Par un arrêt du 5 octobre 2016, le Conseil d’Etat a rendu une importante décision ouvrant la voie à une déduction de la totalité de la TVA ayant grevé les dépenses d’administration générale d’un Ehpad, et de fonctionnement et d’entretien de ses bâtiments.
Les Ehpad handicapés par une TVA partiellement déductible
On rappelle que la loi n’autorise pas la déduction de la TVA payée sur des dépenses qui sont affectées à la réalisation d’opérations exonérées de TVA.
Les Ehpad fournissent trois types de prestations aux personnes âgées qu’ils accueillent : des prestations d’hébergement et de restauration, des prestations d’assistance à la dépendance et des prestations de soins.
Or les prestations de soins sont exonérées de TVA. Pour la TVA payée sur les dépenses affectées aux trois types de prestations, un prorata de déduction doit en principe être calculé : cette TVA n’est donc que partiellement déductible pour l’Ehpad.
Pour limiter le montant de la TVA non déductible, une solution couramment mise en place par les Ehpad a consisté à sectoriser leurs activités entre prestations soumises à la TVA et prestations exonérées. Cette solution permettait de déduire intégralement la TVA ayant grevé les dépenses afférentes aux prestations d’hébergement, de restauration et d’assistance à la dépendance.
Cette pratique a néanmoins été remise en cause par le Conseil d’Etat qui a considéré que les prestations rendues par un Ehpad étaient trop complémentaires pour être sectorisées, ne laissant jusqu’à récemment d’autre choix aux Ehpad que d’appliquer un prorata de déduction de TVA.
L’opportunité ouverte par le Conseil d’Etat
L’Ehpad « Le Parc de la Touques » avait constitué des secteurs distincts d’activité, et avait déduit l’intégralité de la TVA afférente à des dépenses d’administration générale, et de fonctionnement et d’entretien général des bâtiments, estimant que ces dépenses étaient affectées au secteur taxable. L’administration fiscale avait considéré que cette sectorisation était impossible et qu’un prorata de déduction devait donc être appliqué.
Conscient qu’invoquer la sectorisation avait peu de chances d’aboutir à un résultat favorable au vu de la jurisprudence, l’Ehpad a alors développé une argumentation novatrice en avançant que les dépenses précitées devaient être considérées comme affectées à des opérations soumises à TVA puisque la loi lui imposait de les répercuter dans le prix de revient de la prestation d’hébergement et d’assistance à la dépendance, et proscrivait à l’inverse de les répercuter dans les tarifs afférents aux soins.
Le Code de l’action sociale et des familles dresse en effet la liste limitative des dépenses pouvant être prises en compte pour le calcul du forfait « soins », qui ne comprend pas les dépenses en cause ici.
Cet arrêt, qui tire logiquement les conclusions de dispositions légales ignorées par l’administration fiscale, est heureux en ce qu’il sécurise la possibilité pour les Ehpad de déduire l’intégralité de la TVA ayant grevé les dépenses d’administration générale, ou de fonctionnement et d’entretien général des bâtiments, en dépit du fait que ces dépenses concourent aussi à la réalisation des prestations de soins.
Les Ehpad ayant appliqué le prorata de déduction sur de telles dépenses sont donc fondés à faire une réclamation contentieuse auprès des services fiscaux afin de demander le remboursement de l’excédent de TVA versé.
Et pour l’avenir, les Ehpad pourront déduire l’intégralité de la TVA grevant ces mêmes dépenses.
François Vignalou, avocat associé, cabinet Brunswick Société d’avocats.
César Engelmann, avocat collaborateur, spécialisés en droit fiscal, cabinet Brunswick Société d’avocats.