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Réflexion Les interviews

 

Didier Salon

« Il n’y a plus de réflexion sur une vision sociale du vieillissement »

Architecte DPLG spécialisé dans l’habitat des personnes âgées, Didier Salon pointe du doigt les obstacles et les lacunes en matière de conception architecturale des Ehpad.

Quelles sont les conditions requises pour réussir un projet architectural d’Ehpad ?

Didier Salon : Un projet architectural n’est pas un processus purement linéaire, c’est un cheminement à double sens entre l’architecte et les différents publics qui vont s’approprier le bâtiment. Malheureusement, dans le cadre des commandes publiques, il y a peu de programmistes qui s’intéressent à la question de la gérontologie et à la vie des personnes âgées en établissement. Il n’y a pas de mise en perspective mais seulement une vision limitée à la fonctionnalité de l’établissement, complètement déconnectée du mode de vie des résidents.

La réglementation et les nombreuses normes à respecter ainsi que les limites budgétaires sont-elles des freins à la créativité dans la conception architecturale des établissements ?

D. S. : Depuis dix ans, on assiste à une accélération incroyable des contraintes et de la réglementation. La réforme de la tarification a préfiguré une nouvelle organisation de l’espace, en particulier avec le ratio personnel-résidents. Puis, il y a eu la réglementation incendie et la loi 2005 sur l’accessibilité. En outre, à partir du 1er janvier 2013, tous les établissements devront adopter la  Réglementation thermique (RT) 2012 qui est trois fois plus contraignante que la RT 2005. A cela s’ajoute, la réglementation particulière des bâtiments de France etc. Il nous faut également prendre en compte les contraintes du site et les incidences sur l’espace.

Depuis la réforme de la tarification, on assiste à deux phénomènes : une augmentation réglementaire qui s’est appuyée sur le contrôle de gestion de plus en plus poussé à l’image du modèle du système hospitalier ; une médicalisation du fonctionnement du fait de pathologies de plus en plus lourdes des résidents.

Par exemple, pour concevoir un jardin dans un établissement, il faut qu’il soit thérapeutique sinon, il n’entre dans aucune ligne budgétaire.

Vous avez coécrit, en 2006, un ouvrage intitulé Peut-on habiter une maison de retraite ? Vous pointiez alors du doigt le fait qu’habiter, ce n’est pas seulement être hébergé et logé. Depuis, la situation a-t-elle évolué ?

D. S. : L’idée de faire de l’Ehpad une alternative au domicile a perdu tout son sens. Désormais, le discours dominant est celui de la médicalisation. De fait, l’Ehpad devient un sous-produit de l’hôpital. Au sein des établissements, le résident est de plus en plus perçu comme une personne qui peut être à l’origine d’une accumulation de risques (risque de fugue, risque de défenestration, risque d’incendie s’il fume dans sa chambre etc.). À cela s’ajoute un manque de réflexion et de connaissance des troubles cognitifs. On continue à construire des unités Alzheimer comme il y a quinze ans !  Il n’y a plus de réflexion sur une vision sociale du vieillissement, une approche globale de la question de l’habitat des personnes âgées et un raisonnement en termes de territoires gérontologiques.

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