Lors de l’Agora animée par la rédaction d’Ehpad Mag dans le cadre des Salons de la santé et de l’autonomie, qui se sont déroulés du 20 au 22 mai à Paris, le Dr Jean-Antoine Rosati, médecin coordonnateur d’Ehpad à Chantelle (Auvergne) et vice-Président de la Fédération française des associations de médecins coordonnateurs en Ehpad (FFAMCO), a insisté sur la nécessité pour les Ehpad de s’ouvrir afin d’être intégrés à l’offre de soins sur leur territoire. Pour en faire bénéficier leurs résidents mais aussi pour apporter leur expertise dans leur territoire.
« Aujourd’hui, les Ehpad sont globalement centrés sur eux-mêmes, souligne le Dr Rosati. Avec la hausse de la dépendance, ils ont fait un important travail au niveau interne avec la formation du personnel et la mise en place de schémas de prise en charge. Mais il est maintenant nécessaire qu’ils s’ouvrent sur leur territoire. » Les réseaux manquent et, de fait, la prise en charge des urgences non médicales n’est pas anticipée. « La notion de lits d’urgence commence à être organisée avec les expérimentations des parcours pour Personnes âgées en risque de perte d’autonomie (Paerpa), explique le médecin coordonnateur. C’est une nécessité pour les personnes vivant sur le territoire mais aussi pour celles qui sont à l’hôpital et qui n’ont pas besoin d’y rester. »
S’ouvrir sur l’extérieur
Jean-Antoine Rosati pointe par ailleurs du doigt le problème de l’accès aux spécialistes libéraux. « Ils sont en train de disparaître, regrette-t-il. Du coup, les Ehpad vont davantage être amenés à se tourner vers les spécialistes des centres hospitaliers, ce qui sera générateur d’autres types de problème. » Les Ehpad bénéficient pourtant d’un noyau de professionnels libéraux organisés autour du médecin coordonnateur sur lequel ils peuvent s’appuyer. Psychologues, neuropsychologues, éducateurs sportifs et diététiciens libéraux délivrent des expertises transversales en Ehpad, de l’aide et des conseils en matière de bilan cognitif en passant par les évaluations en termes de nutrition ou de condition physique. « Ces équipes de professionnels de santé libéraux sont un bon moyen de s’ouvrir sur le territoire, préconise le Dr Rosati. Cela passe par le projet d’établissement dans lequel la création d’un réseau peut trouver sa place. Le monde structuré de l’Ehpad et le monde libéral doivent se rencontrer. »
À titre d’exemple, la Fédération interprofessionnelle de Bretagne (FBI), une association au sein de laquelle se sont regroupés les professionnels d’Ehpad et les libéraux du territoire, donne à ses membres l’opportunité de développer des programmes sur des thématiques déterminées (chutes, nutrition, hypertension, diabète) selon leurs besoins. « Plutôt que de se voir imposer un schéma par l’Agence régionale de santé (ARS), les professionnels de terrain et de l’Ehpad se sont pris en main pour trouver le fonctionnement le plus adéquat par rapport aux besoins du territoire », explique le Dr Rosati. Dans cette logique d’anticipation et de bonne prise en charge du patient, le personnel de l’Ehpad apprécie généralement l’appui des réseaux. Il ne faut toutefois pas ignorer qu’il peut exister des tensions. Elles surviennent « lorsque les professionnels extérieurs interviennent dans les mêmes domaines de compétence que le personnel interne à la structure », précise le médecin.
L’Ehpad, pôle d’expertise gérontologique
Dans cette dynamique de réseaux et de coordination des ressources d’un territoire, l’Ehpad a sans conteste un rôle moteur à jouer. Il peut tout à fait se positionner comme pôle d’expertise gérontologique. Il existe d’ailleurs au sein de chaque établissement la commission de coordination gériatrique, dirigée par le médecin coordonnateur, qui peut être « un bel outil pour cette mise en réseau ». Parmi ses missions, figure celle de diffuser les bonnes pratiques gérontologiques auprès des professionnels intervenant dans l’établissement. Si elle fonctionne bien dans les Ehpad situés à la campagne, il est nécessaire d’inventer d’autres formules pour les établissements implantés en ville. En effet, ces commissions devant se réunir au minimum une fois par an, les réunions ont plus de succès lorsque l’Ehpad est seul sur son territoire. Dans certaines villes, des Ehpad ont donc expérimenté la tenue d’une réunion commune pour faciliter la tâche des médecins de ville qui interviennent dans plusieurs d’entre eux.
Quel que soit le contexte, le médecin coordonnateur doit être la vigie qui initie les projets, les collaborations extérieures et les conventions. « Cela fait partie de ses missions, insiste le Dr Rosati. Pour constituer un réseau, il est indispensable de fonctionner par étapes en fédérant les volontaires, en diffusant le projet et ensuite, en se présentant à l’ARS avec un projet ficelé pour demander des financements. »
Laure Martin
Besoins des résidents : soyez proactifs !
Afin d’optimiser et de valoriser le rôle de leurs établissements, les directeurs d’Ehpad doivent adopter une politique partenariale et conventionnelle volontariste tout en lançant des initiatives de terrain.
La filière gériatrique, réponse prospective mise en œuvre par les pouvoirs publics, est l’une des composantes de l’aménagement du territoire. Son intérêt est d’envisager le parcours de la personne âgée de sa cessation d’activité ou de son passage en catégorie senior jusqu’à la fin de vie. La personne âgée doit pouvoir accéder à une prise en charge globale médico-psycho-sociale. Sont alors envisagés les bilans de santé, les consultations de spécialistes, les séjours en hôpital ou encore les perspectives d’hébergement médicalisé. Mais la filière a ses limites car, comme le souligne Guy Sudre, du cabinet de conseil GSC, elle n’apporte pas de réponses immédiates autres que celles déjà accessibles par le biais d’une coordination gérontologique. Il s’agit donc plus d’une information que d’une véritable organisation.
C’est pourquoi Guy Sudre conseille vivement de s’engager dans une politique de convention avec des hôpitaux locaux spécialisés ou généralistes, des spécialistes ou encore avec des associations, par exemple pour les soins palliatifs ou des structures d’animation du type gymnastique douce. Mais les partenariats doivent aller au-delà des soins en ayant également recours à des prestations de services extérieurs en matière d’hygiène et de sécurité, de mise en œuvre des nouvelles technologies ou encore de conseil de consultants spécialisés.
Pouvoir s’inscrire dans un réseau partenarial et disposer d’un ensemble cohérent de conventions sont deux objectifs importants car, pour Guy Sudre, « croire qu’il y a une sorte d’automatisme serait une erreur ». Il convient d’initier une démarche humaine qui soit le fruit des contacts noués avec tous les intervenants de son environnement mais aussi d’une recherche préalable d’informations via les organes de presse spécialisés et auprès des confrères locaux ainsi que d’une participation aux divers salons et conférences.