Pour le Président de la Fédération nationale des associations de directeurs d’établissements et services pour personnes âgées (Fnadepa), la question des Ehpad d’obédience religieuse et de leur essor futur est indissociable d’une réflexion sur le type de société que l’on souhaite promouvoir.
Les établissements confessionnels sont-ils dans une phase de croissance ? Comment appréhendez-vous le phénomène ?
Claudy Jarry : D’abord, il faut rappeler qu’aujourd’hui, nous n’avons plus la possibilité de créer des établissements. En outre, il sera, à l’avenir, beaucoup plus compliqué de faire évoluer les structures en place vers des demandes singulières. Surtout, il faut se poser une vraie question face à ces demandes hétéroclites : le principe à respecter est-il le vivre ensemble et l’obligation pour une institution de s’adapter à toutes les aspirations ou bien mise-t-on sur des structures « spécialisées », peut-être même ghettoïsantes ? Aujourd’hui, cette problématique est posée non pas sous l’angle de la religion – cela va venir – mais par des groupes de pression et de lobbying. Nous avons par exemple été interpellés au sujet des populations homosexuelles ou porteuses du VIH et qui s’estiment victimes d’ostracisme. Idem en ce qui concerne les personnes qui ont été condamnées à des peines de prison ou ayant vécu dans la rue. Peut-on aujourd’hui les placer dans une maison de retraite ? Y seront-elles acceptées et quelles réactions cela risque-t-il de provoquer chez les autres résidents ?
Certes mais les autorités religieuses chrétiennes, musulmanes et juives font-elles pression pour que des établissements confessionnels voient le jour ?
C. J. : Oui. Je pense que c’est une préoccupation de nouveau émergente. Cela avait été le cas dans le passé puis cela s’était un peu tassé car du côté de la religion dominante en France, en l’occurrence les catholiques, la pratique était moins ardente. Les choses se sont donc un peu étiolées et beaucoup d’établissements qui étaient gérés par des religieuses ont ainsi été repris par des opérateurs classiques. Aujourd’hui, on peut imaginer que dans notre société, cette demande croisse de nouveau. D’ailleurs, il existe déjà des établissements d’obédience musulmane, juive etc. mais, pour l’instant, nous sommes incapables de quantifier les demandes propres à chacune des religions.
Quels enjeux recèlent-elles ?
C. J. : Jusqu’à présent, on s’était plus ou moins adapté à une société qui était structurée d’une certaine manière depuis très longtemps. Aujourd’hui, nous allons devoir faire face à des demandes singulières. Comment traiter ce sujet ? A titre personnel, je suis plutôt partisan de la formule du vivre ensemble au sein d’un même établissement car cela correspond à la réalité historique de notre pays. Cependant, toute la question est de savoir jusqu’où l’on peut aller. Plus largement, la question de l’immigration et celle des doses d’inclusion sociale se posent. Si l’on est face à une population massive attachée à une pratique religieuse donnée ou à une culture issue des pays dont elle est originaire, peut-être est-il alors préférable d’avoir de structures spécialisées car une structure lambda de pourra pas s’adapter à toutes ces demandes. Du coup, elle fera un peu tout mais rien de bien. Enfin, on ne peut pas aborder ce sujet à l’échelon national. Il convient de l’appréhender au regard de deux paramètres : d’abord, par territoire ou zone géographique car on ne peut pas, par exemple, envisager la même chose à Marseille ou dans la Creuse ; ensuite, par type de population, selon qu’elle est plus ou moins vieillissante et au regard de sa culture.