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Patrick Kanner : « Les départements sont armés pour être les interlocuteurs privilégiés des gestionnaires._ » Non classé

Patrick Kanner

Patrick Kanner : « Les départements sont armés pour être les interlocuteurs privilégiés des gestionnaires. »


Patrick Kanner

Le Président du Conseil général du Nord, qui a représenté l’Assemblée des départements de France (ADF) lors de la clôture de la concertation sur le projet de loi d’adaptation au vieillissement au Conseil économique, social et environnemental (Cese), explique en quoi les départements sont les chevilles ouvrières du dispositif.

 

 

Comment jugez-vous dans son ensemble le projet de loi d’adaptation au vieillissement ?

Patrick Kanner : Sur la forme, l’ADF a été particulièrement écoutée, entendue et respectée. Beaucoup de nos idées ont été reprises. Il est important d’avoir un Gouvernement qui considère que les collectivités locales ne sont pas uniquement des exécutants des politiques nationales mais des coconstructeurs des politiques publiques. Sur le fond, nous estimons que ce projet de loi est la première marche d’un escalier qui s’était arrêté depuis une bonne dizaine d’années, si l’on considère que la dernière grande loi en matière de prise en charge des personnes âgées en perte d’autonomie est celle de l’APA en 2001-2002. Ce projet est une nouvelle étape sans pour autant être l’alpha et l’oméga de ce qu’il y aura lieu de faire. Nous avons une ministre qui en veut et qui n’est pas là pour gérer la pénurie. Une meilleure solvabilisation des personnes âgées et de leurs familles ainsi qu’une meilleure prise en charge par l’APA dans le cadre d’un Gir assoupli, tout cela nous convient. Il y a également l’idée que le vieillissement n’est pas considéré comme une charge mais comme une chance, notamment au travers de la création de richesses et d’emplois pérennes, qualifiés et non délocalisables que cela va générer. Nous sommes très sensibles à cette approche économique de la loi. En revanche, on note une insuffisance : le projet de loi ne répond pas à la confortation du secteur du maintien à domicile à but non lucratif, lequel est dans une situation dramatique car il a été très fragilisé par la marchandisation de l’aide à domicile.

 

En revanche, le rôle des conseils généraux est quant à lui pleinement consacré dans le texte…

P. K. : Les départements sont plus que jamais reconnus comme les chefs de file dans ce secteur avec les ARS à leurs côtés. Avec un symbole qui n’est pas neutre : la vice-présidence de la CNSA (Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie) qui leur est confiée. On considère en effet que les collectivités territoriales ont toute leur place au sein de la Caisse. Autre élément de satisfaction, le fait que cette réforme est officiellement financée à 100 % par les crédits nationaux de l’État au travers de la CNSA et de la Casa (Contribution additionnelle de solidarité pour l’autonomie) et est donc sans charge nouvelle pour les départements. Cela ne nous empêchera pas de rester particulièrement vigilants sur le sujet.

 

En quoi les conseils généraux sont-ils les instances les plus pertinentes pour superviser dans les territoires la politique en matière de vieillissement ?

P. K. : D’abord parce que nous sommes reconnus comme les chefs de file par la loi. Par ailleurs, nous avons la chance d’être des instances démocratiques, certes politiques mais pas partisanes, alors que l’ARS reste un service déconcentré de l’État. Quant au secteur associatif, il est lui aussi démocratique mais pas soumis à la sanction populaire de l’élection contrairement à nous. Aujourd’hui, il y a une reconnaissance de notre savoir-faire. Les fonctionnaires départementaux maillent fortement les territoires. Nous faisons partie du paysage. Il était donc presque naturel que l’on ait pensé aux départements pour piloter ce dispositif d’autant que le social est notre cœur de métier. Les CCAS (Centres communaux d’action sociale) sont les correspondants des villes et n’ont pas la même légitimité territoriale que les départements.

 

Le texte aménage la gouvernance locale en matière médico-sociale. Qu’est-ce que cela vous inspire ?

P. K. : J’interprète la création des Conseils départementaux de la citoyenneté et de l’autonomie (CDCA) comme des instances qui vont permettre de fusionner celles qui existent déjà, notamment les Coderpa (Comités départementaux des retraités et personnes âgées). Il ne s’agit pas de rajouter une nouvelle couche au dispositif déjà existant mais de créer une sorte de parlement des acteurs de la gérontologie (ARS, CCAS, caisses de retraite, professionnels de santé…) au sein des départements avec un pilotage par le conseil général. Cela peut être une valeur ajoutée. Tout dépendra de la manière dont les CDCA seront gérés.

 

Faut-il maintenir la répartition volet social aux départements, volet soin et sanitaire aux ARS ?

P. K. : J’ai toujours été très réservé sur le financement tripartite des Ehpad. La vraie question, c’est d’éviter les doublons entre les collectivités locales mais surtout entre les services de l’État et les services décentralisés. Il faut aller jusqu’au bout de la décentralisation. Quand un service de l’État subsiste, il faut qu’il apporte une véritable valeur ajoutée. C’est là un avis personnel qui n’engage que moi et non pas l’ADF : aujourd’hui, la dichotomie entre le social et le soin au sein d’un établissement est souvent extrêmement pédagogique et institutionnelle mais ne correspond pas vraiment à la réalité de la vie des gens. Encore une fois, cela n’engage que moi mais je ne suis pas certain que les ARS apportent une valeur ajoutée dans les services sociaux et médicaux sociaux. Que l’ARS ait une vocation de surveillance des établissements pour éviter certaines choses, oui, mais aujourd’hui, les départements sont très largement armés pour être les interlocuteurs privilégiés des gestionnaires. Nous gagnerions beaucoup de temps et d’efficacité à être les interlocuteurs uniques. A l’heure où nombre de pans des services sociaux et médico-sociaux ont basculé vers les collectivités locales, il faut s’interroger sur les risques de doublonnage de services. Mais c’est là un débat à venir.

 

Quelle vision avez-vous de la structuration de l’offre d’accompagnement des personnes âgées ?

P. K. : Je ne crois ni au dogme du tout domicile ni à celui du tout Ehpad. Sauf exception, la personne âgée ne rentre vraiment dans les Gir 1, 2 et 3 qu’à la toute fin de sa vie. Le tout domicile présenté comme la formule idéale, cela n’est pas toujours vrai pour une personne âgée, a fortiori si elle est totalement isolée de son environnement et de sa famille. Les foyers logements réinventés peuvent être une formule intéressante. Ma philosophie, c’est que le choix soit offert aux personnes âgées et à leurs familles et que le domicile ne soit qu’une possibilité parmi d’autres en fonction de l’évolution de la personne. Pour le reste, le privé lucratif, avec bien sûr les autorisations et la surveillance requises, ne me choque pas.

 

Faut-il habiliter davantage d’Ehpad privés à l’aide sociale ?

P. K. : Aujourd’hui, les besoins ne sont pas totalement satisfaits. Ce qui signifie que nous allons vers une augmentation des habilitations en nombre de places. Mais il faut relier cela à la situation des départements. Si demain, il n’y a pas de règlement de la question du RSA (Revenu de solidarité active financé en grande partie par les départements), je ne sais pas comment les départements pourront assumer de nouvelles habilitations. La question de l’aide sociale aux personnes âgées ayant de faibles ressources mais besoin de structures lourdes se pose de manière très précise dans les budgets des départements. Ils reçoivent aujourd’hui les retraités des Trente pleureuses et non pas des Trente glorieuses. C’est pourquoi, au regard de la situation financière de l’État et de collectivités territoriales, il ne serait pas déraisonnable de s’interroger, concernant l’APA, sur la création d’un recours sur succession à partir d’une certaine somme pour les personnes âgées disposant d’un patrimoine important. Et ce, même si, historiquement, ce recours a consacré l’échec de la Prestation spécifique dépendance (PSD). Il y avait en effet très peu de demandes de PSD parce que les gens ne voulaient pas de ce recours.

 

A vos yeux, la création d’Ehpad est-elle trop soumise à l’aval préalable des ARS ?

P. K. : Non. Nous sommes dans le dialogue et dans une saine complémentarité de l’analyse des besoins sociaux sur un territoire.  

Propos recueillis par Alexandre Terrini

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