Respecter les réglementations en vigueur, veiller à la qualité des prestations et à la sécurité des résidents ou encore maîtriser les risques infectieux et professionnels, c’est déjà être engagé dans une démarche de développement durable. Ce concept, né à la fin des années quatre-vingt, consiste à concilier les démarches qualité déjà existantes et à réfléchir de manière globale aux valeurs, missions et activités d’un Ehpad, à sa démarche qualité ainsi qu’à sa gestion des risques environnementaux, sociaux et économiques. Et ce, dans une perspective de continuité et de durabilité de son activité, de réduction de ses coûts de fonctionnement et de maîtrise de son impact sur la société et l’environnement. Toutefois, se lancer dans le développement durable, c’est aussi anticiper l’avenir et s’adapter. En clair, c’est donner du sens à son action. Explications et panorama des actions possibles.
Dossier réalisé par Nathalie Ratel
Le développement durable est un concept introduit pour la première fois en 1987 par la Commission mondiale sur l’environnement et le développement de l’Organisation des Nations unies (ONU) dans son rapport intitulé « Notre avenir à tous ». Il est défini comme un « développement qui répond aux besoins des générations actuelles sans compromettre la capacité des générations futures à répondre aux leurs », c’est-à-dire économiquement efficace, socialement équitable et écologiquement tenable. Le concept de développement durable comporte ainsi trois dimensions : environnementale, sociale/sociétale, économique. « Il se traduit, au sein des entreprises, par le principe de Responsabilité sociétale des entreprises (RSE), détaille Olivier Toma, Président du Comité pour le développement durable en santé (C2DS). On parle même aujourd’hui de Responsabilité sociétale des organisations ou RSO puisqu’elle concerne également les associations, les collectivités publiques, les établissements sanitaires et médico-sociaux etc. » Elle correspond à la responsabilité des organisations quant aux effets de leur activité sur la société. Pour l’assumer, ces organisations doivent « respecter les législations et les conventions collectives » voire « avoir engagé, en collaboration étroite avec les parties prenantes, un processus destiné à intégrer les préoccupations en matière sociale, environnementale, éthique, de Droits de l’Homme et de consommateurs » dans leurs activités et leurs stratégies de fonctionnement, indique la Commission européenne.
Santé et bien-être
La RSO inclut donc des démarches vertueuses et volontaires que les Ehpad engagent dans l’un des trois volets du développement durable mais aussi des obligations. Celles-ci découlent en partie du droit du travail. En effet, en tant qu’employeur, chaque directeur d’Ehpad public comme privé « prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale » de ses salariés (article L4121-1 et suivants du Code du travail). Ces mesures comprennent « des actions de prévention des risques professionnels et de la pénibilité au travail », « des actions d’information et de formation » ou encore « la mise en place d’une organisation et de moyens adaptés ». Elles incluent en outre l’élaboration d’un Document unique d’évaluation des risques professionnels (DUER), qu’il s’agisse des risques infectieux et chimiques, des risques psychosociaux, des risques de maladie professionnelle etc. Et ce, en vue du bien-être et de la sécurité des salariés et, par conséquent, des résidents.
La RSO implique également toutes les démarches liées au suivi des maintenances (ascenseurs, portes coupe-feu etc.) ainsi qu’à l’amélioration continue de la qualité des services et des prestations proposés aux personnes âgées, énoncées notamment par la loi n°2002-2 du 2 janvier 2002 rénovant l’action sociale et médico-sociale, cette dernière instaurant les évaluations interne et externe, le livret d’accueil, le contrat de séjour, le conseil de la vie sociale (CVS) ou encore la charte des droits et libertés de la personne accueillie. En revanche, il n’y a pas, comme dans le secteur hospitalier, d’obligations de certification qui inclurait des critères en termes de développement durable.
CO2 et énergie
Les Ehpad connaissent ces réglementations et, pour la plupart, ont eu le temps de les assimiler. Ils vont toutefois devoir s’adapter aux obligations issues des lois environnementales dites Grenelle I et Grenelle II1. Par ces textes, la France s’est engagée, d’ici 2020, à réduire de 20 % ses émissions de gaz à effet de serre et à porter la part des énergies renouvelables à au moins 23 % de sa consommation totale d’énergie. Cette ambition, confirmée par la nouvelle ministre de l’Écologie et de l’Énergie Ségolène Royal, impactera l’ensemble des Ehpad puisqu’ils devront participer à un effort écologique collectif. « Les établissements doivent se préparer pour éviter de subir une triple taxation dans les années à venir, insiste Olivier Toma. En effet, le coût de l’énergie a été multiplié par quatre au cours des dix dernières années et pourrait encore augmenter. En outre, conséquence du Grenelle, le prix du kilowatt-heure sera, à terme, fixé au prorata de la consommation de chaque organisation. Plus un Ehpad consommera d’électricité, plus le prix au kilowatt-heure qu’il devra payer sera élevé. Enfin, la mise en place de la Taxe carbone, qui a commencé cette année, affectera lourdement les établissements qui n’auront pas réduit leurs émissions de gaz à effet de serre. » La Contribution climat énergie (CCE) ou Taxe carbone, votée dans le cadre de la loi de Finances 2014, est en effet entrée en vigueur le 1er avril. Elle consiste à lier en partie les taxes sur les énergies polluantes à leur quantité de rejet de gaz carbonique et alourdit la fiscalité sur le gaz naturel, le charbon et le fioul lourd. La taxe sur le gaz a ainsi été fixée à 1,41 euro par mégawatt-heure. Elle sera ensuite relevée à 2,93 euros en 2015 et à 4,45 euros en 2016.
1 • Loi de programmation relative à la mise en œuvre du Grenelle de l’environnement du 3 août 2009 ; Loi portant engagement national pour l’environnement du 12 juillet 2010.
Les Ehpad épousent la cause du développement durable
Chaque année, les structures sanitaires et médico-sociales françaises sont sollicitées pour participer au Baromètre du développement durable en établissement de santé, organisé en partenariat avec les fédérations hospitalières FHF, Fehap, FHP et Unicancer. En 2014, 48 Ehpad ont répondu au questionnaire qui leur a été envoyé. 83,3 % d’entre eux affirment prendre en compte les questions de Développement durable (DD) et 45,83 % les ont intégrées dans leurs projets stratégiques. Les autres estiment que le DD n’est pas un axe identifié ou expliquent qu’il n’est pas pris en charge par manque de temps, d’effectifs voire de financements spécifiques. Les bons élèves agissent prioritairement sur les conditions de travail des salariés (24 %), l’environnement (23,20 %) et le bien-être des résidents (22,40 %). Près de la moitié (43,75 %) des Ehpad ayant répondu à l’enquête ont, en leur sein, une personne dédiée aux questions de DD.
De manière générale, « la dimension humaine et sociale du DD est la plus préemptée dans les Ehpad », vis-à-vis des résidents (dans les soins et la prise en charge) comme des personnels (conditions de travail, prévention des maladies professionnelles), affirment les auteurs de l’enquête. Celle-ci sera dévoilée dans son intégralité lors des Salons de la Santé et de l’Autonomie organisés du 20 au 22 mai 2014.
Egalement au sommaire du dossier
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