Le projet de loi relatif à l’adaptation de la société au vieillissement a été adopté en première lecture à l’Assemblée nationale et au Sénat. Il doit être débattu en seconde lecture dans les semaines à venir même si les dates ne sont pas encore connues. Le point sur la situation.
« Nous sommes encore en négociation », annonce tout de go Alain Villez, consultant pour l’Union nationale interfédérale des œuvres et organismes privés sanitaires et sociaux (Uniopss). Un groupe de travail sur la réforme de la tarification doit en effet rendre ses conclusions à la fin du semestre. Il semble qu’un large consensus se dessine sur la mise en place de Contrats pluriannuels d’objectifs et de moyens (CPOM) pour remplacer les conventions tripartites. « L’idée est de travailler sur la pluriannualité des conventions tripartites, lesquelles génèrent des charges administratives que les conseils départementaux n’ont plus les moyens d’assurer, précise-t-il. Le CPOM est envisagé comme un gage de sécurité tant pour les autorités de tarification que le gestionnaire ». Si cette substitution fait consensus, elle suscite néanmoins encore des interrogations note Alain Villez, notamment quant à la reprise des résultats budgétaires et le modus operandi du dialogue de gestion. Se pose aussi la question du rétablissement de l’État de prévision de recettes et dépenses (EPRD) comme outil budgétaire pour remplacer le budget prévisionnel et les comptes administratifs. « La démarche est totalement inverse de celle que nous pratiquons actuellement et l’Uniopss n’y est pas favorable car le gestionnaire se retrouve coincé dans une position d’exécution, sans possibilité de faire remonter les besoins », estime Alain Villez.
Un tarif hébergement socle
Parmi les autres enjeux qui ont fait l’objet de vifs débats au Sénat, figure la question du tarif hébergement socle. Les professionnels ont mis longtemps, explique Alain Villez, à s’entendre sur une formulation précise pour finalement la définir comme « ce qui doit impérativement être couvert comme prestation dans le tarif hébergement ». En effet, il existe aujourd’hui en Ehpad des pratiques différentes, comme la prestation de blanchisserie, incluses dans le prix de l’hébergement et laissées à la charge de la famille ou encore facturées en sus aux résidents. Or, affirme Alain Villez, ces différences « créent un problème d’équité et de difficulté à comparer les tarifs ». La notion de tarif hébergement socle est d’autant plus importante que la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie (CNSA) est en train de mettre en place un portail Internet agrégeant l’ensemble des informations sur les établissements et services utiles à la prise en charge de la perte d’autonomie. Celui-ci doit s’articuler avec l’offre de service de proximité sur les territoires et s’appuyer notamment sur une définition commune du socle des prestations en Ehpad.
Droits des personnes âgées : des amendements plus souples
Sur ces sujets, au moins, les négociations se poursuivent entre les professionnels et le Gouvernement. En effet, l’EPRD et la question du tarif hébergement socle pourraient faire l’objet d’amendements gouvernementaux lors du passage en deuxième lecture à l’Assemblée. Quant au CPOM, il pourrait être mis en place par le biais d’une mesure législative spécifique. Mais d’autres mesures impactant les Ehpad ont été introduites par des amendements lors du passage de la loi au Sénat. Ainsi de l’obligation de l’entretien singulier, lors de la procédure d’admission, entre le responsable de l’établissement et le candidat résident. La version votée par l’Assemblée nationale évoquait un « recueil du consentement de la personne ». Bien que satisfaisant les professionnels du secteur sur le plan éthique, cette responsabilité leur apparaissait délicate et compliquée à réaliser, sous cette forme tout du moins, au regard de la population en Ehpad dont une part importante souffre de troubles cognitifs. Ayant entendu les revendications des professionnels, les sénateurs ont néanmoins introduit un amendement reformulant cette disposition en obligation de « recherche de consentement ». Alain Villez doute néanmoins que cet amendement soit accepté par les députés. « Il y a eu des débats animés à ce sujet car beaucoup de gens connaissant peu le secteur trouvent choquant que des personnes âgées puissent entrer en Ehpad sans leur consentement. Cela se comprend, bien entendu. Mais les spécialistes de la dépendance savent bien que les personnes âgées, au mieux se résignent car il n’y a pas d’autre solution, sinon se soumettent à la demande de leur entourage. » Les sénateurs ont par ailleurs rendu obligatoire la participation du médecin coordonnateur au recueil du consentement de la personne admise en Ehpad par le Directeur.
Autre modification importante votée par les sénateurs, l’autorisation de cumuler les forfait soins et autonomie pour les logements foyers disposant du forfait de soins courants (apparu avant les conventions tripartites) et souhaitant évoluer en maison autonomie. « Nous sommes très contents, se félicite Alain Villez, car les sénateurs ont entendu nos réclamations quand le Gouvernement y était resté sourd. Les deux forfaits couvrent des besoins différents. En effet, celui sur l’autonomie sert à mener des actions de prévention alors que le forfait de soins courant est majoritairement consacré à du nursing. Il n’y a donc pas de raison que les personnes âgées en résidence autonomie perçoivent l’une sans l’autre ». Reste à savoir si tous ces amendements survivront à la deuxième lecture du projet de loi à l’Assemblée nationale…
Les sénateurs à la manœuvre
Outre les mesures évoquées précédemment, les sénateurs ont voté un certain nombre d’amendements qui modifient sensiblement le projet de loi d’adaptation de la société au vieillissement. Voici, pêle-mêle, quelques-unes de ces mesures.
> Les Sages ont rétabli le Haut conseil de l’âge sous la forme imaginée initialement par l’ancienne ministre déléguée aux Personnes âgées et à l’Autonomie, Michèle Delaunay. Pour mémoire, cette instance avait été, lors de l’examen de la loi à l’Assemblée nationale, fusionnée avec l’actuel Haut conseil de la famille en y ajoutant des compétences sur l’enfance.
> Les sénateurs ont précisé les missions des conférences des financeurs de la prévention de la perte d’autonomie des personnes âgées mises en place dans chaque département : elles auront pour objectif d’établir un diagnostic des besoins des personnes âgées de 60 ans et plus résidant sur le territoire départemental, de recenser les initiatives locales et de définir un programme coordonné de financement des actions individuelles et collectives de prévention. Elles seront aussi chargées d’attribuer le forfait autonomie destiné aux logements-foyers (ou résidences-autonomie).
> Un amendement flèche les crédits de la Contribution additionnelle de solidarité pour l’autonomie (Casa) pour les actions de prévention financées par les conférences des financeurs et les actions relatives au fonds de compensation du handicap pour les personnes handicapées vieillissantes. Au total, 28 % du produit de la Casa seront alloués aux financeurs et 0,5 % au fonds de compensation du handicap.
> Les sénateurs ont instauré l’obligation d’un rapport évaluant l’élévation du plafond de ressources de la Couverture maladie universelle complémentaire (CMU-C) au niveau des ressources bénéficiaires de l’Allocation de solidarité aux personnes âgées (Aspa) et de l’Allocation aux adultes handicapés (AAH).
> Une section du conseil de la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie (CNSA) a été créée. Elle est destinée à recevoir les financements pérennes pour l’aide à l’investissement dans le secteur social et médico-social.
> Suppression de la création du volontariat civique senior.
> Toute restriction de la liberté d’aller et venir du résident doit être décidée dans le cadre d’une procédure collégiale et pluridisciplinaire.