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Une médicalisation cahin-caha Dossiers

La médicalisation des Établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad) est l’un des axes majeurs du plan Solidarité Grand Age 2007-2012. Octroi de crédits supplémentaires et amélioration du taux d’encadrement du fait de la dépendance de plus en plus importante des résidents, telles sont les ambitions de ce programme. Cependant, elles ne sont pas toujours réalisables à cause d’un manque de financements…

Dossier Alice Dumont

140 millions de crédits en 2012

En 2011, le gel du renouvellement des Conventions tripartites pluriannuelles (CTP) avait fait grincer des dents l’ensemble des fédérations du secteur personnes âgées. L’année 2012 marque la reprise du processus de médicalisation. Un redémarrage qui ne comblera pas le retard pris.

Dans le cadre de Loi de financement de la Sécurité sociale (LFSS) 2012, 140 millions d’euros de crédits devraient permettre la poursuite – la reprise – du processus de médicalisation des Établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad). Après une année blanche, marquée par le gel du renouvellement des Conventions tripartites pluriannuelles en 2011, et le report de la réforme sur la dépendance, cette nouvelle a été accueillie avec satisfaction par les fédérations gestionnaires de structures. Une satisfaction… en demi-teinte. Ainsi, le 15 novembre dernier, le GR 31, qui regroupe trente-et-une organisations représentant ou intervenant auprès des personnes âgées et des personnes handicapées, n’a pas pris part au vote lors de l’adoption du budget prévisionnel 2012 de la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie. Dans une déclaration préalable, le GR 31 considère notamment que les objectifs quantifiés du plan Solidarité Grand Age concernant les ratios de personnels en Ehpad accueillant les personnes les plus dépendantes « sont aujourd’hui loin d’être atteints »« On serre les budgets de médicalisation des Ehpad alors que l’hospitalisation des personnes âgées coûte beaucoup plus cher à l’Assurance maladie. C’est une gestion à court terme », juge Pascal Champvert, président de l’AD-PA (Association des directeurs d’établissements pour personnes âgées.)

83 000 places à « pathossifier »

Comme l’a reconnu Roselyne Bachelot, ministre de la Cohésion sociale et des Solidarités, cette enveloppe de 140 millions d’euros permettra la médicalisation de 45 % du solde des places des établissements restant à « pathossifier » fin 2011, soit plus de 83 000 places sur les 184 000 qui ne sont pas encore médicalisées. « Les enveloppes anticipées déléguées aux Agences régionales de santé (ARS) à hauteur de 140 millions d’euros seront en priorité consacrées au renouvellement des Conventions tripartites pluriannuelles dites de première génération (celles signées entre 2000 et 2006, ndlr) ou de premier conventionnement », précise Muriel Jamot, adjointe au délégué général, en charge du secteur médicosocial au sein de la Fédération hospitalière de France (FHF). Pour Alain Villez, conseiller à l’Union nationale interfédérale des œuvres et organismes privés sanitaires et sociaux (Uniopss), chargé du secteur personnes âgées, certains Ehpad risquent d’être confrontés aux mêmes difficultés qu’en 2011 : « Avec 140 millions d’euros, on n’épuisera pas le stock des conventions tripartites qui arrivent à échéance. En 2011, à défaut du renouvellement de leur CTP de nombreux établissements se sont retrouvés dans une situation de vide juridique, c’est-à-dire sans autorisation de fonctionnement ».

Avenant de prorogation

Pour parer à cette situation, l’article 68 de la LFSS 2012 prévoit que lorsqu’une convention tripartite ne peut pas être renouvelée avant son arrivée à échéance en raison d’un refus de renouvellement par le directeur de l’Agence régionale de santé ou le président du Conseil général, elle sera réputée prorogée pendant une durée maximale d’un an. « Cet avenant de prorogation ne doit pas être un motif pour pérenniser une situation et renouveler des conventions tripartites à moyens constants. Les modes de calcul de la dotation soins des conventions tripartites de première génération et de celles des conventions de deuxième génération est différent », insiste Florence Arnaiz-Maumé, déléguée générale du Synerpa, fédération de maisons de retraite privées et des établissements pour personnes âgées. La Fehap et le Synerpa ont lancé une enquête auprès de leurs adhérents pour dresser un état des lieux du renouvellement des conventions tripartites. Pour sa part, compte tenu du gel du passage au tarif global, la Fédération hospitalière de France conseille à ses adhérents de ne pas s’engager dans le renouvellement de leur convention tripartite si cela engendre une perte de moyens.

Places existantes négligées

Autre sujet d’insatisfaction pour les acteurs du secteur personnes âgées, le manque de moyens octroyés pour les places existantes. 
« 70 % à 75 % des dépenses de soins des établissem
ents correspondent à des charges de personnel. Or, les dotations de reconduction pour les places existantes ne seront  revalorisées que de 0,8 % en 2012. C’est largement insuffisant pour faire face aux charges salariales. On poursuit la création de places alors que des structures sont encore sous-médicalisées et que le secteur de l’aide à domicile est en grande difficulté. Il est préférable de faire du qualitatif que du quantitatif. Il faut rattraper vingt-cinq années d’inertie », estime Claudy Jarry, président de la Fédération nationale des associations de directeurs d’établissements et services pour personnes âgées (Fnadepa).

Pathos, objet de controverses

Début novembre, le comité scientifique des référentiels Aggir et Pathos a été mis en place. Cette instance indépendance et pluridisciplinaire a notamment pour missions de conduire un travail sur l’évaluation médicale et la définition des besoins en soins mais aussi de proposer les évolutions nécessaires en matière de cotation, de pondération médicale et de codage et enfin, d’harmoniser les pratiques d’utilisation des référentiels.

Pas un outil de tarification

Depuis 2007, la médicalisation dite de deuxième génération des Ehpad s’appuie sur le référentiel Pathos destiné à mesurer les niveaux de soins nécessaires des résidents(1). Un outil qui suscite la controverse. « L’outil Pathos n’a pas été conçu pour être un outil de tarification. C’est sa première limite. Il est intéressant pour évaluer les soins médico-techniques infirmiers mais il ne tient pas compte des prises en charge non médicamenteuses, comme c’est le cas pour la maladie d’Alzheimer, ni des actions de prévention menées auprès des résidents. Ce référentiel a été élaboré à la fin des années quatre-vingt-dix. Il mérite d’être toiletté et remis à jour », considère Muriel Jamot, adjointe du délégué général, en charge du secteur médicosocial à la Fédération hospitalière de France (FHF). « 200 000 lits ne sont pas encore conventionnés deuxième génération. On ne doit pas changer les règles du jeu en cours de route », estime, de son côté, Florence Arnaiz-Maumé, déléguée générale du Synerpa, fédération de maisons de retraite privées et des établissements pour personnes âgées. Et de poursuivre : « L’outil Pathos est un excellent outil mais il a été dévoyé par les médecins conseils des Agences régionales de santé qui ont tendance à sous-estimer le Pathos moyen pondéré (PMP) des établissements ». « Avant, il y avait une circulaire qui prévoyait une révision de la coupe Pathos tous les deux ans. Aujourd’hui, faute d’une réglementation, lorsqu’un établissement demande une nouvelle validation de sa coupe Pathos, la situation est complètement bloquée », déplore Alain Villez, conseiller technique à l’Union nationale interfédérale des œuvres et organismes privés sanitaires et sociaux (Uniopss). Celle-ci a milité pour l’introduction d’une possibilité de réévaluation à la demande de l’établissement, notamment lorsque des variations importantes de charges en matière de soins sont constatées.

Révision à la baisse

« Il existe des écarts importants des PMP selon les régions et les coupes Pathos sont revues systématiquement à la baisse : certains établissements qui n’étaient pas en convergence le sont désormais. La culture de la traçabilité dans les dossiers patients n’est pas maîtrisée, le rôle du médecin coordonnateur n’est pas valorisé », regrette Claudy Jarry, président de la Fédération nationale des associations de directeurs d’établissements et services pour personnes âgées (Fnadepa). Les responsables d’établissement sont à présent en attente de la parution du décret créant des commissions régionales de coordination médicale (article 81 de la LFSS 2011) afin que les coupes Pathos puissent faire l’objet d’une discussion contradictoire.

(1) La tarification de la part « soins » au sein des Ehpad repose sur les outils Aggir et Pathos. Le modèle Pathos, évalue le besoin en soins techniques. Il est complété par le modèle Aggir qui, lui, évalue le besoin en soins de base.

Qualité + efficience =
dotations supplémentaires ?

Améliorer la qualité et l’efficience des soins ou limiter le recours à l’hospitalisation des résidents : tel est l’objectif visé par les expérimentations qui seront conduites, à compter de cette année et pour une durée maximale de trois ans, au sein d’Ehpad volontaires, sélectionnés par les Agences régionales de santé. Concrètement, l’article 37 de la Loi de financement de la sécurité sociale 2012 prévoit une majoration et non plus une modulation du forfait global relatif aux soins des établissements accueillant des personnes âgées dépendantes en fonction d’indicateurs de qualité et d’efficience dont la liste sera fixée par décret. « Cet article ne doit pas être utilisé comme un ersatz de tarification », avertit  Alain Villez, conseiller à l’Union nationale interfédérale des œuvres et organismes privés sanitaires et sociaux (Uniopss). « Une fois que tous les établissements seront justement dotés au regard de leur PMP et de leur GMP, on pourra comparer. Il existe actuellement des différences de dotations allant de un à trois. Il faut d’abord finir la réforme de la tarification des Ehpad avant de commencer un travail sur la qualité et l’efficience », considère Florence Arnaiz-Maumé, déléguée générale du Synerpa, fédération de maisons de retraite privées et des établissements pour personnes âgées.
Les modalités de mise en œuvre de ces expérimentations seront définies par un cahier des charges approuvé par décret du Conseil d’Etat. Un bilan annuel devra être transmis au Parlement ainsi qu’un rapport d’évaluation en vue d’une éventuelle généralisation de ces indicateurs pour les dotations soins des Ehpad.

 

L’état de santé des résidents

Selon l’enquête « EHPA 2007 », menée par la Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (Drees) auprès des Établissements d’hébergement pour personnes âgées (EHPA), plus de huit résidents sur dix souffrent d’au moins une affection neuropsychiatrique, plus d’un tiers présentent un syndrome démentiel et/ou un état dépressif et environ un quart un état anxieux et/ou des troubles du comportement. Par ailleurs, les trois quarts des résidents sont atteints d’au moins une affection cardiovasculaire, l’hypertension artérielle étant la plus fréquente. Au total, en moyenne, les résidents cumulent six pathologies, essentiellement des pathologies chroniques stabilisées.

Par ailleurs, environ quatre résidents sur dix ont une déficience intellectuelle, quatre sur dix une déficience du comportement et quatre sur dix, une déficience motrice. Enfin, les personnes âgées vivant en institution consomment en moyenne 6,5 médicaments par jour.

 

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