La filière de la silver économie a été lancée officiellement le 24 avril 2013 en présence d’Arnaud Montebourg, alors ministre du Redressement productif, et de Michèle Delaunay, ministre déléguée en charge des Personnes âgées et de l’Autonomie. L’objectif ? Mieux coordonner les différents acteurs de cette filière – industriels, utilisateurs, autorités publiques etc. – pour promouvoir et aider à diffuser les technologies et les services destinés aux personnes âgées. L’allongement de la durée de la vie fait en effet de cette filière un moteur de croissance pour l’économie française. Que s’est-il passé depuis ? Les Ehpad, censés figurer parmi les premiers destinataires de cette filière, en ont-ils bénéficié ?
Dossier réalisé par Laure Martin, Nathalie Ratel et Alexandre Terrini
Depuis le coup d’envoi officiel de la Silver économie, un contrat d’engagements réciproques entre le Gouvernement et les entreprises agissant pour et/ou avec les personnes âgées a été signé fin 2013. Celui-ci est structuré autour de six axes comportant une dizaine de « silver actions » pour « faire de la silver économie une véritable filière industrielle » et « positionner la France comme l’un des leaders mondiaux de ce secteur ». Quelles sont ces actions ? Mettre en place des normes et des labels pour les produits et les services issus de la silver économie, créer un réseau national des clusters de la silver économie, identifier les futurs métiers et les besoins de formation liés au vieillissement de la population, créer des MOOC (cours en ligne) pour la silver économie etc.
Une priorité maintenue
« Plus d’un an après sa signature, le contrat d’engagements réciproques reste la feuille de route de l’ensemble des acteurs de la filière, insiste le cabinet de Laurence Rossignol, secrétaire d’État chargée de la Famille, des Personnes âgées et de l’Autonomie. Un état d’avancement des actions prévues dans le contrat est en cours et devrait prochainement permettre de réunir les membres du comité de filière relatif à la silver économie1 et ce, afin de poursuivre la mise en œuvre des actions. »
Parmi les premières réalisations concrètes, figurent l’édition d’un annuaire recensant 700 entreprises de la silver économie, la création d’une Silver valley ou encore le déploiement de la silver économie au sein de cinq régions pilotes : la Basse-Normandie, l’Aquitaine, le Nord-Pas de Calais, la région Midi-Pyrénées et la Martinique (voir encadré). L’objectif étant d’aboutir, d’ici 2016, à la création d’un comité de filière par région, animé par le Conseil régional ou ses émanations telles que les agences de développement régional.
Par ailleurs, les 15 et 16 décembre derniers, Laurence Rossignol a profité d’un déplacement à Berlin pour rencontrer ses homologues allemands en charge de la Dépendance et des Personnes âgées afin de relancer le projet de silver région franco-allemande (ou Silver Rhin). En ligne de mire : la création d’un réseau d’entreprises situées de part et d’autre du Rhin et spécialisées dans les technologies destinées au grand âge.
Et les Ehpad ?
Les Ehpad peinent encore à trouver leur place au sein de ce foisonnement d’actions. « Les innovations, les produits développés par la silver économie concernent tous les domaines de la vie d’une personne âgée, rappelle toutefois le cabinet de la secrétaire d’État. Il existe aujourd’hui un certain nombre de dispositifs mis au point par le secteur pour les Ehpad : par exemple, la domotique n’est pas réservée exclusivement aux domiciles particuliers. » À supposer qu’ils aient les moyens de pouvoir accéder à ces technologies… À eux, donc, de se mobiliser pour constituer de véritables laboratoires destinés à tester et à perfectionner les produits destinés à leurs résidents comme à leurs équipes.
La silver économie, levier de la loi sur le vieillissement
« Les enjeux portés par l’accroissement du nombre de personnes âgées au sein de notre société » font de la silver économie « l’un des instruments d’une politique plus globale d’adaptation de notre société au vieillissement », souligne le cabinet de Laurence Rossignol, secrétaire d’État chargée des Personnes âgées et de l’Autonomie. C’est pourquoi le projet de loi d’adaptation de la société au vieillissement, en cours d’adoption, prévoit une enveloppe de 140 millions d’euros pour les aides techniques parmi lesquelles les innovations issues de la silver économie pourront trouver leur place. « La loi, par le biais de mesures favorables à la diminution du reste à charge des personnes âgées et de leur famille, via la revalorisation de l’Allocation personnalisée d’autonomie (Apa) ou une meilleure solvabilisation des aides techniques, contribuera à l’émergence d’une demande plus forte de produits nouveaux » et, dans le même temps, « permettra aux plus modestes l’accès aux avancées de la silver économie », ajoute l’équipe de Laurence Rossignol.
Les silver régions s’organisent
> En Midi-Pyrénées, le plan régional silver économie 2014-2016 comporte douze actions structurées autour de trois axes pour soutenir l’innovation et les transferts de technologie, enrichir l’offre de formation des professionnels de la filière ou encore accompagner les entreprises dans leurs démarches de labellisation de leurs produits. Au total, 15 millions d’euros seront débloqués par la Région dans le cadre de ce plan pour, entre autres, accompagner des entreprises et financer des projets innovants. « Notre but n’est pas d’aider financièrement les Ehpad de la région, précise Michel Boussaton, conseiller délégué aux Formations sanitaires et sociales et aux Services au public au sein du Conseil régional. En revanche, s’ils sont porteurs de projets innovants en matière de silver économie, ils pourront bénéficier de fonds. »
> En Basse-Normandie, six groupes de travail (e-santé, tourisme, mobilité, habitat, services à la personne, nutrition) composés de représentants publics et privés de l’écosystème de la silver Normandie ont été constitués. « Au sein de ces groupes, nous travaillons par exemple avec des entreprises spécialisées en e-santé et en domotique pour développer des objets connectés et des appareils à commande vocale ou encore avec des entreprises du secteur agroalimentaire pour développer des produits adaptés aux plus de 60 ans tels que des gammes de pâtisseries protéinées labellisées et accessibles au grand public », précise Raphaël Chauvois, vice-Président chargé de l’Économie et du Tourisme au Conseil régional. Autant de produits dont les Ehpad pourront à terme bénéficier. En outre, deux Ehpad testent actuellement les nouveaux produits développés par un pôle de compétitivité centré autour du numérique et de l’électronique (connexion numérique dans les chambres, réseau interne d’information etc.). Par ailleurs, le 6 mai prochain, aura lieu un forum de rencontres entre entreprises innovantes et utilisateurs auquel les Ehpad pourront participer.
> « L’Aquitaine, troisième silver région a avoir vu le jour, va devenir une très grande région en se regroupant avec le Limousin et le Poitou-Charentes, souligne Michèle Delaunay, députée de Gironde et figure de proue de la silver économie en France. Nous travaillons d’ores et déjà à l’extension du concept de silver région à ces deux territoires pour que la silver économie soit un atout majeur de cette future grande région qui sera la plus “vieille“ de France avec d’ores et déjà 28 % de personnes âgées de plus de 60 ans. » Le futur Ehpad universitaire de Bordeaux, adossé au CHU de Bordeaux, sera – en tout cas, c’est le souhait de Michèle Delaunay – l’une des vitrines de ce que peut apporter la silver économie aux Ehpad en termes de formation des équipes (via des serious games et d’autres outils technologiques/numériques), de prise en soin des résidents (équipements destinés à l’animation, à la stimulation cognitive et au confort) ou de communication entre membres du personnel ou entre les résidents et les familles.
Sommaire du dossier
Silver économie : un bilan en demi-teinte mais de réelles perspectives
Benjamin Zimmer : « Les Ehpad sont globalement innovants »
La silver économie, une opportunité pour les Ehpad