Les soins de bouche des personnes âgées en perte d’autonomie et éventuellement en soins palliatifs revêtent toutes les dimensions du soin : la prévention (des douleurs, de la dégradation de l’état buccal et, au-delà, de l’état général de l’organisme) et l’évaluation (de l’état de la bouche et des fonctions oratoires), sans oublier l’éducation des personnes afin qu’elles puissent reproduire certains gestes tant qu’elles en ont la force. Des soins que les infirmiers des Ehpad, voire les aides-soignants, ne doivent pas négliger.
« Le soin de bouche est le soin de confort par excellence, affirme Catherine Marchand, infirmière coordinatrice au sein de l’équipe mobile de soins palliatifs du pôle gériatrique rennais du groupe d’établissements sanitaires et médico-sociaux UGECAM. En effet, si l’on veut aider la personne à conserver son estime de soi et sa dignité, il faut l’aider à garder une bouche la plus saine possible. Et ce, pour des raisons tant esthétiques que sociales. Car si la personne a une bouche ayant mauvais aspect ou malodorante, cela risque d’altérer ses relations avec autrui. Enfin, sans soins de bouche, elle risque de ressentir des douleurs, de l’inconfort, une sensation de sécheresse buccale etc., ce qui peut l’empêcher de s’exprimer correctement mais aussi de mâcher et de déglutir. D’où le risque de fragilisation accrue du corps, ce qui augmente le risque de chute et accélère la perte d’autonomie. » Sans compter qu’une infection non repérée et non traitée au niveau des dents ou des gencives peut entraîner une infection généralisée de l’organisme.
Prévention
Le rôle de l’infirmier et même de l’aide-soignant auprès du résident en perte d’autonomie est donc de prévenir les infections et les douleurs orales pour maintenir les fonctions oratoires (communication, respiration, alimentation, digestion). Cela passe par le brossage – avec une brosse souple ou une compresse imbibée de solution de rinçage – des dents, de la langue et de l’intérieur des joues de la personne si celle-ci n’est plus à même de le faire elle-même, soulignent Isabelle Graves et Virginie Moulliard, Idel à Saint-André-de-l’Eure (Eure). Si elle possède une prothèse dentaire amovible, il convient de la retirer, de la brosser et de la tremper 15 minutes dans un verre d’eau tiède avec un bactéricide, fongicide et/ou virucide ou dans une préparation de bicarbonate de sodium effervescent.
La prévention passe aussi par une vigilance de tous les instants concernant d’éventuelles anomalies. La première étape consiste à s’enquérir auprès du résident et/ou de sa famille des symptômes ressentis : douleur, modification du goût, dysphagie (sensation de gêne ou de blocage ressentie au moment de l’alimentation), mauvaise haleine, voix rauque, brûlures, saignements, gerçures des lèvres, plaies aux commissures des lèvres… « Le fait d’avoir du mal à avaler et d’avoir perdu le goût des aliments peut signifier que les papilles gustatives sont atteintes et que la personne développe une mycose dans la bouche », précise Catherine Marchand. Et de rappeler que l’infirmier doit également être attentif aux effets secondaires (mycose et sécheresse buccales etc.) que peuvent avoir certains traitements tels que la chimiothérapie ou l’association de corticoïdes et d’antibiotiques.
Examen
La seconde étape est celle de l’examen de la bouche – avec l’accord du résident – destiné à repérer d’éventuelles rougeurs, dépôts blanchâtres, plissures de la langue, ulcérations, brûlures, sécheresse etc. Auquel cas, le médecin coordinateur et le médecin traitant devront être immédiatement prévenus. Figurent parmi les diagnostics fréquents : la candidose (muqueuses vernissées, dépôts blanchâtres), la perlèche (lésion cutanée inflammatoire située sur les commissures des lèvres) ou encore l’hyperkératinisation (langue noire). Pour ce type d’examen, il est bien sûr nécessaire de se laver les mains et de porter des gants, d’utiliser une source lumineuse suffisante avec un faisceau directionnel et de se servir d’un abaisse-langue ou du manche d’une cuillère à café. Il faut faire ouvrir doucement la bouche, enlever la prothèse dentaire s’il y en a une. Puis commencer par observer les lèvres et les commissures avant de regarder l’intérieur des joues, la langue, le palais et la gorge. Un examen qui n’est pas si aisé que cela. « Lorsque l’on touche à la bouche, on touche à l’intimité », reconnaît Catherine Marchand.
Soin
En tout état de cause, si des soins de bouche sont nécessaires (bains de bouche, traitements locaux, application d’un baume ou de vaseline sur les lèvres…), il faut suivre le protocole validé par le médecin. L’important est d’obtenir la participation de la personne soignée si celle-ci est consciente, ne serait-ce qu’en lui demandant de maintenir une compresse dans la bouche. Il est indispensable d’expliquer le déroulé du soin au résident et de le prévenir préalablement à tout acte même s’il est inconscient car l’inconscience peut être fluctuante, rappellent Isabelle Graves et Virginie Moulliard.
Nathalie Ratel
Pour aller plus loin
- Le protocole « Soins de bouche : stratégie de prise en charge » élaboré par le réseau de santé ville-hôpital SPES, disponible sur le site www.reseau spes.com (rubrique « Espace pro » puis « Protocoles »).
- Le protocole « Soins de bouche » rédigé par le groupe de travail infirmier de l’Association de soins palliatifs d’Alsace du Nord (Aspan) disponible sur le site www.soinspalliatifs-alsace.fr (rubrique « protocoles »).
Le soin de bouche, une compétence infirmière
« Dans le cadre de son rôle propre, l’infirmier ou l’infirmière accomplit les actes ou dispense les soins (…) visant à identifier les risques et à assurer le confort et la sécurité de la personne et de son environnement et comprenant son information et celle de son entourage » tels que les « soins de bouche avec application de produits non médicamenteux » (article R. 4311-5 du Code de la santé publique). L’infirmier est également habilité à pratiquer « soit en application d’une prescription médicale qui, sauf urgence, est écrite, qualitative et quantitative, datée et signée, soit en application d’un protocole écrit, qualitatif et quantitatif, préalablement établi, daté et signé par un médecin » les « soins de bouche avec application de produits médicamenteux et, en tant que de besoin, aide instrumentale » (article R. 4311-7).