Lieu de vie, lieu de soins, lieu de travail du personnel, lieu d’accueil des familles : l’établissement pour personnes âgées doit concilier au quotidien toutes ces fonctionnalités. Conséquence : la conception architecturale des bâtiments prend une place prépondérante dans la réflexion médico-sociale.
Dossier réalisé par Francine Lagremont
©Joakim Lebrun, agence TomasVajda architectes. |
S’adapter aux problématiques gériatriques
La loi 2002.2 place le résident au centre du dispositif. Mais qu’en est-il de la conception architecturale des établissements ? Une question essentielle car l’organisation de l’espace contribue ou, a contrario, peut nuire à la qualité de la prise en charge et au cadre de vie des résidents.
Construits entre 1960 et 1980, une grande partie des établissements d’hébergement pour personnes âgées n’étaient plus adaptés aux besoins actuels de résidents dont la perte d’autonomie physique ou psychique ne fait qu’augmenter. L’aménagement des structures doit en outre répondre à de nouvelles problématiques telles que la prise en charge des pathologies cognitives (maladie d’Alzheimer ou troubles apparentés, maladie de Parkinson) et le vieillissement des personnes handicapées. La question architecturale revêt donc aujourd’hui une importance majeure.
Cette réflexion, qui porte sur l’organisation spatiale des bâtiments, la lumière, les couleurs, les sons, la signalétique etc. participe désormais à part entière à la qualité de la prise en charge médico-sociale. Elle intervient pour tous les types de projets, qu’ils concernent des extensions, des restructurations ou des constructions.
Ainsi, le Conseil de Paris a-t-il inscrit le concept de bientraitance architecturale dans son schéma gérontologique. Le principe ? « La qualité de la conception architecturale du bâtiment a un impact fondamental sur la qualité de vie dont les futurs résidents pourront disposer, sur les conditions de travail du personnel et sur le sentiment des familles des résidents. Plus largement, la qualité du bâti a une influence sur l’image de soi pour les résidents et sur le regard des personnes extérieures », précise le document officiel relatif à la bientraitance architecturale.
Encore un lieu de vie, malgré tout
Lieu de vie, lieu de soins, lieu de travail du personnel, lieu d’accueil des familles : l’architecture doit répondre à l’ensemble des fonctionnalités de la résidence. L’enjeu est donc d’articuler projet d’établissement, projet de vie et projet architectural. Et de concilier ce qui est parfois difficilement conciliable comme le respect des normes de construction, une réglementation de plus en plus lourde, des exigences de soins et… les contraintes budgétaires.
Mais attention à ne pas se perdre en route et à ne pas oublier qu’en dépit de la dépendance accrue des résidents, de la médicalisation, voire de la sanitarisation des structures, l’identité première de l’Ehpad est celle d’un lieu de vie et… bien souvent du dernier lieu de vie des personnes accueillies. Ainsi, selon la Charte des droits et des libertés des personnes âgées dépendantes rédigée par la Fondation nationale de gérontologie (FNG) « l’architecture des établissements doit être conçue pour répondre aux besoins de la vie privée. L’espace doit être organisé pour favoriser l’accessibilité, l’orientation, les déplacements et garantir les meilleures conditions de sécurité. »
Reste que les architectes reconnaissent être parfois confrontés à des exigences contradictoires concernant notamment l’organisation de l’espace privatif des résidents. « Dans un établissement privé, explique l’architecte Alexandre Vajda, les familles souhaitent que quand la porte de la chambre est ouverte, on ne puisse pas apercevoir la personne âgée dans son lit. Dans un établissement public rattaché à un hôpital, le personnel va nous demander que l’on puisse avoir du couloir une vue sur la chambre pour s’assurer que tout va bien. Ce sont deux cultures différentes. D’un côté, on est plus dans un esprit d’hôtellerie et de l’autre, on donne la priorité à la surveillance et à la sécurité. » Un constat partagé par son confrère Xavier Gauche : « Selon les textes, la chambre est l’espace privatif du résident. Elle est considérée comme la transposition en établissement de son domicile. Toutefois, ces 20 mètres carrés sont aussi un espace de soins qui suppose l’intervention du personnel. En outre, du fait des difficultés de déplacement des personnes âgées, les espaces collectifs se rapprochent des chambres, ce qui nécessite de trouver des aménagements architecturaux pour préserver la sphère de l’intimité. Dès lors, la solution peut être d’aménager dans l’établissement d’autres espaces privatisables par les résidents sur une durée déterminée (salons, kitchenettes…). »
Limiter et pallier les déficiences
Mais face au nombre croissant de résidents atteints de troubles cognitifs, l’interrogation des établissements peut prendre une autre orientation : doivent-ils s’engager sur la voie de l’architecture prothétique ? C’est-à-dire une architecture qui serve de prothèse environnementale aux résidents, limitant ou palliant certaines de leurs déficiences. Pour les spécialistes du grand âge, cela nécessite notamment d’intégrer le projet de vie dès la phase de programmation afin de limiter le stress des malades déficients sensoriels, de créer un outil et un cadre de travail efficaces et agréables pour les soignants et les soignés. La démarche est différente mais l’objectif reste la bientraitance des personnes qui vivent et utilisent le bâtiment. Une préoccupation officiellement soutenue par la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie (CNSA). Depuis 2007, elle organise d’ailleurs le concours d’idées intitulé « Lieux de vie collectifs et autonomie » qui récompense l’innovation des gestionnaires d’établissements et des architectes. Une manière d’impulser un élan en matière de créativité et d’architecture gériatrique.