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L’interview de Denis Jacquat Les interviews

Je suis favorable à une cinquième branche pour le cinquième risque 

Le député UMP de Moselle préside, à l’Assemblée nationale, le tout nouveau groupe d’études Enjeux du vieillissement. Homme d’ouverture, il est loin de s’opposer frontalement à la ministre en charge des Personnes âgées et de l’Autonomie, Michèle Delaunay. Il est surtout partisan de la création d’une cinquième branche de la protection sociale.

Propos recueillis par Alexandre Terrini

À quelle logique obéit la récente fusion des deux anciens groupes d’études, d’une part, Longévité et d’autre part, Dépendance des personnes âgées et maladie d’Alzheimer, au sein d’une seule entité baptisée Enjeux du vieillissement ?

Denis Jacquat : À un souci de ne pas multiplier les groupes d’études même s’il ne coûtent quasiment rien à l’Assemblée nationale. Je trouve que dans un souci de rationalisation et de mutualisation, ce regroupement est une bonne chose parce qu’il répond à une certaine logique et évite qu’un groupe marche sur les plates-bandes de l’autre.

Est-il également dans l’ère du temps et de la future loi 3A (pour Anticipation, Adaptation et Accompagnement) sur l’Autonomie, laquelle se décline désormais de la retraite au décès ?

DJ : Oui. Je connais très bien Michèle Delaunay et je me suis toujours bien entendu avec elle. Ce qu’elle a mis en place, notamment les trois A, je trouve cela très bien. D’ailleurs, je l’ai dit en tant que porte-parole de l’UMP dans le cadre du Projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS) et de l’Assurance vieillesse. Même les personnes qu’elle a choisies pour travailler sur ce projet, comme Martine Pinville, sont vraiment des gens de qualité. La trame de travail correspond parfaitement à ce que l’on sait et à ce que l’on veut. Le problème, c’est d’avoir une rentrée financière pérenne et suffisante pour aborder la perte d’autonomie.

Quel sera le programme de travail du groupe d’études Enjeux du vieillissement ?

DJ : Il faut que l’on colle au plus près des problèmes nationaux actuels, en l’occurrence celui de la perte d’autonomie en général qui concernera un nombre accru de personnes dans les prochaines années, sachant que l’on souhaite prioritairement leur maintien à domicile.

Outre la qualité de vie qui est le premier axe de travail, un autre sujet n’est pas fréquemment abordé, celui de la prévention de la perte d’autonomie. Cela concerne les habitudes de vie, en particulier l’alimentation. Il faudra aussi s’intéresser à l’apport des nouvelles technologiques, en particulier en matière de maintien à domicile.

Mais aussi à la fin de la vie active et aux conditions de travail, notamment à la pénibilité au travail qui génère de jeunes retraités déjà usés. Enfin, plus généralement, il faut veiller à éviter le racisme antivieux.

Quels dispositifs et mesures avez-vous envie de voir figurer dans la future loi 3A sur l’Autonomie actuellement en gestation ?

DJ : Michèle Delaunay est une femme honnête. Je pense qu’en tant que président de ce groupe d’études et porte-parole de l’UMP pour ce qui concerne les personnes âgées et les retraites, je serai dans l’ensemble d’accord avec les propositions qu’elle fera. Je n’ai aucun problème avec le principe de la déclinaison en trois A.

La difficulté que l’on va rencontrer, c’est de déterminer quel est le panier des besoins et d’où viendra l’argent en quantité suffisante. Il est évident que l’on va devoir réfléchir à la répartition des prélèvements obligatoires entre les générations. Quel prélèvement devra-t-on payer ? Par qui et pour qui ? Sans compter le pouvoir d’achat des retraités. En effet, il est évident que le reste à charge, que les personnes  soient à domicile ou en institution, va devenir de plus en plus important alors que le niveau des retraites n’augmentera que très peu.

Michèle Delaunay suggère d’aligner la CSG des retraités sur celles des actifs ou encore d’instaurer une recette dédiée au financement de l’Autonomie. Qu’en pensez-vous ?

DJ : Cela fait très longtemps que je suis favorable à une cinquième branche pour le cinquième risque. Je prêche depuis des années la mise en place d’une cotisation obligatoire perte d’autonomie que l’on prélèverait chez tout le monde. On a mis en place la CNSA (Caisse nationale de solidarité pour l’Autonomie), laquelle fonctionne et rapporte de l’argent. Il faut donc la conserver mais aussi trouver une autre ressource pérenne et suffisante. Il faut qu’elle soit claire, simple et rapide. Il est préférable d’éviter d’avoir beaucoup de robinets financiers. Mieux vaut n’en n’avoir qu’un.

Regrettez-vous que le Gouvernement précédent ne se soit pas attelé à cette tâche ?

DJ : Nous étions pour des mesures et non pas pour des mesurettes. Or, tout le monde était bien conscient que nous ne pouvions pas les prendre car il y avait des problèmes importants à régler et d’abord, celui des retraites qui a tout occulté. On souhaitait le faire mais on ne l’a pas fait. Maintenant, chacun est bien conscient que l’on est au pied du mur. On ne peut plus reculer.

Comment envisagez-vous la contribution financière des départements et, plus largement, des collectivités locales dans le financement de la perte d’autonomie ?

DJ : Quand on a mis en place l’APA (Allocation personnalisée d’autonomie), j’étais pour mais en indiquant que la méthode n’était pas la bonne. Moi, j’étais favorable à une ressource nationale. En effet, à mon sens, passer par les départements était une catastrophe même si ces derniers, eux, y étaient favorables. Or, aujourd’hui, les départements n’arrivent pas à suivre car leur budget n’augmente pas en cours d’année. En matière de dépenses de santé et sociales qui concernent la perte d’autonomie, on ne sait pas le 1er janvier combien on aura dépensé au 31 décembre car le nombre de personnes dépendantes augmente et les pathologies sont de plus en plus lourdes. Au départ, l’État et les départements fournissaient chacun environ 50 % de l’APA mais par la suite, la part de l’État a diminué.

Les départements, qui participent donc au financement de l’APA, connaîtront toujours des difficultés en la matière. On ne peut pas leur demander plus que ce qu’ils donnent aujourd’hui. Ils n’arriveront pas à tenir sauf au détriment de leurs autres compétences en matière d’éducation, de voierie etc. C’est pourquoi il faut un règlement et un traitement nationaux des recettes destinées au financement de la perte d’autonomie.

 

Un groupe d’études pour quoi faire ?

On se demande quelle est la raison d’être de ces instances dans le paysage déjà pléthorique de l’Assemblée nationale.

Réponse de Denis Jacquat : «  Ce sont des laboratoires d’idées qui servent à réfléchir à des thèmes précis. Les idées qui s’en dégagent alimentent ensuite le débat parlementaire sous la forme de propositions ou de projets de loi ou de questions écrites mais surtout lors des discussions générales sur les projets de loi, tels que le PLFSS, au cours desquelles des idées peuvent être reprises. Dans le passé, nous avons ainsi insisté sur les notions de perte d’autonomie et de dépendance et aujourd’hui, les gens sont convaincus qu’il faut une loi en la matière. Par ailleurs, la répartition des présidences des groupes est décidée par la présidence de l’Assemblée qui a donc attribué celle des Enjeux du vieillissement à l’UMP. Les étiquettes politiques n’entravent pas la portée de nos travaux. Au contraire, cela se passe très bien. »

En toute logique, on suppose que le groupe d’études sur les Enjeux du vieillissement a comme interlocuteur privilégié la commission des Affaires sociales. « Non pas directement », infirme Denis Jacquat. En effet, la composition éclectique du groupe et la transversalité des sujets abordés n’en font l’antichambre attitrée d’aucune commission en particulier : « Dans le cadre de chaque groupe d’études parlementaire, une demande d’adhésion est envoyée à tous les députés. En ce qui concerne celui sur les Enjeux du vieillissement, certains ne sont donc pas membres de la commission des Affaire sociales. Nous nous réunissons en moyenne une fois par mois. Nous invitons des personnes de l’extérieur et de haut niveau, en particulier des représentants d’associations, qui viennent nous parler sous forme d’exposés consacrés à des thèmes auxquels nous avons réfléchi auparavant. Puis, nous passons aux questions-réponses. En ce qui me concerne, je m’appuie notamment sur Françoise Forette, directrice de la Fondation nationale de gérontologie. Chaque député utilise les conclusions de ces séances comme il l’entend.

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