Coup de théâtre à la Fédération française des associations de médecins coordonnateurs en Ehpad (Ffamco). Le 19 mai, lors de l’Assemblée générale, plusieurs administrateurs dont des membres fondateurs et trois vice-présidents, ont désavoué le rapport moral et financier de la Fédération. En désaccord avec les orientations prises par la Présidente, Nathalie Maubourguet, les dissidents ont annoncé, dans la foulée, leur démission. Quelques jours après, ils ont officialisé la création d’une nouvelle entité pour représenter les médecins coordonnateurs et le secteur médico-social sur la base « d’un changement éthique nécessaire ». Celle-ci s’appellera Mcoor (Association nationale des médecins coordonnateurs et du secteur médico-social) et sera dirigée par Gaël Durel. Stephan Meyer, ancien vice-Président de la Ffamco, et Nathalie Maubourguet, actuelle Présidente de la Fédération, reviennent sur les raisons de cette séparation.
“Nous voulons travailler de façon concertée”
Pourquoi avez-vous quitté la Ffamco ?
Stephan Meyer : La Ffamco a été créée il y a dix ans et correspondait à un véritable besoin : en l’occur- rence, une expertise gériatrique dans le médico-social. Nous avons beaucoup œuvré pour faire reconnaître et grandir cette fédération. Aujourd’hui, nous la quittons car notre Présidente, Nathalie Maubourguet, n’a pas considéré l’intérêt d’une collégialité des décisions au niveau du Conseil d’administration. Cela fait trois ans que nous tirons la sonnette d’alarme. Nos adhérents nous quittent au fur et à mesure ! De 45 en 2010, nous sommes passés à moins de 30 en 2015. Les médecins coordonnateurs ne se sentent plus concernés par notre représentativité. C’est dommage car nous étions re- connus au sein des instances gériatriques mais aussi auprès de l’Anesm (Agence nationale de l’évaluation et de la qualité des établissements et services sociaux et médico-sociaux) et de la HAS (Haute autorité de san- té). Dans ce contexte, le 19 mai, lors de l’Assemblée gé- nérale, nous avons refusé de voter le rapport moral et financier pour dénoncer des dysfonctionnements entre ce qui avait été acté en Conseil d’administration et ce qui était appliqué dans la réalité.
Quel est l’objectif de votre nouvelle organisation baptisée MCCOR ?
S. M. : Nous ne sommes pas partis par dépit ni par démotivation mais par conscience du travail qui reste à accomplir dans le secteur médico-social. Nous voulons travailler de façon concertée : c’est la forme que nous récusons et non le fond. Nous souhaitons repenser la place du médecin coordonnateur dans le paysage gériatrique. Nous sommes en train, avec des associations qui ne faisaient plus partie de la Ffamco, d’écrire un livre blanc des besoins de cette profession. L’objectif est d’extrapoler ce que devrait être le référentiel métier afin d’avoir une vision collégiale de la prise en charge des personnes âgées dans le futur. Dans ce contexte, nous avons fondé, le 20 mai dernier, une nouvelle entité représentative. Elle sera mise en place à l’été et devrait être parfaitement opérationnelle lors du congrès de la Société française de gériatrie et gérontologie (SFGG), à la rentrée. Une assemblée constitutive est prévue en septembre. Son nom est déjà acté : MCoor pour Association nationale des médecins coordonnateurs et du médico-social. Nous sommes optimistes car beaucoup de régions nous ont fait part de leur sou- hait de nous rejoindre (Lorraine, Provence-Alpes-Côte d’Azur, Limousin, Bretagne, Île-de-France).
Quelle sera la ligne directrice de MCoor ?
S. M. : Notre association a pour objectif de réunir et d’informer les médecins intervenant dans le champ médico-social, devant toutes les instances ou orga- nismes représentatifs, d’assurer dans chaque région un rôle de coordination et de transmission des dossiers concernant l’avenir, l’évaluation, la dépendance et la fragilité des adultes et du grand âge vivant en institu- tion ou au domicile. MCoor s’est également fixé un but de recherche mais aussi de participation à des études ou à des travaux dans les domaines de la dépendance, du grand âge et de l’évolution du secteur, en particu- lier les apports de la domotique, la télémédecine, les évaluations ou encore la gestion des situations de crise et des urgences. Elle s’engage aussi à apporter son concours à des programmes de recherche en géronto- logie et en gériatrie, en partenariat avec le secteur uni- versitaire, sur des thèmes indispensables à l’évolution d’une prise en charge bientraitante. Nous souhaitons enfin assurer et proposer des formations de terrain indispensables à ce secteur en pleine évolution.
Sur quels sujets avez-vous prévu de travailler à la rentrée ?
S. M. : Les sujets prioritaires que nous avons décidé d’aborder sont l’évaluation gériatrique, les réflexions éthiques et bientraitantes sur l’évolution du secteur médico-social en sachant que seule l’innovation per- mettra d’optimiser une prise en charge « écologique » à moyens constants avec des personnels motivés et formés. En effet, l’avenir du secteur médico-social est lié à l’augmentation non seulement de la dépendance et du grand âge mais également à la prise en charge d’une population présentant des pathologies aigües non stabilisées en raison de durées d’hospitalisation de plus en plus courtes dans les services de soins de suite. De plus, la politique de maintien à domicile va faire des Ehpad des structures gériatriques relais au seins des- quelles le médecin coordonnateur se verra investi de nouvelles missions. Il nous revient donc de définir des modalités de cette nouvelle donne. A l’heure actuelle, beaucoup de médecins coordonnateurs se sentent iso- lés dans leur Ehpad. Notre association leur donnera des moyens et des outils ainsi que des espaces d’échanges pour optimiser leur travail.
Ne pensez-vous pas que deux organisations représentatives des médecins coordonnateurs risquent de brouiller le message auprès des tutelles ?
S. M. : Non car le nombre d’établissements et donc de bénéficiaires des soins et des personnels est extrê- mement important. Plusieurs possibilités de travail ne seront donc pas superflues d’autant qu’il existe aujourd’hui des instances nationales regroupant déjà tous les professionnels du secteur (SFGG, CPGF, syndi- cats…). Elles sont les garantes d’une action harmo- nieuse.
Propos recueillis par Julie Martinetti
On ne peut pas dire que la Ffamco va mal
Comment avez-vous ressenti le départ de plusieurs membres du conseil d’administration de la Fédération que vous dirigez ?
Nathalie Maubourguet : J’ai été étonnée par la méthode car l’Assemblée générale avait été préparée en Conseil d’administration. J’ai considéré cela comme une sorte de mini-putsch. Je ne sais pas ce qu’il s’est passé ni quelles ont pu être les pressions en interne. Cela m’a donné l’impression que l’on ne voulait pas d’élection, que l’on empêchait le renouvellement du conseil d’administration. Honnêtement, je ne sais pas pourquoi ils sont partis. J’ai trouvé dommage que [les dissidents] fassent ce grand déballage.
Que répondez-vous aux griefs qui vous sont faits quant à votre manière de présider ?
N. B. : Nous sommes tous bénévoles : tout ce que nous faisons pour la Fédération se fait sur nos temps de repos. Si j’avais voulu m’accaparer le pouvoir, je n’aurais pas organisé de réunions du Conseil d’admi- nistration tous les mois alors que les statuts en exi- gent deux par an. Je n’aurai pas décidé de faire élire cinq vice-présidents, un secrétaire adjoint et un tré- sorier adjoint. Si j’avais voulu écarter les gens, j’aurais pu le faire.
Comment expliquez-vous la signature de la convention sur l’Hospitalisation à domicile (HAD) sans concertation avec votre Conseil d’administration ?
N. B. : Cette convention coordonnée par la Fédéra- tion nationale des établissements d’hospitalisation à domicile (Fnehad) a été signée par huit fédérations. Elle a fait un effort important pour produire un docu- ment qui inscrit dans le marbre ses bonnes intentions de collaborer avec nous à l’avenir. Mais je ne l’ai reçue qu’une quinzaine de jours avant la signature prévue. Je l’ai donc envoyée par mail au Conseil d’adminis- tration (CA). Je ne voulais pas saper le travail de la Fnehad sous prétexte que mon Conseil d’administra- tion était déjà passé et que je ne pouvais pas le faire signer. Certains m’ont répondu que cette convention était tout à fait pertinente, d’autres que c’était hors délai. En dépit de cette courte échéance et comme je ne voulais absolument pas casser la dynamique positive instaurée, j’y suis allée avec la validation de la majeure partie de mon CA. En effet, je trouvais inapproprié, en tant que médecin, de m’interposer face à une promesse d’une amélioration de la qualité des soins en limitant l’hospitalisation des personnes âgées.
Que change le départ de ces membres pour la Ffamco ?
N. B. : Ça ne change rien du tout si ce n’est mon regret de ne plus collaborer avec certaines personnes que j’appréciais. Cela ne modifie en rien l’objectif que nous nous fixions : l’optimisation de la fonction de médecin coordonnateur pour améliorer la qualité des soins des personnes âgées. Cela n’impacte que très peu l’organisation de la Ffmaco car beaucoup d’asso- ciations nous soutiennent encore. Nous verrons leur réaction. En revanche, cela brouille le paysage aux yeux des institutions et des tutelles alors même que la Ffamco s’est toujours voulue apolitique. Je suis plus inquiète de la lisibilité que cela donnera à la gériatrie en général. Cette initiative a pour effets de multiplier les instances et de créer de la zizanie dans les spécialités alors que les ministères ont besoin d’interlocu- teurs clairement identifiés sur des sujets importants comme la canicule, les infections liées aux soins etc.
Les dissidents soulignent que vous avez perdu beaucoup d’adhérents …
N. B. : C’est faux. 45 associations nous avaient re- jointes lors de la création de l’association suite à une importante campagne de communication en faveur de la création d’associations. Depuis 2007, 13 asso- ciations ont périclité. Cette année, nous avons battu notre record car, au mois de mai, 31 associations avaient déjà payé leur cotisation. On ne peut donc pas dire que la Ffamco va mal. Par ailleurs, avec la loi Bertrand, beaucoup de nos partenaires ont limité leur soutien logistique auprès des associations.
Quelles sont les perspectives des médecins coordonnateurs dans ce contexte ?
N. B. : Les récents évènements ne changent pas le cap du nouveau Conseil d’administration. Nous constatons en effet que le besoin de coordination des soins est important dans nos établissements et aussi en matière de handicap. Notre souhait, à la Ffmaco, est d’homogénéiser les pratiques et la qualité des soins prodigués aux plus fragiles. Surtout, je ne veux pas que nous propagions une communication néga- tive sur la profession. La Ffamco a réussi en moins de six ans à faire bouger les lignes de la profession, ce qui est une performance, car nous sommes un labo- ratoire d’idées avec des membres aux profils variés. Aujourd’hui, je vois les médecins coordonnateurs comme de véritables experts gériatriques de terrain. Nous devons désormais travailler sur un diplôme national afin que le médecin coordonnateur puisse travailler comme un spécialiste.
Propos recueillis par J. M.