Comment créer une unité Alzheimer ?
Les résidents atteints de la maladie d’Alzheimer ou de troubles apparentés compliqués de symptômes psycho-comportementaux nécessitent une prise en charge spécifique. C’est pourquoi de plus en plus d’établissements se dotent d’une unité de soins adaptés à ce public. Un projet qui doit répondre à plusieurs critères.
Près des trois quarts des résidents des établissements accueillant des personnes âgées dépendantes souffrent de la maladie d’Alzheimer ou de pathologies apparentées. La sévérité et/ou la persistance des symptômes psycho-comportementaux (apathie, agressivité, agitation, errance, incompréhension, sentiments d’anxiété et d’insécurité, difficultés d’expression) compromettent la qualité de vie de ces résidents et leur sécurité ainsi que celles des autres personnes âgées.
Et ne sont pas compatibles avec leur maintien au sein de l’unité traditionnelle de l’Ehpad. De fait, le développement des unités protégées Alzheimer vise à répondre aux besoins spécifiques de ces malades et à leur garantir un environnement sécurisé et stable.
Cinq critères sont nécessaires pour définir une unité spécifique Alzheimer en Ehpad :
1. Une population ciblée. Des personnes âgées souffrant de la maladie d’Alzheimer ou d’un syndrome apparenté compliqué(e) de symptômes psycho-comportementaux dits productifs, gênants ou perturbateurs.
2. Un personnel en nombre suffisant, qualifié, volontaire, formé et soutenu. Outre les infirmières, les aides-soignants ou les aides médico-psychologiques et les agents de service hospitaliers, il faut envisager l’intervention régulière de professionnels tels que des animateurs, des ergothérapeutes, des psychomotriciens, des psychologues, des diététiciens, des arthérapeutes…
3. Un projet spécifique de soins et un projet de vie personnalisé afin d’optimiser la qualité de vie des résidents et de leur entourage. L’équipe pluridisciplinaire (médecin coordonateur, psychologue, infirmiers, aides médico-psychologiques, aides-soignantes, animateurs…) fonde son action sur un projet global établi conjointement et en accord avec la direction. Selon le rapport du groupe de travail du Gérontopôle de Toulouse établi en 2008, les principaux axes du projet de soins sont : discuter et évaluer l’intérêt d’un traitement spécifique ; détecter, prévenir et traiter les symptômes psycho-comportementaux ; favoriser et stimuler l’utilisation des capacités restantes ; lutter contre la dénutrition ; prendre en charge les comorbidités et considérer les aspects éthiques.
4. Un environnement architectural adapté et indépendant du reste de la structure. Les aménagements architecturaux et esthétiques doivent permettre aux malades désorientés une circulation et un repérage aisés, protéger leur bien-être émotionnel et réduire leur agitation. En outre, l’environnement ne doit pas produire de surstimulations sensorielles, génératrices de troubles psycho-comportementaux.
5. Une participation de la famille et un programme d’aides… aux aidants. Lors d’entretiens avec l’équipe, la famille doit être informée des modalités de l’accompagnement personnalisé du résident ainsi que de l’évolution de la maladie.
« Il faut compter une année pour créer une unité de soins Alzheimer »
Le docteur Gaël Durel, médecin-coordonnateur et intervenant à l’Association nationale de formation et gérontologie, détaille les précautions à prendre pour garantir la réussite d’un tel projet.
Ehpad Magazine : Quels sont les points particuliers à observer avant de lancer ce genre de projets ?
Gaël Durel : Il est nécessaire de redéfinir le projet d’établissement pour savoir quelle place accorder aux résidents atteints de la maladie d’Alzheimer. L’équipe (médecin coordonna- teur, Assistant de soins en gérontologie (ASG), infirmières, aides-soignantes, aides médico- psychologiques…) doit rédiger un projet de soins et de vie spécifiques. Deux à trois mois sont nécessaires pour définir ce projet. Il est capital de bien définir les critères d’entrée et de sortie de l’unité Alzheimer déterminés par le médecin traitant, le médecin coordonnateur, la famille et le résident. Si les critères d’entrée sont faciles à établir, il n’en va pas de même pour les critères de sortie. Par exemple, si la charge de soins du résident devient plus importante ou s’il y a une aggravation brutale et non expliquée des troubles du comportement, il faudra envisager son transfert dans une autre unité. La perte d’autonomie du résident peut l’empêcher de participer aux activités et animations spécifiques de l’unité Alzheimer et justifier de fait sa sortie. Dans la majorité des cas, si les critères de sortie n’ont pas été clairement définis, la famille refusera la sortie de l’unité du résident. Enfin, il est nécessaire de réfléchir à la question de la prise en charge palliative.
E. M. : Combien de temps nécessite la mise en place d’une unité Alzheimer ?
G. D. : Trop de projets sont encore montés à la va-vite. Il faut bien compter une année pour créer une unité de soins Alzheimer qui respecte les résidents, la motivation du personnel et les contraintes budgétaires. Il est recommandé d’aller visiter d’autres établissements pour voir le fonction- nement de ce type d’unités. Le projet ne doit pas être trop ambitieux car il est difficile de définir à l’avance l’évolution de l’état des résidents. Il y a des déclineurs longs et des déclineurs rapides. De fait, en un an, on peut avoir une population disparate. Par ailleurs, la formation du personnel est un élément essentiel au bon fonctionnement de l’unité. L’équipe doit avoir des connaissances de base des soins gériatriques, une formation indispensable sur la maladie d’Alzheimer sans oublier la formation spécifique des assistants de soins en gérontologie. Si un seul des intervenants n’est pas formé, il peut mettre en péril le projet. Le personnel doit être opérationnel dès le départ, sinon c’est l’échec.Enfin, l’architecture doit être adaptée aux troubles productifs : déambulation et errances. L’impératif est d’avoir deux salles d’activités, dont une pour pouvoir isoler un résident en cas de troubles, avec une isolation phonique renforcée dans une salle.
E. M. : Comment évaluer la qualité ?
G. D. : Les critères de qualité sont multiples. On peut diminuer l’Inventaire neurospsychiatrique (NPI), c’est-à-dire les troubles productifs comportementaux, grâce à la prise en charge. La baisse de la prescription de psychotropes et d’anxiolytiques est également un indicateur à prendre en compte. L’adhésion des familles au projet de soins et au projet de vie est importante. Elles doivent être intégrées au projet spécifique par le psychologue ou du groupe d’entraide qui lui présentent ledit projet.
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