activité est souvent celle que les personnels des Ehpad appréhendent le plus difficilement. Dans le cas de troubles cognitifs et de troubles productifs du comportement, l’ergothérapeute renforce et stimule les capacités cognitives restantes des résidents et les aide à développer des stratégies de compensation. L’ergothérapeute peut, dans ce cadre, proposer des ateliers de stimulation de groupe, mettre en place des aides techniques et modifier l’environnement (mise en place des repères spatiaux ou temporels…).

Dans le cas des troubles moteurs, l’ergothérapeute prévient la désadaptation motrice liée au vieillissement normal et pathologique en participant à la rééducation et à la réadaptation motrice et ce, en utilisant des moyens variés (techniques d’ergomotricité, jeux…). L’ergothérapeute peut également préconiser les aides techniques (aides à  la marche notamment),  proposer des ateliers de prévention des chutes, participer activement à la réduction des contentions physiques… Ces activités sont complémentaires de celles des autres professionnels de la rééducation (kinésithérapeute, psychomotriciens…)

Pour ce qui est des troubles sensoriels, l’ergothérapeute participe à leur dépistage et à leur évaluation, en particulier de leur l’impact fonctionnel sur les AVQ. Il peut en outre réorienter les patients vers d’autres professionnels compétents (opticiens, ophtalmologistes, orthoptistes). Il propose des techniques de compensation des difficultés (entraînement au toucher pour compenser la perte visuelle, par exemple) ainsi que des aides techniques adaptées (étiquettes agrandies, montres sonores, rappels lumineux) voire suggère de modifier et d’adapter l’environnement (éclairage, modification de contrastes…)

 Formation, conseil et éducation : C’est une activité à part entière de l’ergothérapeute, réalisée en collaboration avec les autres professionnels. L’ergothérapeute peut ainsi être un acteur de la prévention des troubles musculo-squelettiques au sein de l’équipe soignante ou aider les équipes dans l’accompagnement des personnes atteintes de démences.

 Encadrement fonctionnel d’autres personnels : De nombreux Ehpad confient aux ergothérapeutes l’encadrement des assistants de soins en gérontologie, des aides médico-psychologiques et des animateurs pour la mise en place d’activités de socialisation ou de stimulation adaptées, comme c’est le cas au sein des Pôles d’ activités et de soins adaptés (Pasa). Enfin, l’ergothérapeute participe activement à la démarche qualité au sein de l’établissement en rendant compte de ses interventions, en participant à la mise en place du projet de vie individualisé du patient etc.

En somme, l’ergothérapeute est un professionnel paramédical à la charnière des secteurs sanitaire, social et technique. Il est un pilier de l’approche non médicamenteuse en Ehpad, en particulier pour ce qui est de la prise en charge de la dépendance. Il est un atout au sein d’une l’équipe pluridisciplinaire afin d’améliorer la qualité des prises en charge.   

Amélie Saragoni
Ergothérapeute et déléguée territoriale
de l’Association nationale française
des ergothérapeutes

 


Un exemple de prise en charge en ergothérapie

Marie-Louise entre en Ehpad suite à un Accident vasculaire cérébral (AVC). A l’issue de l’évaluation initiale, en adéquation avec le projet de vie de Marie-Louise, l’ergothérapeute définit trois axes pour optimiser la prise en charge :

> L’installation : Il choisit un fauteuil  permettant une installation optimale et qui soit adapté aux capacités de Marie-Louise. Il lui apprend à utiliser ce fauteuil pour se déplacer seule dans les lieux de vie. 

> L’indépendance lors des repas : Il réalise un bilan précis des préhensions possibles pour 
Marie-Louise et lui propose plusieurs séances de rééducation afin qu’elle améliore ses capacités. Il choisit des couverts permettant à Marie-Louise de manger seule, lui apprend à s’en servir et transmet ces informations aux aides-soignantes du service.

> Le jardinage : Il conduit plusieurs séances de mise en pratique afin que Marie-Louise réapprenne à jardiner malgré ses difficultés : apprentissage d’une nouvelle organisation et de l’utilisation d’outils adaptés, modifications des gestes, adaptation du lieux de jardinage… Il transmet les informations nécessaires à l’animateur afin que Marie-Louise puisse participer aux séances collectives. 


 

 

 


Définir, identifier, intégrer

• S’appuyer sur la fiche de poste éditée l’Association française des ergothérapeutes en gériatrie (www.afeg.asso.fr) ou les fiches métier de la FPH/FPT pour définir en amont ce que le recruteur va demander à l’ergothérapeute.

• Mettre en place une concertation entre les professionnels-clés de l’établissement (médecin coordonnateur, infirmier, directeur…) et l’ergothérapeute pour identifier les missions des uns et des autres.

• Intégrer l’ergothérapeute au sein de l’équipe pour ce qui est de de la définition des plans personnalisés et de l’élaboration des projets d’établissement.

Pour en savoir plus : www.anfe.fr


 

 

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