Les Ehpad constituent des acteurs importants de la prise en charge du grand âge. C’est l’un des maillons essentiels du dispositif mis en place dans le cadre des projets pilotes Paerpa (Personnes âgées en risque de perte d’autonomie), avec une évolution substantielle du rôle et du périmètre de ces établissements. Mais les moyens ne sont pas toujours à la hauteur des enjeux. Témoignage.
Vice-Président de la Fédération française des associations de médecins coordonnateurs en Ehpad (Ffamco), le Docteur Stephan Meyer est coordonnateur et Président de l’association des médecins coordonnateurs de la Haute-Vienne, une région expérimentatrice de ces parcours de santé d’un nouveau type. Elle présente également la particularité d’être la plus âgée de France et l’une des plus vieilles d’Europe avec une population très rurale caractérisée par un souhait de vieillir à domicile très prononcé. C’est dire les enjeux auxquels, localement, il faut faire face et le bien-fondé, à cet égard, de la démarche dont est imprégnée le projet Paerpa. Pour le Dr Meyer, il est toutefois encore trop tôt pour tirer toutes les leçons de cette expérimentation qui n’en est qu’à ses balbutiements, ne serait-ce que dans l’organisation des structures. Pour autant, il se félicite d’ores et déjà du « décloisonnement de la filière ».
Le médecin coordonnateur, « expert gériatrique local »
Bien sûr, cela n’est pas tout à fait nouveau puisque la coordination faisait en quelque sorte partie, en principe, du patrimoine génétique des médecins coordonnateurs. Mais, dans ce cas précis, le décloisonnement est reconnu aussi bien au niveau national, régional que départemental. Avec, pour le praticien coordonnateur, un rôle d’expert gériatrique local. « Cela signifie que l’Ehpad, en particulier dans les déserts médicaux, va devenir une sorte de maison de santé gériatrique de terrain dont le médecin coordonnateur sera le chef d’orchestre. C’est une véritable extension du domaine des établissements », assure le Dr Stephan Meyer. Les astreintes infirmières de nuit en établissement (voir encadré) devraient contribuer à cette évolution avec une mutualisation des moyens entre Ehpad et, in fine, un meilleur lien avec l’hôpital. « Nous allons bon an mal an vers une remédicalisation du secteur médico-social et cela passera par une réorganisation de la filière », prédit le Dr Meyer tout en reconnaissant que les projets pilotes Paerpa vont tout à fait dans ce sens-là. Une autre évolution tangible s’incarne au travers du déploiement de l’hébergement temporaire pour les personnes âgées en sortie d’hospitalisation. Cela signifie que les Ehpad ne sont plus en bout de chaîne, avec des résidents dont l’autonomie est très dégradée, mais en milieu de parcours, entre l’établissement de soins et le domicile. Cela suffira-t-il pour dédramatiser et faciliter l’insertion en Ehpad ?
Trop d’inconnues dans l’équation
Encore faudrait-il que ces transformations soient effectives. Or, elles vont probablement se faire à moyens constants… « On demande aux établissements d’améliorer les hébergements temporaires d’urgence ainsi que les sorties d’hôpital avec une prise en charge financière pour les patients, souligne le Dr Stephan Meyer. Mais comment prévoit-on de compenser le manque à gagner pour les Ehpad quand ces lits seront vides ? » De la même manière, pour mettre en place des astreintes infirmières de nuit, il faut des locaux, du matériel, du personnel, ce dont manquent les Ehpad. « Il y a encore beaucoup d’inconnues très concrètes pour développer de tels projets même s’ils sont innovants et rassurants pour le respect de la prise en charge des personnes âgées en risque de rupture ou en manque d’autonomie », constate le Dr Meyer.
Le 10 avril dernier, Philippe Calmette, le Directeur général de l’ARS du Limousin affirmait, en clôture du 1er Colloque international des acteurs de l’accompagnement : « La responsabilité des pouvoirs publics, c’est donc de continuer à avancer et à inciter les acteurs du système de santé au décloisonnement qui est encore trop présent dans notre pays. » Mais il reconnaissait dans le même temps qu’actuellement, « nos systèmes de financement ne rémunèrent pas suffisamment les accompagnements, les services rendus aux personnes, la coordination des acteurs ainsi que le travail en équipe ». Pour faire évoluer les prises en charge des personnes âgées, il faut certes une volonté politique, une méthodologie, des acteurs de terrain motivés et une véritable dynamique. Mais l’argent demeure, là aussi, le nerf de la guerre.
Infirmières de nuit et hébergement temporaire
Deux actions phares peuvent être mises en place dans les établissements participant au dispositif Paerpa : tout d’abord, l’organisation d’une astreinte infirmière de nuit qui doit, précise le cahier des charges des projets pilotes, « permettre de réduire ou de retarder le recours au médecin traitant, médecin de garde, à SOS médecins, au Centre 15 et aux hospitalisations en urgence ». En outre, « les médecins coordonnateurs, les cadres de santé et le directeur de l’Ehpad doivent organiser avec les médecins traitants les conditions d’un recours efficace à cette astreinte ». A l’heure actuelle, cette disposition est effective dans un seul territoire mais elle le sera dans six autres d’ici le mois de septembre. Dans les autres cas, les besoins ne justifiaient pas une telle disposition.
Autre action-clef, les Ehpad impliqués dans les projets pilotes doivent, même s’ils ne disposent pas de places d’hébergement temporaire, assurer « la disponibilité de places afin d’assurer la fluidité de la sortie d’établissement de santé dans le cas où le retour à domicile ou l’admission en SSR ne sont pas indiqués ». Avec une prise en charge pendant 30 jours, par la collectivité, du forfait dépendance et du tarif d’hébergement, ce qui ramène le reste à charge de la personne âgée au niveau du forfait hospitalier journalier. Cette disposition est déjà mise en œuvre dans quatre territoires et sera étendue dans quatre autres d’ici l’été. Le dernier site pilote sera opérationnel d’ici la fin de l’année.
Les retours sont d’ores et déjà considérés comme positifs par le ministère de la Santé dans la mesure où cela permet de mieux préparer le retour à domicile des personnes âgées qui ont besoin d’un petit sas d’adaptation pendant les travaux d’adaptation de leur logement ou tout simplement en cas d’indisponibilité temporaire de leur aidant.